Partager la publication "JO de Tokyo : Masomah, la cycliste afghane qui brave les interdits"
Si rouler peut vous paraître naturel, évident ou nécessaire, ce n’est pas le cas pour toutes les femmes. En Afghanistan, faire du vélo quand on est une femme est un déshonneur et un péché. Mise en lumière par le reportage les petites reines de kaboul, Masomah est une jeune Afghane qui a tenté de rendre le cyclisme accessible aux femmes de son pays. Aujourd’hui, elle est réfugiée en France, d’où elle continue de mener son combat pour plus d’inclusion et de diversité. Et s’apprête à concourir aux JO de Tokyo. Voici son histoire.
En 2012, Masomah a 16 ans. Elle découvre qu’il existe une fédération de cyclisme accessible aux femmes en Afghanistan par le biais d’une course entre écoles de filles. Emmenée par le coach Sadiq Sadiqi, elle participe à plusieurs courses, et se fait rapidement remarquer en remportant la plupart d’entre elles. À ce moment-là, seuls ses parents connaissent sa passion. Elle a appris le vélo enfant, en Iran, où sa famille s’était réfugiée pour fuir la guerre pendant près de neuf ans.
Cet article est extrait d’ À vos cycles ! Guide du vélo au féminin de Louise Roussel, un ouvrage qui donne des conseils pratiques pour se mettre au vélo et dresse le portrait de femmes qui se battent par et pour le vélo.
“Si j’arrivais à faire du vélo dans un pays en guerre, je pouvais tout faire”
Ses résultats la propulsent dans de nombreux articles, dans la presse nationale et internationale. « En 2016, Arte fait un reportage sur les femmes cyclistes en Afghanistan, et j’en suis le personnage principal. Le journaliste me suit dans mon quotidien. On parle de moi, de mon histoire, de ma famille, du vélo… Beaucoup de monde a alors appris que je faisais du vélo… Ce qui était un problème dans la société afghane. »
C’était quelque chose de nouveau et d’anormal, pour les femmes du pays, de faire du vélo avec des vêtements sportifs, de prendre la route, de traverser Kaboul. « On était une dizaine de filles à faire du vélo à Kaboul. Et le vélo m’a beaucoup aidée. Si j’arrivais à rouler dans Kaboul, dans un pays en guerre, je pouvais tout faire. Paradoxalement, ça m’a donné une confiance en moi et une force incroyables. »
Réfugiée en France
Remarquée par l’ambassade française dans le reportage d’Arte, Masomah est invitée avec quatre autres cyclistes afghanes et son coach à participer à une course à Albi. Elle finit deuxième, et sa sœur troisième. Elle y rencontre Thierry et Patrick Communal, deux passionnés de vélo et défenseurs des droits des réfugiés.
À son retour en Afghanistan, elle garde le contact avec eux et leur parle des difficultés qu’elle rencontre. Insécurité croissante, impossibilité de s’entraîner régulièrement, réactions diverses, parfois très violentes, envers elle, en tant que femme cycliste, et envers ses proches. Thierry et Patrick se battent alors pour faire venir Masomah et sa famille en France. Et leur obtenir le statut de réfugié. Masomah est hébergée en Bretagne, où Thierry prépare deux vélos, un pour elle et un autre pour sa sœur. Elles font des compétitions UFOLEP, puis de la FFC.
En France, elle retrouve dans les yeux de ceux qui la voient concourir voilée le regard de certains Afghans : « En Afghanistan, les gens me regardaient bizarrement parce qu’ils voyaient pour la première fois une femme équipée de manière sportive sur un vélo. Ici, c’est le même regard. Les gens voient pour la première fois une fille qui fait du vélo avec un voile. »
En piste pour les JO de Tokyo
Ce parallèle permet à Masomah de mieux comprendre et d’expliquer les réactions de ses compatriotes : « Ils réagissaient violemment parce qu’ils n’avaient jamais vu ça. Alors ça n’était pas normal pour eux. S’ils voyaient des femmes sur des vélos tous les jours, comme c’est le cas ici, en France, pour se déplacer ou faire du sport, ça serait normal pour eux. De la même manière, si les Français voyaient plus de femmes voilées sur des vélos, ils réagiraient différemment. »
Masomah rêve des jeux Olympiques mais, comme elle ne peut représenter ni son pays ni la France, elle a été présélectionnée dans l’équipe des athlètes olympiques réfugiés. Une équipe qui, en 2021, participera pour la deuxième fois aux jeux Olympiques. Elle souhaite, lors de ces JO de Tokyo, porter un message de paix. « La guerre empêche les Afghans de s’éduquer, d’expérimenter et de voyager pour découvrir différentes cultures. S’ils avaient ces possibilités, ils pourraient avoir un regard différent. »