Déchiffrer  > Demain, la “neutralité carbone” pour tous ?

Written by 11 h 23 min Déchiffrer • 21 Comments

Demain, la “neutralité carbone” pour tous ?

C’est par dizaines que les pays vont venir à la COP26 de Glasgow avec leur “neutralité carbone” en poche. Mais que cache cette notion ? À la fois respect de ce que la nature peut absorber, technique de compensation carbone ou de captage de CO2 dans l’atmosphère… Explications.

Le 27/10/2021 par Vincent Rondreux
neutralité carbone
L'Union européenne et notamment la France visent la neutralité carbone en 2050. (Crédit : Shutterstock)
L'Union européenne et notamment la France visent la neutralité carbone en 2050. (Crédit : Shutterstock)

“La volonté d’atteindre la neutralité carbone doit devenir la nouvelle norme pour tout le monde, partout, pour chaque pays, entreprise, ville et institution financière, ainsi que pour des secteurs clés tels que l’aviation, le transport maritime, l’industrie et l’agriculture”. Cet appel lancé au printemps est celui du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.

De fait, des dizaines de pays vont arriver à la COP26 de Glasgow avec leur “neutralité carbone” en poche. Certains annoncent y parvenir en 2045 comme la Suède et l’Écosse. D’autres en 2050 comme la France, l’Union européenne, les États-Unis ou l’Australie. D’autres encore en 2060 comme la Chine et même la Russie et l’Arabie Saoudite.

En France, elle a remplacé en 2017 la notion de “facteur 4” qui impliquait une division par 4 des émissions par rapport à 1990. Mais que veut donc dire “neutralité carbone” ? Et comment l’atteindre ?

Ne pas émettre plus de CO2 que ce que la nature peut absorber

Deux grands sens sont donnés à cette notion. La neutralité carbone est d’abord évoquée par les organismes qui font de la “compensation carbone”. Par exemple, si une entreprise émet une tonne de CO2 en brûlant du charbon et si elle s’engage à planter des arbres qui stockeront à terme une tonne de CO2, elle se dit “neutre” en carbone. Le problème, c’est que si tout le monde fait ça, les émissions de carbone risquent surtout augmenter.

Le terme “neutralité carbone” apparaît également dans les scénarios scientifiques relatifs au climat. Dans ce cas, la “neutralité carbone” revient à émettre la même quantité de carbone dans l’atmosphère que ce que la nature – écosystèmes terrestres, océans – peut absorber. Actuellement, les océans et les écosystèmes terrestres captent environ la moitié de nos émissions annuelles. Pour la décennie 2010-2019, ils ont pompé en moyenne chaque année 21,7 milliards de tonnes de CO2 anthropique, selon l’organisme Global Carbon Project.

La concentration de CO2 augmentera jusqu’à la “neutralité carbone” mondiale

Les technologies de géoingénierie à l’étude, qui consistent entre autres à retirer du CO2 de l’atmosphère comme le captage-stockage de carbone (CSC ou CCS en anglais), peuvent également participer à cette “neutralité carbone”. Même si le CSC reste encore très virtuel, les pays adeptes de charbon, de pétrole et de gaz font ce pari technologique. Un tout récent rapport de l’ONU appelle du reste à “un déploiement rapide du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone pour atteindre les objectifs de neutralité carbone et ainsi mettre effectivement en œuvre l’accord de Paris”.

À lire aussi : La science peut-elle sauver le climat ?

In fine, le moment où l’on pourrait atteindre la neutralité carbone planétaire marque aussi le pic de concentration atmosphérique de CO2. D’ici là, le revers de la médaille c’est que la concentration de CO2 augmentera systématiquement.

Par exemple, 450 parties par million (PPM) de CO2 dans l’atmosphère, c’est le pic à ne pas dépasser en 2100 pour avoir encore une chance sur deux de limiter le réchauffement planétaire à +2°C, selon le GIEC. Nous sommes à bientôt 420 ppm. Et pour atteindre 1,5°C, il faudrait revenir en dessous de 400 ppm… Donc utiliser de la géo-ingénierie.

Problème supplémentaire: les rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) expliquent que plus la fièvre planétaire va progresser moins les océans et les écosystèmes terrestres seront efficaces pour retirer du CO2 de l’atmosphère…

A lire aussi :

  • COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

    COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

    À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la hauteur de l'urgence climatique. Sans coopération internationale ni fonds massifs, la COP30 de Belem risque d’échouer à limiter le réchauffement sous +2°C.
  • Émissions record de CO₂ en 2024 : +0,8 % au niveau mondial

    Émissions record de CO₂ en 2024 : +0,8 % au niveau mondial

    Alors que le niveau de CO₂ atteint des sommets en 2024, les experts du Global Carbon Project alertent sur la nécessité d'actions rapides pour freiner la hausse mondiale des températures.
  • COP29 : financements, crédits carbone et contradictions

    COP29 : financements, crédits carbone et contradictions

    À Bakou, la COP29 se tient dans un climat d’incertitude et d’urgence climatique. Entre espoirs de financements massifs pour les pays du Sud, débats sur la géo-ingénierie et régulation du marché des crédits carbone, les dirigeants mondiaux tentent de poser les bases d’une réponse collective.