Dans un Paris confiné, le cri des mouettes planant le long de la Seine remplaçait celui des moteurs de voiture. Partout en France, l’une des conséquences du confinement fut notamment la diminution spectaculaire du niveau sonore en milieu urbain et l’apparition de sons nouveaux. “À Lyon, Grenoble ou Aix-en Provence, on a observé une réduction de 4 à 10 décibels pendant le confinement, soit 60 % à 75 % de l’énergie sonore, ce qui est conséquent”, résume Patricio Munoz, directeur de Acoucité, l’Observatoire de l’environnement sonore de la Métropole de Lyon.
Menées par Acoucité et Bruitparif, les études sur l’environnement sonore montrent également que la baisse d’un flux sonore a eu pour résultat la redécouverte de nouveaux sons. “En temps normal, les bruit des transports dominent notre environnement sonore, poursuit Patricio Munoz. Pendant le confinement, ces sources sonores étaient moins présentes que les sons d’origines naturelles comme les chants des oiseaux ou le bruit des feuillages. L’étude révèle également que ces derniers sont systématiquement accueillis de manière favorable et positive”.
“Les chants des oiseaux ou le bruit des feuillages sont systématiquement accueillis de manière favorable et positive”
ENREGISTREMENT 1 : Un univers urbain quasi-normal. Lundi 16 mars 2020 à 19h00, Allée de Brienne à Toulouse. (Enregistrement : Samuel Challéat)Enregistrement 1.mp3
ENREGISTREMENT 2 : Les sons d’origines humaines ont laissé place à des sons naturels. Samedi 21 mars 2020 à 07h00, Allée de Brienne à Toulouse. (Enregistrement : Samuel Challéat)Enregistrement 2.mp3
Un nouvel univers sonore dont on peut se rendre compte grâce à la mémoire de Silent Cities. Lancée le 15 mars dernier par quatre chercheurs, cette étude des paysages sonores inédits a mobilisé 300 personnes dans 50 pays : “L’objectif était d’enregistrer en continu le paysage sonore d’un lieu. Grâce à cette banque de donnée, on peut imaginer de nombreuses études acoustiques et pourquoi pas la mise en place de réserves sonores comme on a des réserves naturelles ou de ciel, c’est-à-dire sans pollution lumineuse”, s’enthousiasme Nicolas Farrugia, docteur en intelligence artificielle et cofondateur de Silent Cities.
Des espaces calmes à haute valeur touristique et qui vont de pair avec une meilleure santé comme le souligne l’OMS, “on sait que ce qui est considéré comme du bruit a des effets négatifs sur la santé. Les personnes exposées de manière continue à un niveau sonore élevé sont sujettes à des troubles du sommeil ou des maladies cardiovasculaires”, explique Patricio Munoz.
“En 2016, plus de 25 millions de personnes en France étaient affectées par le bruit des transports, dont 9 millions exposées à des niveaux sonores critiques pour leur santé”
Un enjeu sanitaire et écologique à l’étude Le 24 décembre 2019, la promulgation de loi d’orientation des mobilités (LOM) était synonyme d’accélération dans la lutte contre la pollution sonore. Pour aller plus loin, le 2 juin dernier, la députée LREM des Hauts-de-Seine Lauriane Rossi interpelait le gouvernement pour que le plan de soutien aux secteurs de l’automobile et de l’aéronautique prenne également en compte la réduction de la pollution sonore. Selon Lauriane Rossi : “Ce soutien public doit constituer un levier de verdissement des mobilités mais également l’opportunité d’une réelle amélioration de l’environnement sonore des Français”.
Malgré les efforts en termes d’infrastructures et de technologies effectués depuis plusieurs années – isolation phonique des bâtiments neufs, pneus et revêtements silencieux, développement de voitures électriques, etc. –, plus de 25 millions de personnes en France étaient affectées par le bruit des transports. Parmi celles-ci, 9 millions étaient exposées à des niveaux sonores critiques pour leur santé, selon une étude co-pilotée en 2016 par l’Ademe et le Conseil national du bruit (CNB). Publié en janvier 2020, un sondage Opinion Way réalisé pour La Semaine du Son relevait que 79 % des personnes sondées considèrent que les pouvoirs publics ne prennent pas en compte la pollution sonore dans les quartiers défavorisés.
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Pour Paul Avan, professeur de biophysique à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand, il faut poursuivre les efforts en faveur d’un urbanisme plus silencieux : “Nous avons du retard par rapport à d’autres pays comme l’Autriche qui a systématisé l’installation de panneaux phoniques aux abords des voies rapides. Il faut également continuer à encourager des modes de transports silencieux par le déploiement de pistes cyclables, par exemple, et encourager l’industrie à développer des véhicules et des infrastructures silencieuses.”
Un avis partagé par Patricio Munoz : “On a les moyens techniques pour réduire le volume sonore des villes. Cela dépend des politiques mais aussi de chacun. Dans quelle mesure sommes-nous prêts à abandonner le confort de la voiture pour bénéficier du confort sonore ? C’est aussi une question citoyenne”.