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L’IA future star de la peinture ? Pas si sûr

Des intelligences artificielles sont désormais capables de créer des tableaux. Mais le public peine à les considérer comme des artistes, comme le révèle une étude menée par l’institut français b<>com.

Le 12/06/2020 par Pauline Vallée

Il y a presque un an, Ai-Da montait sa première exposition solo au St John College d’Oxford. Du 12 juin au 6 juillet 2019, les visiteurs pouvaient admirer librement les dessins, tableaux, sculptures et vidéos réalisés par l’artiste. Une visite somme toute banale… si l’on ignorait ce petit détail : Ai-Da n’est pas humaine, mais une intelligence artificielle humanoïde imaginée par le galeriste anglais Aidan Meller.

Si elle est la première IA à avoir exposé ses oeuvres au grand public, elle n’est en revanche pas la seule à avoir démontré ses talents de peintre. En octobre 2018, le “Portrait d’Edmond de Belamy”, réalisé par un algorithme du collectif français Obvious, créait la sensation chez Christie’s en se vendant 390 000 euros, soit 45 fois son estimation de départ. L’ensemble de l’oeuvre d’Ai-Da a été adjugé, quant à elle, pour plus d’un million d’euros.
 

 
 
 

 
 
 
 
 

 
 

 
 
 

 
 

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De là à proclamer que le Picasso du futur sera une formule mathématique, il reste du chemin à parcourir. Une fois passé l’attrait de la nouveauté, l’intérêt pour ces créations s’est progressivement émoussé. Les deux autres tableaux mis en vente par Obvious en novembre dernier ont ainsi été vendues à des prix bien plus raisonnables que leur prédécesseur.

Surtout, si les toiles conçues par des IA piquent incontestablement la curiosité, le grand public peine encore à les considérer comme de véritables oeuvres d’art. C’est du moins la conclusion d’une étude publiée en avril par l’Institut de Recherche Technologique b<>com.

Anxiété et manque de légitimité

Le simple fait d’annoncer qui, de l’humain ou d’un algorithme, a réalisé des peintures, influe sur leur perception par le public”, note Martin Ragot, chercheur en sciences cognitives chez b<>com et responsable du programme Prospective <2031>.

Les 565 participants de l’expérimentation pouvaient admirer un seul et même panel de 40 tableaux, dont certains réalisés par des humains (Monet, Mondrian) et d’autres par des intelligences artificielles. Un premier groupe pensait cependant contempler des travaux entièrement réalisées par une IA, tandis que le second croyait qu’ils avaient été produits par des artistes humains. Résultat : les œuvres présentées comme “humaines” sont estimées comme ayant trois fois plus de valeur que celles présentées comme étant l’oeuvre d’une IA.

Les personnes testées montrent un fort biais négatif dès qu’elles pensent avoir affaire à de l’intelligence artificielle”, résume Martin Ragot. Comment expliquer une telle différence ? Le premier facteur, d’ordre technique, serait le manque de réalisme des peintures produites par les IA. La plupart des toiles exposées dans le cadre de l’étude datent en effet de 2018, une éternité dans l’univers de l’intelligence artificielle, où les outils se renouvellent sans cesse.
 

Notre perception générale de l’intelligence artificielle entre aussi en jeu. “Plusieurs études pointent une forme de technophobie, une anxiété vis-à-vis de l’IA, qui pourrait créer une forme de rejet”, avance le chercheur. “La légitimité que nous accordons à un artiste influe également la manière dont nous allons percevoir son oeuvre. Ici, l’artiste humain bénéficie d’une plus grande légitimité que la machine.”

Faire réaliste… mais pas trop

Autre donnée intéressante révélée par l’étude : les volontaires à qui l’on demandait de déterminer si un tableau avait été réalisé par un humain ou une IA réussissaient quasi-systématiquement à établir la différence en présence d’un portrait.

Ceux-ci, davantage que les paysages, compliquent la tâche des algorithmes qui ne parviennent pas à duper notre cerveau. Cela ne surprend pas Martin Ragot. “Les humains sont ‘câblés’ pour reconnaître des visages”, explique-t-il. “Nous parvenons à saisir des nuances très subtiles, d’où notre plus grande sensibilité face à ce type d’images.

Les dernières IA, assure-t-il, ont entraîné un gain en réalisme incontestable, rendant la discrimination de plus en plus difficile pour l’oeil humain. La difficulté consiste maintenant à ne pas faire trop réaliste, au risque de franchir un seuil que le roboticien japonais Mori Masahiro surnomme “la vallée de l’étrange”. De même qu’un robot humanoïde trop ressemblant suscite un sentiment de malaise, un portrait hyper-réaliste mais perçu comme différent par notre cerveau pourrait bien nous faire fuir. L’IA va falloir manier le pinceau avec des pincettes… 

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