Partager la publication "Hype the hike : oubliée la randonnée à la papa, la Gen Z redécouvre la nature à sa manière"
Ils portent des vêtements Arc’Teryx, Patagonia, Salomon, On, Columbia, The North Face… Ils postent des photos esthétisantes sur Instagram ou TikTok… Et ils font… de la randonnée ! Ils font partie de la Gen Z (nés entre 1997 et 2010) et ne jurent plus que par le style gorpcore. Cette tendance de la mode est un acronyme venu des États-Unis. G.O.R.P. pour “Good Old Raisins ‘N’ Peanuts”, unmélange de graines, oléagineux et fruits secs. Ce snack, très apprécié sur les sentiers américains par les randonneurs et les campeurs, a donné son nom à la tendance gorpcore, qui définit celles et ceux qui portent, à la ville comme en pleine nature, uniquement des équipements de plein air fonctionnels.
La membrane Gore-Tex est leur graal, les vêtements ultra-techniques se vendent quelques centaines d’euros pièces et la chaussure d’ultra-trail Salomon XT-6, qui a vu le jour en 2013, est devenue iconique parmi la communauté gorpcore. Mais, si l’apparence est cruciale (cf. les comptes @hikingpatrol et @gorpcore.png sur Instagram), cela n’empêche pas ses membres de se tourner, aussi, vers la nature. Depuis quelques années, des clubs de randonnée d’un nouveau genre émergent un peu partout en France. “La randonnée permet de se déconnecter, de profiter de la nature et de créer des liens avec des personnes partageant les mêmes valeurs, explique Jeanne Toinon, cofondatrice du Quiet Hiking Club. Chaque sortie est une occasion de découvrir de nouveaux horizons et de se ressourcer.”
Le club de rando, mais hype
En forêt de Fontainebleau, à une soixantaine de kilomètres de Paris, deux styles s’affrontent. D’un côté, il y a ce que l’on pourrait appeler les adeptes de la “randonnée à la papa”. Ce sont des petits groupes de retraités qui portent de vieux K-way délavés et trimballent un bout de pain, du saucisson et un Opinel dans un sac à dos un peu flétri par les années. Les équipements ont vieilli, la personne qui les porte aussi. Mais la passion de la balade en forêt reste aussi vive qu’au premier jour. Ils viennent une à deux fois par semaine arpenter les chemins vallonnés du circuit des 25 bosses et du massif des Trois Pignons, prennent le temps de s’asseoir sur un rocher et d’observer la nature.
Bien différente est la pratique des néo-clubs de rando. On en compte désormais quelques dizaines un peu partout en France. Citons le Quiet Hiking Club, Rando Fragile, Giorgio Hiking Club, Jahiking Club, Our Summit, Psartek Club, Parenthèse Adventure Club… Avec des points communs : bon nombre de ces clubs sont nés juste après le Covid, quand les jeunes ont ressenti le besoin de se reconnecter à la nature et de sortir en groupe. Le confinement et les distances de sécurité ont laissé des traces. Le grand retour de la rando, mais cool. “Ici, pas question de performance mais de découvrir de nouveaux chemins, de s’immerger en pleine nature et d’en apprendre davantage sur la faune et la flore”, précise Jeanne Toinon.
Les sorties en plein air sont perçues comme une opportunité de se déconnecter consciemment et d’échapper à la réalité. L’expérience elle-même est le but en soi, bien plus que le nombre de kilomètres parcourus, le dénivelé ou la difficulté du terrain. On appelle cela le “soft hiking”, un terme tendance sur TikTok.
La randonnée plus inclusive et accessible
Bien souvent, ceux qui participent à ces clubs de randonnée 2.0 – officieux pour la plupart – ont moins de 30 ans. Ils documentent leurs sorties par le biais de photos et vidéos ultra esthétiques sur Instagram et TikTok et se veulent très inclusifs. C’est même, pour certains, leur raison d’être. Our Summit revendique par exemple viser les jeunes de banlieue pour leur montrer que les sports outdoor (rando, escalade, alpinisme…) ne sont pas réservés qu’à une tranche aisée de la population. Une manière aussi de les inviter à se réapproprier les forêts attenantes à leurs lieux de vie.
Un site accompagne ce mouvement : Rando Navigo. Son credo ? Inviter les habitants d’île-de-France à redécouvrir les sentiers de randonnée sans emprunter de voiture, en utilisant les transports en commun (et donc le passe Navigo, dont les forfaits sont dézonés les week-ends, les jours fériés et pendant une partie des vacances scolaires). Les trois-quarts des personnes qui fréquentent ont entre 25 et 40 ans.
Columbia, Picture Organic Clothing… les marques s’engouffrent dans la tendance
La Columbia Hike Society fait ses débuts en Europe en ce printemps 2024. Accompagnée d’une campagne au slogan limpide – “Get Hiked”, mix de “get hyped” (être tout excité) et de “hike” (randonnée en anglais) –, la marque américaine d’outdoor Columbia invite le grand public à arpenter les sentiers avec elle. Dans toute l’Europe, elle organise une série de randonnées gratuites menées par des collectifs et des créateurs de contenus. L’occasion aussi de mettre en avant ses produits, comme la chaussure Konos et la gamme technique Outdry Extreme.
D’avril à octobre, ce seront ainsi plus de 50 événements qui seront proposés avec l’aide d’accompagnateurs de moyenne montagne. Columbia espère ainsi convier quelque 1 000 randonneurs au total, à travers toute la France (Alpes, Pyrénées mais aussi Bretagne ou dans les forêts avoisinant les grandes villes). “L’idée est de faire découvrir des trésors cachés, de montrer des panoramas à couper le souffle et de partager notre passion lors d’une journée au grand air”, souligne Caroline Freslon, accompagnatrice de moyenne montagne et cofondatrice de 5eme Élément, une agence d’aventures sportives (trail, ski de rando, alpinisme…).
Même chose du côté du français Picture Organic Clothing, qui crée depuis 16 ans des vêtements outdoor éco-responsables avec une garantie de réparabilité à vie. D’abord tournés vers les sports de glisse (snowboard, skate, surf…), la marque a entamé depuis le Covid une réorientation vers des sports comme la randonnée. Pour mieux s’adapter aux envies mais aussi anticiper les effets du changement climatique.
La marque s’apprête elle aussi à lancer son club de randonnée, mais en mode “Grasse Mat’”. Ici, il n’est pas question de performance comme on a pu le voir avec les groupes de running Adidas ou Nike par exemple, le message est davantage de profiter du temps passé en extérieur – entre amis ou en famille – et, surtout, de s’amuser. Se lever tôt pour sortir en pleine nature, oui. Mais à condition qu’il y ait une récompense au bout, comme un bon brunch en pleine nature. Une autre manière de redécouvrir la randonnée, en y mêlant style, inclusion… et petit-déjeuner gourmand.
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