Votre business model précautionneusement mis au point bousculé par des lilliputiens ; vos coûteuses études marketing piétinées par des voyous ; vos clients les plus rentables et fidèles vous quittant sans un mot. Vous-même adoptant à titre personnel une solution qui rend votre offre inutile, car d’évidence la nouvelle est meilleure et moins chère, voire gratuite. Et tout ça sans qu’aucun spécialiste ni que votre célèbre flair n’aient rien vu venir… Impossible ? C’est vrai.
Maintenant, prenez la direction générale de Rand McNally, l’un des principaux producteurs de cartes routières et touristiques aux États-Unis pendant un siècle, une belle structure familiale, et réalisez le rêve de plusieurs générations en rachetant votre concurrent historique, Thomas Guide. Cette consolidation est rendue nécessaire par l’arrivée des offres de guidage sur Internet et de sites comme Yahoo ! Ou MapQuest. Opération logique de regroupement des forces devant un nouvel adversaire. Mais vous avez les données de base et vous savez vous battre. C’est alors qu’apparaissent les systèmes de guidage GPS comme Garmin, TomTom ou Magellan. C’est trop pour vous : ce matériel est portable, de moins en moins cher et comporte toutes les données importantes que vous pensiez être le seul à avoir rassemblées. Vous avez perdu, vous disparaissez. Ils ont gagné.
Non. Ils ont aussi perdu après une joie de très courte durée. Ils vous ont attaqué sur votre marché, avec un outil meilleur que le vôtre, plus flexible et moins cher. Votre perte est logique, quasi prévisible. Eux tombent, victimes collatérales d’un outil imprévisible : le téléphone. Ou, plus exactement, le smartphone, dans lequel les applications de guidage sont gratuites, enrichies à l’infini par les données inépuisables de l’Internet bon marché. Vous êtes mort de la compétition traditionnelle, ils sont morts d’une ancienne maladie, récemment remise sous les feux de la rampe : la disruption.
Pierre Duval