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Dernier rapport du GIEC : les 2 °C quasiment hors de portée ?

Les 1,5 °C de réchauffement, et peut-être également les 2 °C, seront dépassés d’ici 2050 environ, avec des impacts catastrophiques : c’est ce qui ressort du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Qui, outre une diminution massive des émissions, planche maintenant sur des scénarios intégrant la manipulation du climat.

Le 09/08/2021 par Vincent Rondreux
Couverture du résumé du rapport du GIEC destiné aux décideurs.
Couverture du résumé du rapport du GIEC destiné aux décideurs. (@IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis)
Couverture du résumé du rapport du GIEC destiné aux décideurs. (@IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis)

Réchauffement de l’atmosphère, vagues de chaleur, sécheresses, pluies torrentielles, inondations, fonte des glaces, hausse du niveau de la mer, acidification et désoxygénation des océans, tempêtes violentes… Le dérèglement climatique est déjà présent, “généralisé”, “rapide” et pour partie “irréversible” à notre échelle. Il “s’intensifie” et s’aggravera encore partout. Chaque demi degré en plus apportera son lot de catastrophes supplémentaires. Pas de conditionnel. Et la responsabilité humaine est “sans équivoque”… Ainsi parle en substance le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son nouveau rapport.

Celui-ci porte sur les fondements scientifiques du changement climatique (Groupe 1), première partie d’un travail développant également les moyens d’adaptation (Groupe 2) et d’atténuation (Groupe 3), qui seront dévoilés en 2022. 

Que d’évolutions depuis le dernier état des lieux, datant de 2013-2014 ! “L’influence humaine a réchauffé le climat à un niveau sans précédent depuis au moins 2 000 ans”, alertent encore les membres du GIEC.

Ces observations sont aussi dues aux progrès de la science climatique, selon Hoesung Lee, président du GIEC. Très attendues, elles serviront notamment de base aux négociations de la COP26 prévue en novembre prochain à Glasgow.

Des réactions brusques du climat ne sont pas exclues, selon le GIEC

Le résultat est lui aussi sans équivoque : aucun des scénarios à horizon 2100 proposés par le GIEC n’arrive en fait à limiter le réchauffement à +2 °C sans l’intervention d’hypothétiques technologies de géoingénierie, consistant notamment à capturer du CO2 atmosphérique pour l’enfouir sous terre et dans les mers, et aussi à manipuler le rayonnement solaire. Celles-ci seront précisées dans le rapport du Groupe 3 du GIEC, selon Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe 1, rassemblant 230 auteurs.

Néanmoins, d’après le présent rapport, validé par 195 gouvernements, les +1,5 °C seront de toute façon dépassés d’ici environ le milieu de ce siècle, tandis que les +2 °C pourraient être au moins atteints en 2050.

Et le GIEC n’exclut pas “les réactions brusques et les points de bascule du système climatique” : dépérissement des forêts, fonte accrue en Antarctique, hausse accélérée du niveau de la mer, réchauffement considérablement plus important, effondrement de la circulation océanique (le Gulf Stream)… Un état des lieux inquiétant. En voici les grands axes.

Réchauffement moyen

“La température continuera d’augmenter jusqu’à la moitié du siècle”, quel que soit le scénario envisagé. Les émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines (pétrole, charbon et gaz principalement) ont déjà provoqué un réchauffement de +1,1 °C depuis 1850-1900. Avec des augmentations plus importantes sur les continents, +1,6 °C en moyenne. 

Le réchauffement planétaire dû à l'activité humaine par rapport à la température moyenne qu'aurait connu la Terre sans cette perturbation, selon le GIEC. @IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis
Le réchauffement planétaire dû à l’activité humaine par rapport à la température moyenne qu’aurait connu la Terre sans cette perturbation, selon le GIEC. @IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis 

Vagues de chaleur

“Pour 1,5 °C de réchauffement, il y aura des vagues de chaleur croissante, des saisons chaudes plus longues et des saisons froides plus courtes”. À +2 °C, “les extrêmes atteindraient plus souvent des seuils critiques de tolérance pour l’agriculture et la santé”

Précipitations, inondations et sécheresses

“La poursuite du réchauffement intensifiera encore le cycle de l’eau, y compris sa variabilité, les précipitations de mousson et la gravité des épisodes humides et secs. La variabilité des précipitations liée au phénomène El Niño pourra elle aussi croître. Bien sûr, plus les précipitations seront intenses plus les risques d’inondation seront importants… Par endroits, sécheresse, aridité et incendies s’intensifieront également.

Fonte des glaces et du pergélisol

La poursuite du réchauffement amplifiera la fonte du pergélisol et des glaces. L’Arctique sera exempt de glace de mer en fin d’été avant 2050 et “la perte de carbone du pergélisol est irréversible à une échelle centenaire”. Son dégel est source d’émissions de CO2, de méthane ou encore de microbes.

Hausse du niveau de la mer

“Les évènements extrêmes du niveau de la mer qui se sont produits une fois en 100 ans pourraient se reproduire chaque année d’ici la fin de ce siècle”, affirme le GIEC.  La hausse moyenne du niveau de la mer pourra atteindre 1 m à l’horizon 2100 et 1,88 m à l’horizon 2150. Mais le GIEC n’exclut pas une hausse plus rapide, selon la vitesse de désintégration des calottes glaciaires. +2 m en 2100, +5 m en 2150. À plus long terme, la hausse atteindrait 2 à 3 m si le réchauffement est limité à 1,5 °C, 2 à 6 m s’il arrive à 2 °C et 19 à 22 m s’il monte à 5 °C.

Acidification et désoxygénation des océans

L’acidification et la désoxygénation de l’océan, qui menace directement la vie marine et indirectement la vie terrestre (via le plancton, grand producteur d’oxygène), vont se poursuivre “au moins pendant le reste du siècle”. Le pH actuel de l’océan serait “inhabituel” depuis deux millions d’années.

Tempêtes plus intenses

La proportion de cyclones intenses ainsi que leur vitesse de pointe devraient augmenter avec le réchauffement. Les cyclones tropicaux de catégories 3 à 5 sont déjà plus nombreux qu’il y a 40 ans. 

Affaiblissement des puits de carbone

Les puits de carbone océaniques et terrestres (végétations, plancton, courants marins) seront de moins en moins efficaces pour ralentir l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère. Au cours des six dernières décennies, ils ont absorbé chaque année environ 56 % de nos émissions de CO2

Evolution des émissions de CO2 pour les différents scénarios du GIEC. Les deux qui parviennent à limiter le réchauffement à moins de 2°C sont en bleu et ils intègrent des techniques de géoingénierie (captations de carbone atmosphérique), d'où des émissions "négatives" en fin de siècle (Net CO2 Removal). @IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis
Evolution des émissions de CO2pour les différents scénarios du GIEC. Les deux qui parviennent à limiter le réchauffement à moins de 2 °C sont en bleu et ils intègrent des techniques de géoingénierie, d’où des émissions “négatives” en fin de siècle (Net CO2 Removal). @IPCC 2021. Climate Change 2021: The Physical Science Basis

Scénarios d’atténuation envisagés par le GIEC

Le réchauffement planétaire ne sera pas limité sans “atteindre au moins zéro émission nette de CO2 et sans “réduire fortement les autres émissions de gaz à effet de serre”, notamment de méthane. 

Le GIEC propose cinq scénarios à horizon 2100. Deux scénarios à hautes émissions, un scénario qui maintient les émissions actuelles jusqu’au milieu du siècle, et deux scénarios où les émissions de CO2 arrivent à zéro net vers ou après 2050 pour limiter le réchauffement à moins de +2 °C (+1,4 et 1,8 °C à horizon 2100).

Dans ces deux scénarios, qui intègrent des technologies de géoingénierie, le taux annuel de réduction nécessaire d’émissions de CO2 ne saurait être inférieur à 6-7 % par an d’après les estimations courantes (non fournies par le GIEC), soit l’effet 2020 du Covid répété pendant de nombreuses années, mais sans que cela ne donne un résultat tangible avant au moins 20 ans, selon le rapport.

Dans le scénario le plus émissif, on pourrait en revanche atteindre + 5,7 °C en 2100. Une différence comparable à celle qui nous sépare de la dernière époque glaciaire.

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