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Climat : fertiliser les océans pour absorber davantage de CO2, une bonne idée ?

Plusieurs opérations ont tenté d’augmenter la quantité de plancton pour doper son action de pompe naturelle à CO2. Avec des résultats très mitigés.

Le 21/04/2021 par Vincent Rondreux
géo-ingénierie
Expérience scientifique de fertilisation de l’océan Austral à bord du navire australien Aurora Australis, en 2001. (Crédit : Ken Buesseler, Woods Hole Oceanographic Institution)
Expérience scientifique de fertilisation de l’océan Austral à bord du navire australien Aurora Australis, en 2001. (Crédit : Ken Buesseler, Woods Hole Oceanographic Institution)

Face au réchauffement climatique, le plancton est notre allié. Grâce à la photosynthèse et aux nutriments contenus dans l’eau, il capte dans l’atmosphère du dioxyde de carbone (CO2), le principal responsable de l’effet de serre. Puis il l’emporte avec lui dans les fonds marins quand il meurt. 

Des scientifiques et entrepreneurs se sont alors posé la question : Pourquoi donc ne pas stimuler cette pompe biologique de CO2 pour qu’elle puisse soustraire davantage de ce gaz de l’atmosphère ? Cela semble être du bon sens… Jusqu’à ce qu’ils dévoile leur méthode pour y parvenir : ensemencer les océans avec du sulfate de fer !

Cet article a initialement été publié dans le cadre de notre grand dossier “La science peut-elle sauver le climat ?” de la revue WE DEMAIN n°29, parue en Février 2020, disponible sur notre boutique en ligne.

S’inspirer du plancton

Dès 2007, un homme d’affaires américain, Russ George, a profité de telles perspectives pour créer une entreprise, Planktos. Grâce au marché de la compensation carbone, Planktos a réussi à lever 90  millions de dollars auprès d’investisseurs privés, et a annoncé vouloir traiter une zone de 10 000 kilomètres carrés au large des Galapagos, ce qui a provoqué l’ire de défenseurs de l’environnement. L’affaire a finalement capoté, Planktos a fait faillite et un moratoire de facto sur la géo-ingénierie a été adopté en 2010 par la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (sauf pour des expériences scientifiques à petite échelle).

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Mais Russ George a refait parler de lui en 2012 avec une autre entreprise, la Haida Salmon Restoration Corporation  : il a dispersé sans la moindre autorisation une centaine de tonnes de poussières de fer au large des îles de Haïda Gwaïi, sur la côte ouest du Canada. Le but ? Augmenter la quantité de plancton, et par ricochet booster la population de saumons tout en luttant contre le réchauffement climatique, car le développement du phytoplancton consomme de grandes quantités de CO2. Là aussi, l’affaire a fait scandale.

Surveiller ces expériences

On retrouve aujourd’hui certains de ses collaborateurs dans l’Oceaneos Marine Research Foundation, qui conduit deux nouveaux projets d’ensemencement au large du Chili et du Pérou. Mais l’histoire de Russ George a suscité la méfiance vis-à-vis de ce type de projets. Dans les faits, plus d’une douzaine d’expériences de fertilisation des océans ont été menées depuis le début des années 2000. Avec des résultats mitigés. 

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Elles ont notamment eu lieu dans des secteurs riches en nutriments mais où la production planctonique resterait limitée du fait d’un apport trop faible en fer : Pacifique subarctique, Pacifique équatorial, Océan austral.

Pour des scientifiques travaillant sur ce sujet, comme l’Indien Syed Wajih Naqvi et le germano-indien Victor Smetacek, il faudrait maintenant que ce type de recherche soit mené par une organisation internationale sans but lucratif, placée sous la tutelle des Nations unies et surveillée par des instances scientifiques indépendantes.

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Actuellement, au moins quatre projets de fertilisation des mers seraient en cours, selon l’ONG ETC Group. Le projet sud-coréen Kifes, par exemple, qui vise à ensemencer un secteur de l’océan Austral, près de l’Antarctique. Son ambition  : déterminer “si la fertilisation des océans par le fer est ou n’est pas une solution de géo-ingénierie d’avenir”

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