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Éducation nationale : on a visité le 110 bis, là où s’imagine l’avenir du mammouth

En juin, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale, inaugurait le 110 bis, un espace ouvert de 350 m2 conçu pour les acteurs de l’éducation et dédié à l’innovation. L’esprit start-up gagnerait-il l’Éducation nationale ? Nous sommes allés voir cela.

Le 05/11/2018 par Paola De Rohan-Csermak
Jean-Michel Blanquer est à l'origine du 110 bis, un "lab" dédié à l'innovation pédagogique. (Crédit : We Demain)
Jean-Michel Blanquer est à l'origine du 110 bis, un "lab" dédié à l'innovation pédagogique. (Crédit : We Demain)

Sa politique du grand écart ne cesse de surprendre. Il défend des mesures scolaires très Troisième République – une dictée par jour, davantage de calcul mental… – tout en voulant insuffler “l’esprit start-up” au personnel de l’Éducation nationale. En juin, Jean-Michel Blanquer inaugurait au sein de son ministère, 110 rue de Grenelle, le 110 bis, le “lab d’innovation de l’Éducation nationale”.

350 m2 ouverts à l’ensemble de la communauté éducative (agents du ministère, des rectorats, corps enseignant, associations, acteurs de la EdTech, de la recherche…) pour imaginer le système éducatif de demain. Une “école de la confiance”, selon les mots du ministre, avec pour objectif d’accompagner, à l’école, l’essor du numérique et d’une innovation à la française. We Demain y a passé une journée.

Des échanges horizontaux pour favoriser l’innovation

Hall transparent, parois vitrées entre des espaces de travail multiformes, vaste cuisine où l’on se perche sur un tabouret pour échanger autour d’un café : le décor est plutôt inattendu dans un ministère. “Chaque membre de la communauté pédagogique est ici chez lui”, assure la responsable du lieu, Somalina Pa, diplômée de l’Institut Mines-Télécom Business School, en charge également du pôle de soutien à l’innovation. D’entrée, on lui a demandé de nous expliquer ce qui se passe concrètement ici :

“Ici toutes les idées peuvent s’exprimer, selon un mode horizontal, pour stimuler l’intelligence collective. Grâce à nos ressources, nous aidons les porteurs de projets pédagogiques innovants à les développer et les valoriser. Le projet Classe à 12 de Malika Alouani et Nicolas Leyri, par exemple : une plateforme d’échange entre enseignants de CP ou CE1 dédoublés. Ainsi ce lieu est amené à évoluer, à se nourrir des échanges et des travaux qui y sont menés”, ajoute-t-elle.

Reste à ce que ces initiatives, nouvelles méthodes et expériences, arrivent aux oreilles des premiers concernés : les enseignants. Pour l’heure, un seul outil existe à cet effet : un agenda en ligne qui permet au 110 bis de se faire connaître et de diffuser ses événements. Son équipe – trois personnes – n’est d’ailleurs pas seule à soutenir l’innovation au sein de l’Éducation nationale. Somalina Pa cite notamment les CARDIE (Cellules académiques pour la recherche et le développement en innovation et en expérimentation) et le Réseau Canopé, éditeur de ressources pédagogiques.

Les jeux Minecraft et Golden Quest expliqués au ministre

(Crédit : We Demain)

Au programme, ce lundi 15 octobre : inauguration de la Code week (semaine européenne du code) et première session des Midis des makers. Un événement qui voit une dizaine d’agents du ministère s’initier à la programmation informatique d’un robot avec Stéphane Vassort, enseignant en technologie.

La machine doit parcourir un circuit semé d’obstacles en un temps record. De grands éclats de voix accompagnent chaque arrivée. “La plupart des agents ne se connaissaient pas, les services sont très cloisonnés, explique Benjamin Gentils, l’un des deux coaches du 110 bis, en charge du développement de communautés. Ce robot, destiné à compter les visiteurs du lab, est un outil d’échange et d’acculturation au numérique.”

Sitôt la session terminée, cinquante écoliers déboulent : une classe de CE1 de l’école Arago (13e arrondissement de Paris), et une classe à double niveau CE1-CM2 de l’école Émeriau (15e arrondissement). Ils se répartissent dans six ateliers d’initiation au codage – entré en 2016 dans les programmes – animés par des associations : la Ligue de l’Enseignement, Bibliothèques Sans Frontières, Tralalere, Colombbus, Magicmakers et Simplon. C’est jour de remaniement ministériel, mais Jean-Michel Blanquer ne manque pas l’événement. Il prend même le temps de se faire expliquer les jeux Minecraft ou de Golden Quest par les enfants. Leur verdict : “Yes, c’est trop bien !”

“Le professeur de demain, c’est un professeur de projets”

Sur l’un des murs de l’espace principal s’affichent une cinquantaine d’exemples de projets et de partenaires du lab : la plateforme numérique Gallica, développée par la Bibliothèque nationale de France ; English Attack, une autre plateforme créée par des spécialistes de jeux vidéos en collaboration avec des enseignants et des experts en sciences cognitives.

“Nous encourageons également les porteurs de projets à trouver des sources de financements alternatifs comme le crowdfunding – grâce à la plateforme Trousse à projets par exemple – ou le mécénat de compétences”, précise Somalina Pa.

Les outils numériques, les usages de la réalité virtuelle, permettent de nouvelles façons de vivre, de travailler, de stimuler la motivation. Mais cet espace est ouvert à l’innovation au sens large, pour former des citoyens éclairés, libres, dans une société en cours de numérisation. La pédagogie par projets permet aux enseignants comme aux élèves d’acquérir des “soft skills”, indispensables pour s’adapter au monde de demain : plus d’autonomie, plus de réactivité, plus de souplesse, des compétences sociales, aussi, plus de bienveillance. Pour moi, le professeur de demain, c’est un professeur de projets…

Le 110bis peut-il réellement avoir un impact sur le système scolaire français ? Certains agents du ministère ou des CARDIE émettent des doutes quant à l’efficacité des méthodes “start-up” sur la motivation des professeurs et la construction de leur autorité. Mais la plupart des professeurs des écoles voisines du ministère, interrogés par We Demain, se disent très intéressés par cette initiative qu’ils découvrent sur le smartphone qu’on leur tend. Certains regrettent qu’elle n’ait pas été menée hors de la capitale. “On est déjà privilégié à Paris, commente un enseignant. Il ne s’agirait pas d’accroître encore les inégalités…”

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