Partager la publication "2025 : la “vie share” a vaincu la “vie chère”"
Voilà une semaine que le thermomètre s’affole à la hausse et affiche déjà plus de 10 °C deux heures avant l’aube. La France a chaud. Très chaud. Nous sommes en 2025, il est 7h du matin. Tiré des limbes par le paysage sonore intitulé After à Koh-Lanta qu’il a programmé hier sur le réveil numérique, Gabriel émerge lentement, se retourne, enfouit sans espoir son visage chiffonné dans l’oreiller et finit par ouvrir un œil.
Gabriel est né le 2 janvier 2000. C’est un miraculé. Il a échappé au bug de l’an 2000, à la crise de 2008 (et aux suivantes), au pessimisme contagieux du tournant des années 2K et à la fin du monde initialement prévue le 21 décembre 2012 – si vous lisez ces lignes, vous êtes vous-même un survivant… Mais à l’heure qu’il est, le jeune homme n’en a cure ; il ne pense qu’à une seule chose, son café, que la machine à détecteur de présence So Express vient de commencer à faire couler. Les effluves familiers du café colombien, son préféré, le rassurent et l’aident à s’éveiller tout à fait.
Son regard se perd le long des murs blancs de la cuisine américaine, et jusqu’au bout du salon. Ici, à Paris, Gabriel n’est pas chez lui. Il ne vit pas dans cette ville, il y passe juste plusieurs jours par mois, au gré de ses « meetings » comme il dit. Et à chaque fois, il dort dans un endroit différent, qu’on lui prête, qu’il échange contre son propre appartement où qu’il loue pendant quelques jours. Ce « sharer » sait parfaitement jongler entre son budget et ses points de réputation acquis au sein de ses nombreuses communautés, pour dénicher la meilleure offre disponible sur les « bourses au logement ». Cette fois, n’ayant hébergé personne depuis plusieurs semaines, il était à court de crédits et a dû se résoudre à en acheter sur HomeSharing, la principale plate-forme de logement entre particuliers. Il a réservé trois nuits dans ce studio appartenant à une jeune infographiste 3D, la propriétaire s’étant envolée pour New York où elle doit donner une conférence TED sur la portée socio-économique de la révolution MakerBot, les fameuses imprimantes 3D. Il espère bien la croiser à son retour…
« Il est 7h15 sur ID, la radio de toutes les idées. Ce matin, nous recevons Saturnin Gaspard. » Café et Smartphone – le meilleur ami de l’homme – en main, Gabriel décide de se faire couler un bain. Il va en profiter pour écouter cette émission dont l’invité du jour fut l’un des premiers, dans les années 2010, à annoncer l’émergence d’une société collaborative. Gabriel, lui, est tombé dedans il y a plusieurs années : pour lui, comme des millions d’autres sharers, fini la fièvre acheteuse qui sévissait encore au début du siècle. Il s’est détaché peu à peu de l’influence des marques et est devenu un « consomm’acteur ». Gabriel ne cherche plus à posséder à tout prix, mais d’abord à accéder à la fonctionnalité d’un produit grâce à la location et, plus malin encore, au partage ou au troc.
Gabriel appartient à plusieurs de ces collectifs nés du et sur le Web. Ça lui fait penser d’ailleurs qu’il doit valider sa liste de courses auprès de sa communauté de locavores. « C’est marrant, pense-t-il, c’est comme si on avait appris finalement à être intelligents en groupe. » Ce soir, dans son appartement éphémère, le jeune homme recevra quatre copains à dîner. Et cette perspective le stresse déjà. Ses amis sont des « foodsters », cette drôle de clique d’obsédés du goût et du bien-être. Ou comment toujours manger bon et bien. Heureusement, les sites Internet proposant des menus complets en fonction des données de ses invités – leurs goûts, leurs habitudes alimentaires ou leurs derniers repas – sont légion. Ce soir, Gabriel doit assurer : c’est la première fois qu’il rencontrera « en vrai » Vanessa, Antonin, Louis et Léa. Les jeunes gens ont, en effet, tous fait connaissance via une plate-forme universitaire collaborative en ligne sur laquelle ils suivaient une spécialisation. Autour de la table d’emprunt de Gabriel, ils se réuniront pour célébrer la date anniversaire de leur diplôme en « économie open source ».
8H. La baignoire immaculée vient de virer au bleu ciel, signe que l’eau est désormais trop froide. Gabriel en sort, se sèche et sculpte ses cheveux en quelques gestes sûrs, pour un coiffé-décoiffé au poil. Le sharer n’en est pas moins coquet. Quelques gouttes du parfum ambré qu’il a fabriqué lui-même lors d’un récent atelier, et le voici fin prêt.
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