Partager la publication "Sans les yeux, sans les mains, sans danger : rouler en 2030"
Le périphérique parisien de ce vendredi après-midi est un immense parking circulaire. « Porte d’Orléans : + 1 heure», clignote un panneau
à message variable. Ça tombe bien, j’ai une centaine de mails en attente sur ma messagerie. Et la voiture
qui va avec. La Mercedes Classe S s’arrête, redémarre, enchaîne les rapports de sa boîte automatique et braque pour rester dans sa voie sans la moindre intervention de ma part. Le siège est reculé au maximum, l’ordinateur déplié, la jante du volant frotte un peu le dos de l’écran dans les courbes de la porte d’Auteuil.
Le GPS me préviendra quand il faudra bifurquer vers l’A6. J’ai tout mon temps.
Un coup de klaxon me tire
de la consultation de mes messages. Je suis immobilisé sur la voie
de gauche et le trafic me dépasse
par la droite. Devant mon capot,
une haie de cônes dérive le trafic
à l’écart d’un accident. Un policier
me fait signe de circuler. Pris en faute, je replie mon ordinateur, cherche
les pédales hors de portée, avance le siège, reprends mes esprits et repars. La caméra stéréo n’a pas su interpréter ces cônes et, prudemment, l’ordinateur de bord a choisi de ne pas suivre la voiture de devant quand elle a bifurqué. Le trafic enfin libéré repart à bonne allure. Je n’ose pas replonger dans mes messages. Pourtant, la voiture se comporte comme avant, rivée à des
rails invisibles qui font tourner le volant quand je me laisse dériver. Des rails visibles en fait. Ce sont les bandes blanches qui, en plus des mouvements des véhicules en amont, guident l’auto.
Conduis-je ?
« Dans 500 m, tournez à droite», intime le GPS. À moi d’actionner l’aiguillage : clignotant, mains sur le volant, je change de file entre deux cortèges de motos,
et me voici sur l’A6. La Mercedes aurait- elle su négocier le rude virage en tunnel qui catapulte sur l’autoroute du soleil ?
Je n’ai pas été joueur. J’ai bien fait puisque ce genre de courbe n’est pas (encore)
au programme de la machine. Le troupeau roule maintenant plein sud à 90 km/h,
un panneau annonce « Orly : fluide »
et au tableau de bord le petit volant vert indique le bon fonctionnement du pilotage automatique. La sensation est
la même qu’à l’avant du wagon de tête d’un métro automatique, en moins rassurant. Après tout, ce machin est aussi un régulateur de vitesse intelligent qui maintient non seulement le cap mais
aussi la distance de sécurité. Conduis-je ?
Réponse un peu plus tard, quand clignote entre les compteurs la petite tasse signalant – toutes les deux heures – qu’il est temps de faire une pause. Dormais-je éveillé ? Il me faut un gros effort mental pour déconnecter l’automatisme, sortir
du flux, guider la voiture jusqu’à l’aire
de repos et freiner à temps pour ne
pas grimper sur le trottoir. Je suis sidéré, littéralement abruti, comme si l’auto avait pris possession de mon système nerveux. Encore deux heures de ce régime et, dans le meilleur des cas, je continuais jusqu’à Marseille ou la panne sèche. Dans le pire, je m’endormais, sans grande conséquence puisque la voiture sait éviter obstacles
et véhicules, même ceux venant d’en
face. Mais piquer un somme n’est pas au programme, des capteurs me surveillent et auraient sonné le réveil. Et si je ne me réveillais pas ? La classe S se serait rangée toute seule sur le bas-côté. Avec le clignotant puis les feux de détresse. Fin de la blague.
Détection par laser
Et début d’une nouvelle ère : celle de la voiture autonome, ce véhicule capable de transporter un aveugle que Google et les constructeurs nous promettent pour bientôt.
«Tous les problèmes et défis auxquels nous devons faire face aujourd’hui pour faire rouler une voiture autonome seront résolus d’ici à 2020 », a déclaré au salon de l’auto de Francfort, l’automne dernier, Carlos Ghosn, patron de l’alliance Renault-Nissan…
La suite dans We Demain n°7