Partager la publication "En Amazonie, les arbres ont leurs anges gardiens"
Saviez-vous qu’un grand arbre d’Amazonie peut stocker l’équivalent des émissions de carbone annuelles de quatre Français (autour de 40 tonnes de CO2) ? Ce pouvoir des végétaux sur le climat, les scientifiques en dissèquent les mécanismes depuis des années. Un travail essentiel qui nous permet de prendre conscience du rôle clé de la forêt tropicale dans la régulation du climat.
Mais ces études ont souvent des limites : elles reposent sur des observations de court terme et se concentrent uniquement sur la capacité des végétaux à stocker le carbone. En fait, le problème est bien plus vaste ! Ces arbres piégeurs de CO2 n’existeraient pas sans l’extraordinaire usine du vivant qui les entoure. En Amazonie, on a identifié 400 espèces de mammifères, 1 700 espèces d’oiseaux, et un nombre encore inconnu d’espèces d’insectes se comptant en millions. Une faune dont l’action sur la forêt est aussi essentielle que méconnue. À l’image des oiseaux qui, par leurs déjections, dispersent les graines des palmiers tropicaux, étendant ainsi le territoire de ces derniers.
BIOCLIMATE : comprendre les interactions de la faune avec les arbres d’Amazonie
À Santarém, au Brésil, en plein cœur de l’Amazonie, un projet scientifique inédit a débuté il y a 10 ans pour mieux comprendre le rôle clé des mammifères, oiseaux et insectes dans le processus de maintenance et de régénération de la forêt. Soutenu par le programme international de mécénat « Climate & Biodiversity Initiative » de la Fondation BNP Paribas, il a été baptisé BIOCLIMATE. Concrètement, il s’agit d’observer sur le long terme la répartition dans l’espace de la faune, afin de comprendre ses interactions avec les arbres. Et ainsi aider les acteurs locaux à agir plus efficacement, partout où la forêt tropicale est en péril.
Car cette dernière est en grand danger. Incendies, sécheresse, déforestation… De multiples fléaux la menacent de disparition, qu’ils soient dus à sa surexploitation par l’être humain (industrie du bétail, du bois…) ou aux conséquences du changement climatique. Pour aider la forêt à se remettre de tels traumatismes, la faune joue un rôle vital, que les scientifiques cherchent à percer… en comptant ses pensionnaires.
Jusqu’à 160 espèces d’oiseaux par hectare
Dénombrer des palmiers géants, c’est fastidieux, mais pas sorcier. Pour les oiseaux, mammifères et insectes, c’est une autre histoire… D’abord parce qu’ils sont très nombreux. Dans la région de Santarém, au bord du fleuve Amazone, un seul hectare de forêt peut contenir jusqu’à 160 espèces d’oiseaux. Mais surtout parce que, contrairement aux végétaux, ils se déplacent continuellement. Le nombre d’oiseaux présent dans un périmètre donné peut beaucoup varier au cours d’une année, d’une semaine, et même d’une journée.
Heureusement, les scientifiques du projet BIOCLIMATE disposent de méthodes d’inventaire innovantes. Pour compter les oiseaux, ils disséminent dans la forêt des enregistreurs audios autonomes. Des appareils qui permettent de surveiller de vastes populations… En les écoutant chanter ! Et pour surmonter la difficulté à identifier plusieurs cris de volatiles (même si un expert peut nommer 12 espèces dans un extrait sonore de 32 secondes !), les chercheurs et chercheuses développent des algorithmes d’apprentissage automatique. De quoi mieux comprendre la dynamique d’occupation de la forêt par les oiseaux, qui jouent un rôle déterminant dans la plantation d’arbres.
Le précieux scarabée bousier, au rôle écologique important
Les scientifiques s’intéressent aussi aux insectes, et à l’un d’eux en particulier : le scarabée bousier. Peu coûteux à collecter, ce gros coléoptère noir a la particularité d’être coprophage. En d’autres termes, il se nourrit d’excréments. Sa nourriture (mais aussi son habitat) dépend donc des déjections d’autres espèces animales. Résultat, lorsque les chercheurs et chercheuses analysent l’ADN présent dans sa nourriture, ils en apprennent long sur la présence de certains mammifères dans la forêt amazonienne. Ce qui leur permet, là encore, d’établir des liens avec la capacité de de la forêt tropicale à se régénérer.
Les conclusions des scientifiques de BIOCLIMATE seront partagées avec les responsables d’espaces forestiers et les autorités locales, afin de rendre plus efficaces leurs actions de protection et de régénération de la forêt. Plus largement, le projet permettra de constituer une bibliothèque de connaissances inédite sur les interactions des forêts tropicales avec les espèces qui l’habitent. Une faune qui évolue au contact des arbres depuis des millions d’années. Et dont l’aide précieuse pourrait permettre à la Terre de rester habitable pour une autre espèce…. La nôtre.