Partager la publication "Villa Médicis : une semaine d’exception pour 300 lycéens de la filière bois"
Certains ont fait 27 heures de bus pour venir. Nombreux sont ceux qui ont franchi les frontières françaises pour la première fois. Quelque 300 adolescents de Nouvelle Aquitaine, issus de quinze lycées professionnels spécialisés dans la filière forêt-bois, ont fait le chemin jusqu’à Rome avec leurs professeurs pour profiter d’une occasion unique. Ils ont été accueillis pendant une semaine à la Villa Médicis, l’Académie de France située sur la colline du Pincio. Une révolution pour cette résidence d’artistes élitiste. Oeuvre architecturale de style Renaissance bâtie au XVIe siècle, la Villa Médicis accueille depuis plus de deux siècles des artistes français triés sur le volet. Ils bénéficient d’un cadre de travail idyllique imaginé par le cardinal Ferdinand de Médicis.
Cette résidence pro a été l’occasion d’une parenthèse enchantée. Aussi bien à l’intérieur du bâtiment que dans ses jardins à l’italienne (7 hectares propices à la créativité artistique), les 300 adolescents ont pu échanger et présenter le travail réalisé en classe. “Je pense que c’est la première fois que la Villa Médicis accueille autant de jeunes et c’est tant mieux. Cela nous bouscule un peu !”, s’est réjouit Sam Stourdzé, directeur de la Villa Médicis qui a organisé cet événement qui s’est tenu du 9 au 13 mai 2022.
Une agora romaine implantée en plein coeur des jardins de la Villa Médicis
“C’est tellement beau ici, c’est incroyable. Ça donne de l’émotion quand même”, souligne Romain, jeune lycéen. La vue depuis le haut de la Villa, qui prend toute la ville, est exceptionnelle.” Réunis en petits groupes, les ados ont alterné entre visites de Rome et ateliers artistiques à la Villa. Le soir, ils se retrouvaient dans une des oeuvres d’art réalisées de leurs propres mains. Il s’agit de la création en bois d’une agora permettant d’accueillir les 300 élèves de la résidence pro. Cette structure carrée en bois de 17 mètres de côté est construite en pin des Landes. Elle restera à Rome pendant 6 mois avant de rentrer en France.
Installée dans les jardins de la Villa Médicis, une coupole blanche en plastique gonflable surplombe la structure. Cette création est l’oeuvre du lycée Haroun Tazieff de Saint-Paul-lès-Dax. Les élèves de la 1ère TMA (Technicien-Menuisier-Agenceur) ont travaillé en collaboration avec deux architectes : Flavien Menu et Frédérique Blanchard. Flavien est lui-même un ancien résident de la Villa Médicis (chaque année seize artistes sont sélectionnés parmi 600 pour venir en résidence pendant un an). Depuis septembre dernier, l’architecte a collaboré avec les lycéens pour mettre au point cette agora romaine du XXIe siècle.
Des oeuvres d’art qui seront exposées en 2023
Bibliothèque, reconstruction de la salle à manger tournante et du mobilier de Néron, arche romaine, sculpture moderne, mosaïque en bois, réplique miniature de la Villa Médicis sous la forme d’une mini-roulotte… les différents établissements professionnels n’ont pas chômé pour donner vie à leur création artistique. Chaque lycée a présenté sa réalisation sur écran au cours de la semaine en résidence, à défaut de pouvoir tout apporter à Rome. L’ensemble des oeuvres fera l’objet d’une exposition au public à Bordeaux en 2023.
Cette résidence pro était aussi l’occasion d’évoquer leur métier. “Pendant une semaine, nous n’avons pas voulu leur parler de nous, de ce que fait la Villa Médicis. Nous avons souhaité leur parler d’eux, de leur propre métier, de leur avenir. Et de tout ce potentiel qu’ils ont entre leurs mains. Cela s’est fait par le biais de rencontres, d’ateliers d’éloquence, de conférences… Tout s’est passé dans une grande bienveillance. C’était magique”, explique Sam Stourdzé.
Une première édition réussie qui en appelle d’autres
Cette première résidence pro à la Villa Médicis est une réussite. Pourtant, faire venir 300 jeunes pendant une semaine à Rome était un vrai défi. La Région Nouvelle-Aquitaine, la région académique Nouvelle-Aquitaine et la Villa Médicis se sont associées avec des entreprises privées pour monter ce projet. Parmi elles, la Fondation BNP Paribas, Amundi Asset ou encore Cartier Italie et Groupama. A cela s’ajoute une vingtaine d’autres entreprises, principalement issues de la filière forêt-bois-papier du sud-ouest.
“Il m’a fallu moins de cinq minutes au téléphone avec Sam Stourdzé pour que j’accepte le projet, s’amuse Isabelle Giordano, présidente de la Fondation BNP Paribas. C’est exactement ce vers quoi nous voulons aller en termes de mécénat : favoriser l’art mais aussi l’inclusivité et la diversité.” La Fondation s’est d’ores et déjà engagée pour trois années de résidence pro. “Il y avait 300 élèves pour cette première édition, ils seront 600 l’année prochaine et autant la suivante. En 2023, les jeunes viendront des régions Grand Sud/PACA et Grand Est”, précise Isabelle Giordano. Au total, la Fondation BNP Paribas investit 280 000 euros dans ce projet, autant artistique qu’éducatif.
Après la Villa Médicis, place désormais au partage
Ce projet de résidence pro s’articule en trois phases. La première, de septembre 2021 à mai 2022, visait à faire naître le projet. Il fallait imaginer l’idée, préparer les plans et construire l’oeuvre d’art. La seconde, durant la semaine à Rome en mai, visait à expérimenter et présenter la réalisation. Voilà maintenant l’heure de la dernière phase, celle du partage.
Une fois rentrés chez eux, les 300 élèves vont pouvoir raconter à leurs camarades et à leurs proches ce voyage initiatique à la Villa Médicis. Chaque groupe s’est engagé à créer une capsule, véritable carte visuelle et sonore collective de leur voyage à Rome. Il y a raconteront leur expériences et les savoir-faire acquis à cette occasion. De quoi garder une trace de ce moment suspendu, qui a permis à beaucoup de prendre conscience de leur valeur. Et de se projeter autrement dans l’avenir.
Aujourd’hui, Océane, étudiante technicienne-menuisière-agenceuse, qui n’a pas pu rentrer en école d’art en raison de notes un peu faibles, ne regrette en rien son parcours : “Pour moi il n’y a pas de différence entre l’art et l’artisanat car, dans les deux cas, on fait ça de nos propres mains et c’est nous qui avons eu l’idée à l’origine.” Ils sont nombreux à s’imaginer d’ores et déjà revenir un jour à la Villa Médicis. “Dans un an ou dans dix ans, notre porte vous est ouverte”, leur a lancé Sam Stourdzé lors de la soirée de clôture de cette résidence pro. Une invitation qui résonne en chacun d’eux.