Partager la publication "Infrastructures sportives de Paris 2024 : innovations durables à tous les étages"
Dans les principaux enjeux des Jeux Olympiques de Paris 2024, figure cette ambition d’une “médaille verte” sur le volet de la construction et des bâtiments. Au total, 30 infrastructures sportives accueilleront les épreuves, dont 24 sites en Île-de-France. Guillaume Kerlero de Rosbo du collectif éclaircies salue “un plan d’action solide pour réduire les émissions liées à la construction, avec 70 % des sites de compétition déjà existants, 25 % de sites temporaires, et l’affichage de normes ambitieuses pour le reste de bâtiments neufs –qui pèsent pour 30 % des émissions”.
Les sites plus récents ont réalisé des démarches de labellisation ou de certification sur les volets bâtiment et/ou management événementiel, avant les Jeux ou spécialement à cette occasion : pour l’Adidas Arena, une certification HQE Equipements Sportifs 2010 niveau excellent, le label E+C- niveau E3C1, le abel Biosourcé niveau 2, et le label Accessibilité. Paris La Défense Arena et Accor Arena ont obtenu le label HQE (Haute Qualité Environnementale) et la norme ISO 20.121. Les certifications BREEAM et ISO 20.121 ont été attribuées au site de Roland-Garros pour le tennis. La certification GEO (Golf Environment Organisation) et le label Golf pour la Biodiversité s’appliquent pour le Golf National de Guyancourt, etc.
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Le Centre Aquatique Olympique : un modèle de durabilité pour les infrastructures sportives
Parmi les principales réalisations, le Centre Aquatique Olympique – à Saint-Denis – est un exemple frappant d’innovation durable. Porté par la Métropole du Grand Paris et cofinancé par plusieurs acteurs publics et privés, il a été conçu pour accueillir les épreuves de plongeon, de natation artistique et de water-polo. Ce centre, qui sera pérenne, est la plus grande charpente concave en bois au monde, construite avec du bois provenant à 100 % d’Europe.
Clémence Le Moyne de Sainte Marie, responsable de la maîtrise d’ouvrage chez Bouygues Bâtiment IDF, explique : “Cette structure en bois concave permet de réduire fortement son empreinte carbone et de faire des économies d’énergie.” En effet, l’architecture favorise l’utilisation de la lumière naturelle et réduit considérablement la surface à chauffer, ce qui permet de diminuer l’empreinte carbone et les coûts énergétiques. Dalkia, filiale du Groupe EDF en charge de l’exploitation technique, couvre 90 % des besoins du bâtiment en énergies renouvelables et de récupération grâce à une vaste ferme solaire urbaine.
Le Village des athlètes de Paris 2024 : un démonstrateur d’innovation urbaine
Autre réalisation majeure, le Village Olympique et Paralympique, situé entre Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île Saint-Denis, a été conçu comme un démonstrateur d’innovation urbaine. Transformée en une écoquartier après les Jeux, cette ancienne friche industrielle de 52 hectares accueillera 14 500 sportifs et leur staff, puis 9 000 para-athlètes. Le projet a permis de valoriser 94 % des matériaux utilisés, réduisant ainsi considérablement l’empreinte carbone du chantier.
Le recours au bois a été massifié pour tous les bâtiments de moins de 28 mètres, tandis que les structures plus hautes utilisent du béton bas carbone. Des cloisons spécifiques et démontables, développées par Saint-Gobain, ont nécessité deux ans de recherche et développement. Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation à la SOLIDEO, se réjouit : “Sur l’ensemble de son cycle de vie, nous atteignons une baisse de 47 % du bilan carbone.”
Paris 2024 veut booster l’économie locale, circulaire
La stratégie d’économie circulaire pourrait inspirer, au moins en partie, de futures éditions. Paris 2024 a privilégié la location du matériel auprès des acteurs de l’événementiel, plutôt que l’achat. Sur 2 millions d’équipements sportifs, les trois quarts seront loués. À l’issue de l’évènement, tous les matériaux des installations sont censés être réemployés, réutilisés ou recyclés.
Le groupe RGS Events, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de mobilier, accessoires et matériel pour l’industrie des grands événements, devait relever le défi de l’éco-conception et de l’économie circulaire, en s’entourant des bons partenaires. Paris 2024 s’était engagée auprès des organisations syndicales et patronales par le biais d’une Charte sociale, pour favoriser les entreprises françaises. La plateforme #entreprises2024 leur a permis de remporter 90 % des marchés publics, 75 % sont des TPE-PME.
Des jeux plus sociaux et solidaires
Grâce à l’intermédiation de #ESS2024, “c’est la première fois que l’ESS a une telle opportunité avec un projet public de cette ampleur”, s’est réjouit Elisa Yavchitz, Directrice générale de l’association Les Canaux. Aux côtés du Yunus Centre, elle pilote cette plateforme de veille et d’accompagnement pour répondre aux appels d’offres, en collaboration avec Paris 2024 et la SOLIDEO. “Cela prouve à l’État et aux grandes entreprises qui s’appuient sur ces structures en tant que partenaires ou prestataires, que l’ESS en a les capacités, avec des engagements forts sur les délais, la qualité et la sécurité”.
Par exemple, tous les sièges des tribunes du Centre Aquatique et de l’Adidas Arena sont fabriqués par l’entreprise sociale SASminimum, à partir de 100 % de déchets plastiques recyclés, produits dans des usines locales. Des avancées notables, susceptibles d’inspirer à la fois le futur des marchés de l’événementiel et du bâtiment.
Une alimentation durable et une réduction du plastique
La restauration des athlètes et des visiteurs constitue également un volet important de la stratégie durable de Paris 2024. La filiale hospitalité et événementiel du groupe Sodexo, a mis l’accent sur des menus durables, composés de produits frais, locaux, et issus de l’agriculture biologique. Charles Guilloy, chef cuisinier chez Sodexo Live, précise : “Les recettes seront composées avec des produits frais, locaux, une viande, du lait et des œufs 100 % français, et 30 % de produits issus de l’agriculture bio.” L’offre végétale a été multipliée par deux, contribuant ainsi à la réduction de l’empreinte carbone.
Paris 2024 s’est également engagé à diviser par deux la quantité de plastique à usage unique. En partenariat avec Re-uz, leader européen des gobelets et contenants alimentaires réutilisables, la quantité de déchets plastiques sera réduite. Cependant, le partenariat avec Coca-Cola soulève des questions sur les impacts environnementaux, la multinationale étant l’un des plus grands pollueurs plastiques au monde. France Nature Environnement pointe d’ailleurs du doigt le fait que “sur les 18 millions de boissons distribuées par Coca-Cola pendant les Jeux, plus de la moitié le seront via des bouteilles en plastique.” Bien loin de la “Trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique” de Paris 2024.
“Certes, l’entreprise s’est engagée à installer des fontaines à soda. Mais les éco-cups demeurent en plastique. Même consignées, elles sont souvent conservées comme goodies. Et si la pub fait grimper la consommation de bouteilles en rayon, le bénéfice de l’opération sera nul”, anticipe Muriel Papin, Déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea.
Tout n’est pas vert aux J.O. d’été 2024
Selon la recommandation initiale du WWF France, Paris 2024 devait garantir “100% des objets promotionnels et des produits dérivés, et des supports de communication issus d’une démarche responsable (recyclé, éthique, recyclable…)”. Pourtant, sur les 5 000 références à la vente, la proportion d’objets souvenirs non produits en France, ni même assemblés sur le territoire français est estimée à environ 80 %. La majorité seraient Made in China ou Made in Bangladesh. Un bilan qui grève l’empreinte carbone globale de ces Jeux d’été.
Plus globalement, ce n’est qu’à l’issue de l’événement que pourra être évaluée l’ensemble de la stratégie “Héritage et Durabilité” des Jeux, sur tous les volets et avec toutes leurs parties prenantes. En attendant, les critiques sur certains aspects de la stratégie, comme le partenariat avec Coca-Cola, montrent qu’il reste encore du chemin à parcourir pour concilier pleinement l’impact environnemental et l’organisation d’un événement de cette envergure.
Article réalisé par Marie Vabre.