Partager la publication "De la fourche à la fourchette, le Giec appelle à changer notre alimentation"
Du 2 au 7 août le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU, s’est réuni à Genève pour répondre à cette question vitale. Son rapport final, initié en 2017, vient d’être approuvé par les 195 États membres.
Il s’agit de l’étude la plus complète à ce jour sur le sujet, comme en témoigne son très long titre : “Les changements climatiques et les terres : un rapport spécial du GIEC sur les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres”.
“Il s’agit du premier rapport du GIEC dont la majorité des auteurs proviennent de pays en développement”, précise l’ONU, qui a fondé ce groupe d’experts en 1988.
Un quart de la surface des terres dégradé
Il indique que près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales sont liées à la déforestation, l’agriculture, l’élevage ou encore l’utilisation d’engrais chimiques.
“Retarder le passage à l’action pourrait avoir pour conséquence des effets irréversibles sur certains écosystèmes”, alertent les auteurs.
Dans le même temps, il montre qu’un quart de la surface des terres est aujourd’hui mis à mal par l’activité de l’homme. Précisément, le sol se dégrade plus de 100 fois plus vite qu’il ne se forme dans les zones labourées, et de 10 à 20 fois plus vite même sur des champs qui ne sont pas cultivés. Érosion, perte de matière organique, biodiversité sont partout de mise.
Quelles solutions ?
Concernant l’agriculture, le GIEC recommande notamment, pour “des bénéfices immédiats et à long terme”, une gestion plus durable des terres, en diversifiant les cultures, en optimisant l’usage de l’eau, en développant l’agroforesterie, ou encore en restaurant les tourbières (zones humides qui piègent le carbone naturellement).
À l’égard des entreprises et des gouvernements, il conseille de mettre fin à la déforestation, de soutenir les petits agriculteurs, les circuits-courts, de créer des cultures résilientes. Le rapport souligne tout de même que ces solutions prendraient des décennies pour avoir un impact, mais qu’elles permettraient aussi d’améliorer la santé humaine, de diminuer la pauvreté et d’éviter la perte de nombreuses espèces sauvages.
Le rapport suggère aussi de revoir notre régime alimentaire, notamment celui des pays occidentaux, en diminuant la consommation de viande et de produits laitiers conçus de manière intensive. Aujourd’hui, la moitié des émissions de méthane, l’un des GES les plus puissants, provient des élevages de bovins et des rizières.
Il faut “prendre en compte les coûts environnementaux dans les aliments”, suggèrent les experts.
Diminuer voire éliminer la viande de notre alimentation
Enfin, selon eux, il est nécessaire de mettre en place des mesures pour réduire le gaspillage alimentaire, qui représente entre 25 et 30 % de la production de nourriture. Ils précisent qu’environ 820 millions de personnes souffrent de la faim, alors que deux milliards d’adultes sont en situation de surpoids…
“Il [le rapport, ndlr] montre à quel point les terres sont sous pression humaine, le changement climatique ajoutant une pression supplémentaire. Il montre aussi que notre gestion des terres fait à la fois partie des problèmes et des solutions. Mais il insiste également sur le fait que ces solutions ont des limites : elles ne peuvent remplacer une action rapide et ambitieuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans tous les autres secteurs”, indique Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC.
Il est donc important de modifier non seulement nos habitudes alimentaires et nos techniques de production, mais aussi de réaliser des changements dans la production d’énergie, dans les secteurs de l’habitat ou des transports.
Des conseils qui devraient bientôt être complétés : un troisième rapport “spécial” du GIEC (il y avait déjà eu celui sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C rendu public en octobre 2018) est attendu en septembre sur les océans et la cryosphère (l’eau glacée contenue sur terre : glacier, calottes glaciaires, banquises…).