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Du ciment zéro carbone : le tour de force d’ingénieurs de Cambridge

Alors que le secteur de la construction figure parmi les principales sources de pollution dans le monde, des ingénieurs ont mis au point un ciment zéro carbone prometteur.

Le 06/06/2022 par Florence Santrot
Four à électroarc
Pour fabriquer ce ciment beaucoup plus écologique, il faut passer par un four à électroarc comme celui-ci. Photo : Oleksiy Mark / Shutterstock.
Pour fabriquer ce ciment beaucoup plus écologique, il faut passer par un four à électroarc comme celui-ci. Photo : Oleksiy Mark / Shutterstock.

Bien connu pour être l’un des grands acteurs du réchauffement climatique, le secteur du BTP représente environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France. Le bâtiment émet plus de 123 millions de tonnes de C02. Et on estime que près de 6 milliards de tonnes de ciment ont été produites dans le monde en 2020. Pour tenter de trouver des solutions afin de réduit cet impact sur la planète, des ingénieurs britanniques de l’Université de Cambridge affirment avoir mis au point du ciment zéro carbone. Ce “premier ciment zéro émission au monde” a été baptisé Cambridge Electric Cement.

S’il est préconisé de remplacer l’acier et le béton par du bois et d’autres matériaux biosourcés, cela n’est pas toujours possible ou trop coûteux. Le consortium britannique UK Fires oeuvre à trouver des solution bas-carbone aux industries les plus polluantes de la planète. Dans ce cadre, les universités de Cambridge, Oxford, Nottingham, Bath et l’Imperial College London collaborent pour innover. C’est ainsi que trois ingénieurs de Cambridge, Dr Cyrille Dunant, Dr Pippa Horton et le professeur Julian Allwood, ont déposé un brevet qui pourrait faire bouger les lignes du secteur de la construction dans les années à venir.

Un processus très nocif pour fabriquer du ciment

Pour obtenir du ciment classique, on fait traditionnellement cuire du carbonate de calcium (présente en grande quantité dans la roche calcaire) à haute température (1 450 °C) en utilisant beaucoup de combustible fossile. À la fin, on obtient ce qu’on appelle du clinker (oxyde de calcium) et du dioxyde de carbone (CO2). Le clincker est le constituant de base du ciment dit “Portland”. C’est lui qui lui confère son hydraulicité (capacité à durcir quand on y ajoute de l’eau).

Le clinker est broyé en poudre et mélangé avec d’autres ingrédients pour obtenir du ciment. Puis on ajoute à celui-ci des matériaux comme du gravier et du sable pour en fait du béton. Enfin, on coule celui-ci autour d’une structure en métal pour faire les bâtiments.

Ciment zéro carbone : réinventer l’équation

Cyrille Dunant a remarqué que le ciment “utilisé” que l’on séparait du béton recyclé était pratiquement identique à la chaux injectée utilisée pour éliminer les impuretés de l’acier dans les fours à arc électrique et à oxygène basique. Une fois qu’elle a accumulé les déchets, cette chaux est appelée “laitier”. Elle est alors considérée comme comme un déchet. Mais un déchet plein d’oxyde de calcium, un ingrédient clé du clinker. En réduisant ce “laitier” en poudre, on obtient une base permettant de fabriquer du ciment.

Les ingénieurs de Cambridge ont eu l’idée, lors de la déconstruction d’un bâtiment en béton armé, d’expédier l’acier d’armature dans un four à arc électrique pour le recyclage. Puis de séparer l’agrégat du ciment et d’utilise cela pour remplacer l’injection de chaux dans le four à arc électrique. Ce qui donne un “nouveau laitier” qui remplace le clinker dans le Cambridge Electric Cement. Puis on reprend l’acier recyclé et le nouveau ciment pour en faire une nouvelle habitation. En quelque sorte, on a recyclé l’ancien bâtiment pour en faire un nouveau. C’est ce que les ingénieurs appellent un “cercle de recyclage vertueux”.

De l’espoir pour l’avenir

“Si le Cambridge Electric Cement tient ses promesses comme ce fut le cas lors des premiers essais en laboratoire, cela pourrait être crucial dans notre obectif d’un climat futur sûr. Combiner le recyclage de l’acier et du ciment dans un processus unique, alimenté par de l’électricité renouvelable, pourrait garantir l’approvisionnement en matériaux de construction de base pour soutenir l’infrastructure d’un monde à zéro émission et permettre le développement économique là où il est le plus nécessaire”, explique UK Fires dans un communiqué.

Selon les calculs des ingénieurs, la seule réutilisation d’éléments recyclés du Cambridge Electric Cement réduirait drastiquement les émissions de GES du BTP. Ils estiment que cela ôterait 900 kilos de CO2 pour chaque tonne de ciment produit. Et ce avant même de mesurer l’impact des énergies fossiles utilisées pour produire ce matériau. Ce qui double l’empreinte écologique du produit final. En combinant ce ciment bas-carbone à une électricité renouvelable, on obtient ainsi un secteur de la construction bien plus vert.

Suffisamment de ressource pour le ciment zéro carbone ?

En outre, cette solution permettrait de réduire très fortement l’extraction annuelle de chaux dans le monde. Ce qui favorisait là aussi une réduction des émissions de carbone. Reste une problématique majeure : cette idée repose sur le recyclage de bâtiments déjà existants. Or, ces derniers n’existent qu’en quantité limitée.

Cependant, Cyrille Dunant explique à Treehugger que les besoins en ciment vont en diminuant. “Sur la base de la demande actuelle, le ralentissement de la croissance démographique implique que nous n’aurons besoin que d’environ 50 à 60 % des besoins actuels.” En outre, les avancées technologiques actuelles permettent d’utiliser bien moins de ciment dans les nouvelles constructions que par le passé. C’est pourquoi Cyrille Dunant affirme même que “le CEC pourrait couvrir tous les besoins futurs en ciment en 2050 avec une marge.” A voir maintenant si le secteur de la construction se laisse tenter par cette innovation.

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