Partager la publication "Creuser les océans : “l’activité commerciale ne commencera sans doute pas avant 2028”"
Faut-il creuser les océans ? La société belge Global Sea Mineral Resources (GSR), filiale du groupe Deme, détient depuis 2013 un contrat d’exploration dans la zone Clarion-Clipperton, dans l’océan Pacifique. Au printemps, elle est parvenue à extraire des nodules polymétalliques à une profondeur de 4 500 m. Son directeur général, Kris Van Nijen, détaille à WE DEMAIN les projets de cette entreprise qui fait partie des plus avancées du secteur.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN N°35, paru en août 2021. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
WE DEMAIN : Comment préparez-vous le terrain à l’exploitation commerciale des grands fonds des océans ?
Kris Van Nijen : Nous nous concentrons actuellement sur le développement de la technologie. Au cours de nos récents tests dans l’océan Pacifique, nous avons démontré la capacité de notre robot collecteur de nodules (Patania II), qui est encore au stade de préprototype, à parcourir les fonds marins et récupérer les roches au fur et à mesure qu’il se déplace. Il est par ailleurs doté de capteurs; qui lui permettent de s’orienter vers le chemin de collecte ayant le plus faible impact environnemental possible. La prochaine mission, qui aura lieu en 2024, testera un prototype à grande échelle. Ainsi qu’une colonne montante permettant de remonter les nodules jusqu’au vaisseau de surface.
L’évaluation et la réduction des impacts environnementaux font-elles partie intégrante de vos activités ?
Les essais réalisés avec Patania II s’intègrent dans un programme de recherche de plusieurs années. Celui-ci implique nombre de scientifiques issus d’instituts de recherche et d’universités de premier plan. Et dont l’un des éléments-clés consiste à prédire et à mesurer les impacts environnementaux.
C’est la question fondamentale qui entoure l’exploitation minière des grands fonds marins. Peut-elle être comptée parmi les moyens plus responsables de s’approvisionner en métaux dont nous avons besoin, aussi bien pour la transition énergétique que pour la construction d’infrastructures urbaines ?
Nous avons de bonnes raisons de penser que oui. En exploitant ces ressources dans les profondeurs, pas de déforestation, de relocalisation des populations ni de montagnes de déchets toxiques… Par ailleurs, pour réunir tous les métaux présents dans les nodules polymétalliques (cobalt, cuivre, nickel et manganèse), il faudrait deux à trois mines sur terre.
“En exploitant ces ressources dans les profondeurs des océans, pas de déforestation, de relocalisation des populations ni de montagnes de déchets toxiques…”
À partir de quand ces contrats pourraient-ils être délivrés ?
L’AIFM (Autorité minière des fonds marins) est en train de finaliser un code minier. Il fournira une feuille de route et des règles de jeu équitables pour fournir des licences commerciales. Cependant, plusieurs années de développement technologique et de recherche nous attendent avant que l’activité commerciale ne puisse commencer. Sans doute pas avant 2028.
Prévoyez-vous un processus de recyclage ?
L’économie circulaire représente le futur. Toutes les études crédibles indiquent que l’extraction de ressources primaires sera nécessaire pour satisfaire la demande jusqu’à ce que le stock de métaux en circulation dans l’économie soit suffisant pour alimenter la circularité : selon l’Agence internationale de l’énergie [AIE, ndlr], en 2040, seules 10 % des ressources proviendront du recyclage. Dans ce contexte, l’extraction des minéraux présents dans les nodules représente une opportunité de fournir des métaux d’une manière plus durable que l’industrie minière terrestre. Nous avons établi un partenariat avec Umicore, laquelle a développé un procédé en circuit fermé révolutionnaire permettant d’extraire ces métaux. L’approche moderne du développement de ce procédé permet de générer des coproduits pouvant servir d’additif améliorant les propriétés du ciment et du béton. Et ce faisant, de diminuer les déchets.
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