Partager la publication "Partez dépolluer les océans à bord de ce trois-mâts"
C’est un fameux trois-mâts… qui dépollue les eaux ! Construit en 1974 aux Pays-Bas, le Kraken est une goélette qui a connu de nombreuses vies. Bateau de pêche, puis de transport de fret, il est depuis un an affrété par Wings of the Oceans. Une jeune association française qui l’utilise pour dépolluer les océans de nos déchets plastiques et mener des recherches scientifiques, tout en permettant à des éco-touristes d’apprendre la navigation.
À la barre, Julien Wosnitza. Ce militant écologiste de 25 ans s’est fait connaître l’année dernière en publiant “Pourquoi tout va s’effondrer”. Un petit livre didactique sur la collapsologie qui s’est écoulé à plus de 10 000 exemplaires.
“Je l’ai écrit sur un autre bateau, affrété par l’ONG Sea Sheperd. À l’époque, je venais de quitter mes études dans la finance pour me consacrer à la défense de l’environnement”, explique le jeune homme. “Si on ne fait rien contre la pollution, il y aura d’ici 2050 plus de plastiques dans les océans que de poissons. Il y a urgence d’agir”.
Avec son ami Sébastien Fau, il réussit début 2018 à acheter le Kraken, ainsi qu’un chalut de surface Thomsea adapté à la collecte des déchets flottants. “On s’est démerdé. On a emprunté de l’argent, demandé à nos proches, organisé un crowdfunding … C’était une volonté de notre part d’avoir un bateau à voile. Car on ne peut quand même pas faire de la dépollution en cramant du diesel !”
Un rêve qui a un coût. L’association a dépensé 350 000 euros uniquement pour rénover le bateau : les chambres, la passerelle, la salle des machines, le radar ou encore le générateur.
Avec une urgence : accueillir au plus tôt des éco-volontaires pour rentabiliser le projet. “Notre modèle économique actuel, c’est l’écotourisme. On demande 100 euros par nuit à bord du bateau. C’est beaucoup, mais aussi très peu car il faut payer les nombreux frais d’entretien et de remise en état du bateau”. Et défrayer les 14 membres d’équipage bénévoles qui encadrent la vingtaine d’écovolontaires à bord.
Un modèle fragile, reconnaît-il. “La navigation à voile est difficile à concilier avec les obligations de chacun. C’est la météo qui dicte notre planning. Elle nous empêche parfois de partir alors que des volontaires ont déposé exprès des congés pour venir”, se désole Julien Wosnitza.
C’est le cas de Mélissa, une danseuse belge de 27 ans, qui a effectué une traversée entre Cherbourg et Douarnenez. “À l’origine, on devait rejoindre le Portugal, mais le chantier a pris du retard et divers incidents ont décalé ce premier voyage. Mais ce n’est pas grave car j’irai les retrouver prochainement aux Açores !”.
En dépit de ces mésaventures, elle se dit “ravie” de l’expérience. “On faisait vraiment partie de l’équipage. Je devais tenir des quarts entre 8h et midi, puis entre 20h et minuit. Etre toujours disponible. En journée, on allait dépolluer des plages ou on assistait à des conférences à bord, sur le zéro déchet ou l’océanographie”.
Et, surtout, celle qui n’avait aucune expérience en navigation a découvert une nouvelle passion.
“La mer, c’est un milieu assez rude. Mais c’est aussi hyper intense et sublime. On se sent tout petits face à l’océan, on reprend sa place et on se reconnecte avec la nature. Et puis j’ai rencontré de très belles personnes lors de ce voyage.”
Julien Wosnitza imagine déjà l’étape suivante. “Notre but, c’est de faire quelque chose de plus social, où les gens ne paieraient que la nourriture par exemple. Où on pourrait inviter des gens des quartiers défavorisés. Et qui sait, avoir plusieurs bateaux pour multiplier notre impact.”
Pour cela, l’association est en quête de mécènes. “Nous réfléchissons à plein d’options. Peut-être imprimer des logos d’entreprises sur les voiles, ou accueillir des séminaires de formation des salariés à la dépollution ! Il y a des gens qui vont critiquer cette démarche, mais notre objectif c’est la protection des océans. Face à l’urgence, nous n’avons pas le luxe de faire dans le purisme.”