Partager la publication "Plastic Odyssey : trois ans de bourlingue pour déplastiquer la planète"
Lorsque le 1er octobre 2022, dans le port de Marseille, le Plastic Odyssey lève l’ancre, Simon Bernard et Alexandre Dechelotte hésitent entre la jubilation – celle d’avoir surmonté six ans de galère en tout genre –, la tristesse de laisser sur le quai le troisième compagnon de l’aventure, Bob Vrignaud, qui a déclaré forfait après un burn-out, et l’excitation fébrile qui précède l’action. Non sans une certaine anxiété devant le défi qui les attend ! Trois ans de bourlingue sur les mers avec trente escales prévues en Afrique, Amérique du Sud et Asie pour “déplastiquer la planète“.
À bord de l’ancien navire océanographique lesté de 20 tonnes de matériel low-tech, les deux jeunes trentenaires vont devoir prouver que leur expédition ne relève pas de l’utopie mais de “l’écologie de solutions”, comme dit Simon. Officiers de marine, les deux jeunes gens ont des rêves plein la tête mais des rêves qu’ils ont toujours confrontés à l’action : “Fais de ta vie un rêve et d’un rêve une réalité”, la phrase de Saint-Exupéry est un peu leur mantra. Leur réalité ? 19 tonnes de plastique déversées chaque minute dans l’océan !
Un tour du monde des solutions innovantes pour recycler les déchets plastiques
L’urgence de nettoyer la planète de l’omniprésent et mortifère plastique est née chez Simon en 2016, devant le spectacle désolant de la baie de Hann, à Dakar, submergée par les déchets. Il en est convaincu, il faut agir à terre, avant que les déchets ne soient rejetés en mer. En transformant ces derniers en ressources. Faire un tour du monde des solutions innovantes pour recycler les déchets plastiques avec des escales dans les pays les plus concernés par cette pollution, aider des entrepreneurs locaux à développer leur activité de recyclage et créer des emplois.
Le tout grâce à une low-tech en open source simple à utiliser, peu coûteuse, embarquée sur un navire-atelier : si la feuille de route du projet Plastic Odyssey concocté avec Alexandre et Bob, ingénieur hyperinventif, s’écrit très vite, il leur faudra six ans pour trouver des financements et un bateau, monter une équipe d’une vingtaine “d’explorateurs” et surtout faire face aux mauvais coups : vendu avec un faux certificat, le bateau de 40 tonnes a de multiples vices cachés, et sa coque devra en partie être refaite. Puis c’est la pandémie de Covid : un an en cale sèche. Les finances qui fondent. Le moral qui flanche… jusqu’au départ de Marseille.
Six ans pour trouver des financements, un bateau, monter une équipe de 20 personnes.
10 000 km parcourus, 305 microentrepreneurs locaux “incubés”
Un an plus tard, Alexandre l’affirme : “Ça valait le coup!” “Mais, pour Simon, il fallait être visionnaires pour nous faire confiance !” Le bilan de Plastic Odyssey donne raison à ceux qui y ont cru : 10 000 km parcourus, 305 microentrepreneurs locaux “incubés” sur le bateau-atelier, plus d’une cinquantaine d’initiatives innovantes de recyclage documentés. Et aussi une dizaine de micro-usines implantées en Afrique, 3 000 élèves sensibilisés à la pollution plastique. Et des rencontres au fil des escales avec des “éclaireurs” inspirés et inspirants.
À Beyrouth, dans un Liban en plein chaos économique, George Bitar crée l’application Live Love Recycle pour récupérer (à scooter!) les sacs de déchets chez les particuliers et les recycler. Broyé, extrudé dans l’atelier du bateau, le plastique devient pâte à tout faire : des palettes par exemple. Maman solo de trois enfants, à Conakry en Guinée, Mariam Kenta a, elle aussi, monté sa petite entreprise de recyclage. Mélangé à du sable, le plastique devient ciment. Puis pavé pour les rues de sa ville. Une technique dangereuse du fait d’émanations plus que nocives.
Pari tenu pour l’aventure Plastic Odyssey
À Dakar, Simon va trouver la machine simple mais efficace pour l’entrepreneure. Résultat, une production de pavés multipliée par 6 et 100 tonnes de plastique éradiquées. Sans mettre sa santé en péril. C’est aussi à Dakar que Simon déniche Lamine Dieng, qui transforme la multitude de poches en format unidose utilisées au quotidien comme contenants : mélangé aux fibres d’une plante invasive, le plastique devient un matériau qui remplace le bois des pagaies des pêcheurs.
Pari tenu : un an après son départ, l’expédition Plastic Odyssey a déjà commencé à développer ce réseau mondial de partage et d’échanges d’initiatives locales pour recycler le plas- tique dont rêvaient Simon et Alexandre. Mais pour eux, le plus important reste à venir : réduire à la source et de façon drastique la production de déchets. À coup sûr, les deux gars de la marine planchent déjà sur la question !
Pour aller plus loin
Documentaire : “Plastic Odyssey”, de Pierre de Parscau et Olivia Schaller, 70 min, sur Canal+ Docs et myCanal.
Web-série : “Plastic Odyssey” sur la chaîne YouTube des Éclaireurs, le média digital de Canal+.
Beau livre : Parcourir les océans pour sauver la terre, par Alexandre Dechelotte et Simon Bernard, éd. E/P/A., 240 pages.
Clarins soutient le projet depuis le tout début de l’aventure. Lors de la célébration, le 2 octobre à l’Olympia, de la première année de l’expédition, Virginie Courtin, directrice générale de Clarins, a remis le Prix de l’entrepreneure féminin à Wafa Saber, créatrice près de Casablanca de la société marocaine Altecplast, une micro-usine qui transforme les déchets en tuiles et pavés : l’entreprise emploie une quinzaine de femmes mères célibataires et a permis la construction d’une crèche.