“Comment la nature peut-elle nous aider et comment pouvons-nous aider la nature ?” La question a été posée samedi à la COP26, à l’occasion d’une journée spéciale. Tout le monde s’accorde : l’action de la nature sera cruciale pour atteindre la “neutralité carbone” terrestre à horizon 2050-2070.
Durant la dernière décennie, les océans (courants, plancton végétal) et les écosystèmes terrestres (végétaux, sols), qui fournissent déjà oxygène et nourriture, ont absorbé chaque année en moyenne 53 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2) dues à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz, et à la déforestation, estime l’organisme scientifique Global Carbon Project.
Océans : une journée d’action quasiment vide
Mais, plus le réchauffement s’aggrave moins ces puits de carbone se montrent efficaces. “Au cours de la décennie 2011-2020, les changements climatiques ont réduit le puits terrestre d’environ 15 % et le puits océanique d’environ 5 %”.
Les études montrent que l’océan a emmagasiné 93 % de l’excès de chaleur induit par les activités humaines depuis la Révolution industrielle. Le réchauffement fait baisser son taux d’oxygène. L’apport supplémentaire de CO2 l’acidifie. La vie animale est fragilisée, menacée. Les écosystèmes terrestres souffrent également. “L’activité humaine a perturbé près de 75 % de la surface de la Terre et a placé environ un million d’espèces animales et végétales sur la liste des espèces menacées” selon les Nations-Unies. Alors, que fait la COP26 ?
Si 92 % des contributions des États incluent des mesures pour la biodiversité selon le WWF, un collectif de scientifiques a estimé que les océans n’occupent pas la place qu’ils méritent dans les négociations sur le climat. La “Journée d’action sur les océans” de la COP26 a surtout abouti à voir augmenter le nombre de pays qui s’engagent à protéger 30 % des océans d’ici 2030, passant de 90 à 100..
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Compensation carbone : résultats non garantis pour la nature
Concernant les terres, 45 pays, dont la France, ont promis “des mesures et des investissements urgents pour protéger la nature et passer à des méthodes agricoles plus durables”, a annoncé le Royaume Uni.
Mais deux logiques bien différentes coexistent, avec d’un côté les opérations de compensation carbone et de l’autre l’action des peuples autochtones, “gardiens d’au moins 80 % de la biodiversité mondiale”, selon une étude de la FAO.
La compensation carbone est au service des activités économiques. Très présente à Glasgow, elle consiste à accroître sur le papier le puits de CO2 terrestre, par exemple en plantant des arbres, pour compenser le CO2 émis par une autre activité. Cependant le résultat n’est pas garanti. Une étude montre par exemple que planter des arbres sur des zones à l’origine sans couvert forestier peut libérer du carbone du sol. De plus, le stockage de carbone par les arbres demande des dizaines d’années alors qu’il doit “compenser” des émissions déjà effectives. “La compensation carbone peut rapidement devenir une excuse pour continuer à polluer”, estime France Nature Environnement.
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Peuples autochtones : 1,7 milliard de dollars pour les aider
A contrario, les peuples autochtones, mettent leur activité au service de la “Terre mère”, sacrée. Ils ont “une expérience avérée dans le maintien – et même l’amélioration – de la densité de carbone des paysages forestiers”, souligne Suzanne Pelletier, directrice exécutive de Rainforest Foundation US. Le Royaume-Uni, la Norvège, l’Allemagne, les États-Unis et les Pays-Bas, en partenariat avec 17 bailleurs de fonds, ont du reste promis d’investir 1,7 milliard de dollars pour les aider.
Néanmoins, une étude publiée durant la COP26 révèle que les peuples autochtones des 24 pays de l’Alliance mondiale des communautés territoriales (GATC), en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie, possèdent moins de la moitié des terres sur lesquelles ils vivent. “À l’heure où les acteurs les plus puissants du monde se jettent sur le marché mondial du carbone pour compenser les émissions mondiales produites ailleurs”, ce manque de droits légaux met en péril les forêts qu’ils protègent, estime Rights and Resources (RRI), coalition d’organisations qui se consacrent aux peuples autochtones. Et d’ajouter que l’argent promis est un “pas dans la bonne direction”. Mais “il faut faire beaucoup plus pour s’assurer que le financement climatique atteigne les communautés qui font le plus gros du travail”, et non “les grandes organisations intermédiaires”.