Partager la publication "Comment la commune de Loos-en-Gohelle a élaboré une mobilité douce avec ses habitants"
Et si pour développer la mobilité durable et changer les habitudes de transport, les pouvoirs publics s’appuyaient davantage sur l’échelle de la ville et sur la participation des habitants ?
C’est l’hypothèse que nous avons tenté d’explorer avec des chercheurs de l’Université Gustave Eiffel et en collaboration avec l’équipe municipale à travers un projet dit de “recherche action” lancé en avril 2017 à Loos-en-Gohelle, une commune périurbaine des Hauts-de-France.
Cette expérimentation visait à construire en partenariat avec la population la transition vers des mobilités moins émettrices afin de réduire la trop grande dépendance d’un territoire périurbain à l’automobile individuelle, améliorer la qualité de vie des citoyens et lutter contre l’exclusion sociale.
Une commune engagée de longue date
Depuis une trentaine d’années, Loos-en-Gohelle (Hauts-de-France) s’est déjà engagée dans la construction d’un territoire qui réponde aux enjeux environnementaux. Elle s’appuie pour cela sur un dispositif ambitieux de participation des habitants, qui les associe au maximum aux projets.
Cette approche a donné des résultats en matière d’habitat (écoconstruction-rénovation), d‘énergie (production d’énergie renouvelable), d’alimentation (conversion à l’agriculture biologique)… Et dans une moindre mesure dans le domaine de la mobilité au sein de la commune (voies cyclables, pédibus et service communal de transport à la personne).
Loos-en-Gohelle est à la fois un territoire d’expérimentation dans plusieurs secteurs et jouit d’une expertise et d’une expérience importante sur les questions d’implication de la population L’ambition du projet est donc d’inscrire la question de la mobilité dans la continuité des actions déjà engagées.
Mettre l’habitant au centre de la démarche
Concevoir des mobilités alternatives à la voiture individuelle implique d’identifier les caractéristiques du territoire, d’interroger et de comprendre les habitudes en matière de déplacement de ses habitants, afin d’envisager leurs évolutions et les voies à explorer.
Une telle démarche a ainsi été mise en œuvre pour connaître les besoins des résidents et inventer de nouvelles solutions de mobilité. L’hypothèse prise étant que celles-ci seront mieux diffusées, appropriées et pérennisées sur le temps long par un large public si elles sont construites avec les habitants.
En parallèle d’une stratégie de communication, la méthodologie appliquée est fondée sur quatre phases successives qui se sont déroulées sur dix-huit mois et que l’on peut résumer en quatre verbes d’action : l’immersion pour comprendre, le diagnostic pour enquêter, les ateliers pour sensibiliser et co-construire, et le défi pour expérimenter.
Partir des besoins des habitants
L’innovation sociale de ce projet consiste à construire des solutions alternatives à la voiture individuelle à partir des besoins réels des habitants. Ces besoins ont pu être formulés explicitement et implicitement à travers une enquête comportant une cinquantaine de questions.
Grâce à celle-ci, nous avons identifié, quantifié et qualifié les conditions de mobilité à Loos, les habitudes de déplacement selon les activités, la sociologie des répondants, les difficultés et les envies à cet égard.
Nous avons établi un bilan statistique, mais aussi un panorama qualitatif sur différents aspects, par exemple concernant l’attachement à la voiture, la connaissance et l’utilisation des nouvelles solutions de mobilité (vélo en libre-service, covoiturage, télétravail…) ou encore sur les difficultés financières, pratiques, physiques, psychologiques que les personnes pouvaient rencontrer dans leurs trajets quotidiens.
Elle a également permis de relever les disparités dans les réponses en fonction des quartiers de la commune, reflets des inégalités sociales et spatiales. Des freins et des leviers au changement de comportement de mobilité des habitants ont enfin pu être mis en évidence.
Construire avec les habitants
La co-construction de solutions a été initiée au cours d’ateliers participatifs. La méthode consiste à créer les conditions qui mettent en relation des habitants motivés par la problématique de la mobilité, en apportant les outils pour garantir le processus participatif et accompagner les parties prenantes à atteindre les objectifs fixés. Ce processus repose également sur l’intelligence collective en s’appuyant sur l’expertise de chacun.
Parmi la douzaine de questions identifiées dans les ateliers, la suite du travail s’est focalisée sur les thématiques dans lesquelles se reconnaissait la totalité des participants. Ces sujets, regroupés en deux enjeux pour le territoire – développer les modes actifs pour les déplacements de proximité et mettre l’accent sur la mobilité inclusive et solidaire – concernent essentiellement les mobilités quotidiennes de proximité :
- Le développement du vélo, avec un enjeu de sécurité des déplacements dans la ville
- La congestion et la sécurité des déplacements à pied et en vélo aux abords des écoles
- L’échange de services de mobilité pour réduire le nombre de trajets individuels au sein d’une communauté identifiée
- La diminution des inégalités spatiales entre les quartiers
- L’illectronisme de nombreuses personnes (pas d’accès ou pas de maîtrise des outils numériques)
Développer une mobilité quotidienne bas carbone
Grâce à la démarche, qui a sensibilisé les élus, les enjeux de mobilité ont été intégrés dans le projet de transition écologique et sociale de la ville pour la mandature 2020-2026.
Un adjoint en charge de la mobilité a été désigné et une chargée de mission “mobilité” a même été recrutée. Un projet de mobilité quotidienne bas carbone est en cours de développement avec l’objectif d’apporter une réponse systémique (et non pas une solution unique) partant des besoins exprimés par les habitants.
La première étape de ce projet consiste à élaborer un plan d’action autour de trois axes à mettre en œuvre conjointement : rendre moins attractive l’utilisation de la voiture individuelle ; déployer un système de modes actifs et partagés, accessibles à tous ; susciter et accompagner le changement de comportement.
Un comité de pilotage “mobilité” réunit désormais élus, agents, citoyens et partenaires (Université Gustave Eiffel, association Droit au Vélo,…) autour de ces enjeux. Une méthodologie d’évaluation à partir d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs sera élaborée.
Un comité de pilotage “mobilité” réunit désormais élus, agents, citoyens et partenaires (Université Gustave Eiffel, association Droit au Vélo,…) autour de ces enjeux. Une méthodologie d’évaluation à partir d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs sera élaborée.
Les projets des ateliers en développement
La commune, appuyée par une équipe de recherche, a d’ores et déjà initié les études concernant les projets du futur système de modes actifs et partagés : covoiturage ou auto-stop sécurité, plan vélo, écomobilité scolaire, solutions d’alimentation de véhicules partagés électriques par les installations photovoltaïques existantes sur le territoire, et élaboration d’une stratégie de changement de comportements de mobilité.
Ces projets portent une attention particulière au fait que les solutions garantissent à tous l’accès aux services de mobilité sans avoir nécessairement recours à un smartphone ou à une connexion Internet, afin de ne pas accroître les inégalités.
Cette recherche-action a mis en lumière qu’une synergie entre collectivité locale, habitants et acteurs du territoire fondée par une méthodologie, ici issue de la recherche publique, contribue positivement à construire une démarche cohérente vers une mobilité plus durable.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
À propos de l’auteur :
Marielle Cuvelier, Ingénieure de recherche, mobilité des personnes, Université Gustave Eiffel