Partager la publication "Tests sur animaux : bientôt une alternative plus fiable et éthique"
Un lapin blanc est immobilisé sur une table de laboratoire ; une main gantée de latex écarte ses paupières pour injecter dans l’œil exorbité le contenu d’une seringue. Une image difficile, justifiée “à tort” par la recherche scientifique. C’est ce qu’affirme le biologiste cellulaire Christophe Furger, invité à débattre de l’utilisation des animaux en recherche, le 17 janvier à l’Assemblée Nationale.
Ce chercheur au sein de l’unité toulousaine du CNRS et le biophysicien Jean-François Tocanne ont développé pendant près de 10 ans un test de toxicité aiguë sur cellules humaines, fondé sur la lumière, baptisé LUCS. Les données obtenues ont prouvé que leur technologie était plus fiable, moins chère et beaucoup plus rapide à réaliser que le test sur rongeur, obligatoire pour diagnostiquer la dangerosité d’une substance chimique. Cette alternative fait l’objet d’une procédure de validation, baptisée Valitox.
Une cellule intoxiquée réfléchit la lumière
“Nous ne sommes pas des rats de 80 kg, comme disait Thomas Hartung, toxicologue allemand ! La science moderne l’a démontré : nous avons les mêmes types d’organes (cœur, foie, poumon, etc.), mais nous n’avons pas les mêmes métabolismes. Et ils sont différents d’un animal à l’autre. Il m’a donc semblé évident de mener des tests de toxicité sur cellule humaine, la plus petite unité fonctionnelle du vivant “, explique Christophe Furger.
La technologie LUCS (pour Light Up Cell System) exploite le principe de la fluorescence : des flashes lumineux, projetés sur des cellules, permettent de révéler le potentiel toxique d’une substance chimique. Si la cellule est saine, elle est capable d’absorber la lumière. Intoxiquée, elle la réfléchit, à cause de l’espace libéré entre les molécules de l’ADN abîmé. L’équipe de Christophe Furger a testé ainsi 53 molécules chimiques.
Et en comparant les données obtenues avec celles fournies par les centres antipoison européens, il s’est avéré que le test sur cellule humaine était fiable à 75 % environ quand le test animal ne l’était qu’à 65 %. Ces résultats seront prochainement publiés dans une revue scientifique – nous n’en saurons, pour l’instant, pas davantage.
Impression 3D de tissus humains
L’objection principale à lever : une cellule isolée n’est pas représentative de l’organisme dans son ensemble. Aussi Christophe Furger s’est-il rapproché de plusieurs laboratoires, spécialisés dans la reproduction du vivant à partir de simples cellules de peau, pour obtenir des données plus rigoureuses.
Il a noué une collaboration avec le laboratoire Poietis, capable d’imprimer en 3D, avec une “encre” constituée de cellules humaines, 40 cm de peau vivante et, bientôt peut-être, des cartilages et des organes grâce à un partenariat avec l’université de Louvain.
Le biologiste compte également mener ses expériences sur des “cellules souches pluripotentes” : des cellules de peau reprogrammées pour devenir des cellules souches, semblables à celles de l’embryon humain, puis redifférenciées en cellules de différents organes (cœur, neurones…). Les “organ-on-a-chip” (organes sur puces), capables de mimer une fonction d’organe à l’échelle microscopique, seraient également un modèle intéressant.
Des millions de vies animales en jeu
Ces recherches pourraient accélérer la procédure de validation du test LUCS par l’ECVAM (le laboratoire européen de validation des tests alternatifs), entamée il y a dix ans dans le cadre du programme Valitox.
“Sans l’aide d’organismes privés de défense des animaux [la SPA, la Société Nationale pour la Défense des Animaux, la Fondation Brigitte Bardot, la fondation 30 Millions d’amis, la Ligue Suisse contre la vivisection, l’Association Bourdon] je ne pourrais soutenir une démarche de ce type : elle peut prendre 20 ans ! Les tests animaux, eux, n’ont jamais été validés. Pourtant nous devons nous positionner par rapport à eux“, déplore Christophe Furger.
Mais le biologiste est confiant : la publication de ses travaux en décembre 2017 dans la prestigieuse revue internationale Nature équivaut à une validation scientifique. L’enjeu est de taille. Le règlement sanitaire européen REACH, initié en 2007, prévoit de tester les 140 000 composants chimiques de nos produits alimentaires, ménagers, textiles, etc. pour définir à quelle dose ils sont inoffensifs ou mortels.
Les produits cosmétiques ne sont pas concernés : en 2013 une directive européenne a interdit le test de leurs constituants sur animal. Évaluer la dose létale d’1 substance chimique nécessite aujourd’hui le sacrifice de 8 à 12 rongeurs, pour chaque mode d’exposition (contact avec la peau, ingestion ou inhalation).
Dans le cadre de REACH, 20 000 substances seulement ont été testées à ce jour. Pour des centaines de milliers d’animaux, le compte à rebours a commencé.