Comment respirer ? La question se pose régulièrement à l’individu contemporain désireux de prendre un bol d’air frais ou de pratiquer son yoga. Mais elle se fait plus pressante encore pour qui est désireux de simplement penser, pris à la gorge par ses cascades de mails ou des sollicitations diverses dans un quotidien toujours resserré. C’est là que le chindogu, objet dont l’essence même est l’inutilité, trouve tout son sens. Attention, on ne parle pas ici de quelque chose d’inutile comme peuvent l’être, dans une certaine mesure, un smartphone ou d’autres accessoires superflus de ce début de XXIe siècle ! L’inutilité d’un chindogu est une inutilitéradicale. Ce sont des couverts équipés d’un ventilateur pour souffler sur le plat et le refroidir, un couvre-chef auquel est adjoint un rouleau de mouchoirs jetables pour sortir, sans crainte des allergies ni du ridicule, ou des entonnoirs qui, déposés sur le front au-dessus des yeux, permettent de se verser du collyre sans qu’une seule goutte ne tombe sur vos joues.
Pour être réussi, un chindogu doit répondre à un véritable besoin, mais d’une façon tellement encombrante ou complexe que le (maigre) bénéfice que l’on pourrait en retirer est aussitôt annulé… par l’objet lui-même. Du moins s’agit-il là du premier commandement du chindogu : « Un chindogu ne doit pas être conçu pour un véritable usage. Il doit être d’un point de vue pratique quasiment inutilisable ».
Tel est le principe clé de cette discipline merveilleusement absurde, imaginée par Kenji Kawakami, ingénieur aéronautique aujourd’hui âgé de 68 ans. C’est lui qui imagina le mot, dessina et réalisa les tout premiers chindogus dans les années 1980, à l’époque où les gadgets et technologies de l’archipel se répandaient dans le monde entier en raison de leur fiabilité, pour ne pas dire de leur perfection.
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We Demain n°8
Julien Millanvoye
Journaliste