Partager la publication "Terre pour Tous : le nouveau rapport au Club de Rome mérite toute votre attention"
Cinquante ans après le Rapport Meadows, voici Earth for All (Terre pour Tous). Commandé en 2020, il étudie les moyens à notre disposition afin que les sociétés humaines puissent garantir à leurs populations un niveau de bien-être décent à horizon 2100. Ce document est le fruit du travail conjoint d’une équipe de scientifiques, d’économistes et d’experts pluridiscplinaires, dont Sandrine Dixson-Declève, co-présidente du Club de Rome, spécialiste des sciences de l’environnement et des politiques publiques.
Si le Rapport Meadows (1972) explorait les limites de la croissance, Terre pour Tous – publié chez Actes Sud, en librairie le 30 août 2023 – cherche à repenser le capitalisme dans le respect des limites planétaires. Ses auteurs proposent pour cela une feuille de route détaillée. Et deux scénarios possibles : “Trop peu, trop tard” ou “Le pas de géant”. Extrême pauvreté, crise des inégalités, révolution énergétique, industries qui nous font suffoquer, extinction de masse des espèces… un sursaut – collectif – est nécessaire. Mais lequel et comment s’y prendre ? Tel est le sujet de cet ouvrage.
“Trop peu trop tard” : un avenir sombre se prépare
Terre pour Tous souligne la nécessité de passer d’une société centrée sur “moi” à une axée sur “nous”. Le rapport remet en question l’hyper-individualisme du néolibéralisme et se concentrant sur le bien-être de tous. Mais loin d’être de belles phrases creuses à l’emporte-pièce, ces objectifs sont étayés par les analyses menées par les auteurs-experts depuis 2020. Sans la mise en place de mesures pour garantir à tous une bonne santé, un sentiment de bien-être et une qualité de vie décente, nous allons droit dans le mur.
Si on combine le réchauffement climatique et la multiplication des phénomènes extrêmes (températures, sécheresses, inondations, mégafeux…) avec le scénario du “Trop peu trop tard” (la trajectoire actuelle), les prévisions sont inquiétantes. Et ce dès la décennie 2030. “Les conséquences régionales dans les décennies à venir sont une pauvreté persistante dans la majeure partie du monde et des inégalités facteurs de déstabilisation dans le monde riche. […] Globalement, on observe une hausse spectaculaire de l’indication de tension sociale”, peut-on lire dans Terre pour Tous.
Au-delà de 2050, avec la multiplication des déplacements de population, on assiste à une montée des extrémismes. On observe aussi une recrudescence de la violence religieuse. Et l’arrivée au pouvoir de dirigeants populistes qui gouvernent par la peur.
“Le pas de géant” : des décisions difficiles mais nécessaires… à prendre maintenant
Le rapport Terre pour Tous ne prétend pas à un objectif d’égalité absolue, mais à l’équité. Les inégalités en santé, par exemple, seront toujours présentes, mais ce qui compte, c’est si elles sont considérées comme justes. La situation actuelle des disparités entre riches et pauvres est considérée par beaucoup comme injuste. Cela fait partie des cinq changements de cap primordiaux soulignés par le rapport :
- Mettre fin à la pauvreté
- S’attaquer aux inégalités flagrantes
- Emanciper les femmes
- Assainir notre système alimentaire au bénéfice de la santé humaine, animale et de celle des écosystèmes
- Opérer une transition vers des énergies propres
Du “gagnant rafle toute la mise” à une Terre pour tous
Sous-tendant ces transformations, se trouve une autre : la transition d’un capitalisme où le “gagnant rafle toute la mise” à une économie axée sur la protection des ressources communes. Ces ressources, vitales, sont l’eau, l’air, la nourriture, l’environnement, la biodiversité, etc. C’est ce que le rapport appelle l’économie transformationnelle du bien-être, ou Earth4all (Earth for All).
Dans ce nouveau système d’exploitation économique, “il est nécessaire de redevenir indigène avec des systèmes économiques communautaires fondés sur les besoins de la production et de la consommation locales. Les échanges réciproques d’excédents avec les communautés voisines pour assurer le bien-être de tous et la protection des écosystèmes doivent être relancés. C’est le modèle des communautés villageoises interconnectées, qui redonne à chacun le sentiment d’y avoir sa place et à tous un sentiment d’appartenance”, écrite la Dr Mamphela Ramphele, médecin sud-africaine et ancienne co-directrice de la Banque mondiale au début des années 2000.
Une trajectoire avec des décisions de rupture pour le bien de tous
“Depuis 1990, nous disons qu’il faut abandonner progressivement l’économie fondée sur les énergies fossiles au profit d’une économie basée sur les énergies renouvelables. Et maintenant, nous y voilà – nous nous prenons le mur”, explique Johan Rockström, le directeur de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact climatique (PIK) et co-auteur de Terre pour Tous.
L’heure n’est plus aux tergiversations mais à l’action. Le rapport estime que cela ne sera pas possible sans cinq mesures profondément transformatives de nos modes de vie :
- Une pensée “cathédrale”, sur le long terme et intergénérationnelle
- L’adoption de nouveaux indicateurs économiques
- Des marchés remodelés et un système financier mondial amélioré
- La circularité et la régénération
- De nouveaux modes de réflexion sur les droits de propriété, afin que chacun puisse bénéficier du patrimoine commun de l’humanité
Une Terre pour Tous, un point de bascule
Le rapport propose également quinze recommandations politiques dans un appel à action des gouvernements. Et mentionne les avantages sociaux et économiques à réduire les inégalités. Des pays plus égalitaires tendent à avoir de meilleurs indicateurs de bien-être humain. De plus, l’équité économique peut engendrer des avantages tels que l’augmentation de la productivité. Ou encore la réduction des coûts associés aux problèmes de santé et sociaux. Et prévenir la montée des tensions sociales inhérentes au réchauffement climatique.
“Nous pensons que nous atteignons un point de bascule social dans toutes les sociétés. En effet, quatre forces – les mouvements sociaux, la nouvelle logique économique, le développement technologique et l’action politique – convergent d’ores et déjà pour pousser les sociétés à franchir un point de bascule.De telle sorte que nous entrions dans des cycles vertueux qui se renforcent mutuellement, un monde de Earth for All”, peut-on lire dans le rapport. Reste encore à avoir ce courage de passer à l’action. Que ce soit au niveau des gouvernements, que de chacun d’entre nous. Mais ce rapport nous prouve que c’est faisable.
Terre pour Tous (Earth for All), éditions Actes Sud (Questions de Société), 272 pages, 20€ (14,99€ en version numérique). Parution en librairie le 30 août 2023.
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