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“Retour sur Terre” : propositions pour un changement de civilisation

35 propositions pour une société verte, résiliente et démocratique. Dominique Bourg, Philippe Desbrosses, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Xavier Ricard Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton cosignent un ouvrage qui parait mi-juin aux PUF et dont We Demain publie 5 extraits.

Le 12/06/2020 par Morgane Russeil-Salvan

Non, la pandémie de Covid-19 n’est absolument pas comparable avec la crise climatique : c’est le constat que posent, en ouverture d’ouvrage, les auteurs de Retour sur Terre (1).

Dans le premier cas, les gouvernants n’hésitent pas à mettre la machine industrielle à l’arrêt : ils savent que leur peuple n’acceptera pas que les morts s’accumulent. Dans le second, la menace est encore trop lointaine. Les émissions de gaz à effet de serre d’aujourd’hui ne se répercuteront sur le climat que dans vingt ou trente ans. Or l’agenda politique est bien plus court.
 

“L’absence d’immédiateté empêche la possibilité d’une imputabilité”, écrit Dominique Bourg, tête de liste “Urgence Écologie” lors des Européennes de 2019, dans la préface de l’essai.

Alors, que faire ? Les auteurs de l’ouvrages proposent de “changer ni plus ni moins de civilisation”. “Nous ne disposons que d’une dizaine d’années pour entamer cette bascule”, soulignent-ils. Sur 90 pages, ils développent 35 propositions. We Demain a choisi de publier cinq d’entre elles.

La mise en place d’un Revenu de Transition Écologique (RTE)

Le RTE est un outil visant à accélérer la création d’emplois dans la transition. Il se destine à des personnes physiques qui souhaitent se lancer dans des activités à fort impact écologique et social (par exemple en agroécologie, permaculture, artisanat, low-techs) dont la rémunération par le marché est souvent bien inférieure à leur valeur réelle. Partant des besoins, des compétences et des envies des personnes, à l’instar des Territoires zéro chômeurs de longue durée, la finalité du RTE est de permettre à tous, dont les plus précaires, de développer une activité de travail rémunérée, épanouissante et permettant de vivre dignement.
 

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L’encadrement des écarts de revenus

Il faudrait par voie de conséquence prévoir l’encadrement des écarts de revenus (salaires, revenus du capital), à l’intérieur d’une fourchette dont l’amplitude est à définir de manière démocratique par référendum. De même que le revenu de transition écologique comble la distance entre le revenu jugé minimal et la rémunération réelle par le marché, le revenu maximal est le produit d’une décision démocratique qui interdit la sur-rémunération par le marché, dès lors que celle-ci introduit des écarts de revenus que la société juge néfastes. La même logique prévaut dans un cas comme dans l’autre : la borne inférieure et supérieure des revenus est déterminée démocratiquement.

Vers une “agroécologie décarbonée”

Il est urgent de mettre en place un modèle agricole à très haute productivité par unité de surface et à faible productivité par unité de travail. Une telle agriculture exigera de mobiliser à terme de 15 à 30 % de la population économiquement active (PEA), d’abandonner presque entièrement la motorisation à énergie fossile et d’avoir massivement recours à l’énergie musculaire (animale ou humaine).

Cela implique également d’imposer un phasage de l’utilisation des pesticides de synthèse (néfastes pour toute la biodiversité) et les engrais de synthèse, autre poste important de l’utilisation/dépendance des combustibles fossiles en agriculture.

Imposer la sortie de cet ancien modèle est aussi une façon de se projeter dans le nouveau, qui permettra de faire de l’agriculture le premier secteur économique fixateur de carbone, comme le demandent les scénarios du GIEC que tous les pays ont admis avec la COP21 dont la France est si fière.

Fin des paradis fiscaux

Pour faire disparaître totalement le recours des entreprises aux paradis fiscaux, la loi prévoirait des sanctions pénales applicables aux dirigeants (actionnaires compris). Le rapatriement fiscal des avoirs détenus par les sociétés et les particuliers permettrait de restituer à l’État des ressources (la perte fiscale est actuellement estimée à près de 5 milliards par an, les avoirs nets des ressortissants français détenus par les paradis fiscaux, à plus de 300 milliards d’euros) qui pourraient être consacrées à la conversion écologique.

De l’État Providence à l’État Résilience

Ce dernier offrirait une garantie de solidarité universelle, à proportion des revenus de chacun et couvrant l’ensemble des risques, y compris les risques écologiques. Il s’agit de faire de la “sécurité” un horizon de civilisation, dans un monde instable et menacé par le réchauffement climatique et des bouleversements écologiques sans précédents. Dans un tel monde, la sécurité sociale devient une valeur essentielle, et la garantie d’une vie stable le substitut de l’appétit pour le gain et la distinction sociale par l’avoir qui avaient caractérisé l’imaginaire social du capitalisme.

(1) Retour sur Terre : 35 propositions, par Dominique Bourg, Philippe Desbrosses, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Xavier Ricard Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton, Presses Universitaires de France, 5,00 €.

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