Partager la publication "Relocalisation : elle doit être solidaire, pas nationaliste"
Relocalisation, protectionnisme, souveraineté : de quoi parle-t-on ?
Le souverainisme consiste à préserver prioritairement l’autonomie économique nationale, par rapport aux organisations internationales. Or, le souverainisme peut être solidaire (de gauche), ou néolibéral (de droite), voire économiquement capitaliste autoritaire et xénophobe (l’extrême droite). Il faut en effet éviter deux excès : celui d’un centralisme gouvernemental internationaliste ou mondialiste, et le régionalisme égoïste, le nationalisme xénophobe et guerrier.
Quant au nationalisme, il peut être de droite, d’extrême droite ou de gauche, mais aussi économique et / ou culturel (l’identité) ; défensif (protectionniste, limitation de l’immigration) ou offensif (l’impérialisme, le néocolonialisme…).
Le nationalisme peut aussi être de gauche, dans la mesure où la caractéristique principale de la gauche relève prioritairement de la quête de l’égalité (économique et sociale), notamment grâce à des politiques sociales redistributives. Ainsi, au plan économique, une politique socialiste nationaliste (qu’il s’agisse du capitalisme social ou du socialisme réel) peut exercer une redistribution des richesses et assurer une égalité des droits (sociaux, politiques, économiques…) dans sa nation, tout en menant une politique inégalitaire d’exploitation prédatrice (impérialiste) vis-à-vis des peuples des nations étrangères. Il y a dans ce cas une incohérence sur le plan de la philosophie politique entre la volonté d’égalité nationale et l’inégalité au plan international, liée à l’exploitation des autres pays (généralement les plus pauvres).
La relocalisation peut être de droite ou de gauche. Une relocalisation non sociale et non sélective s’inscrit dans une politique autarcique relevant d’une décroissance d’extrême droite. Elle consiste en un repli excessif sur soi, le local, la nation, sans prendre en compte les pays et les régions les plus pauvres. Dans un contexte quelque peu différent, puisqu’il s’agit de politique intérieure, la Lombardie (en Italie du Nord), ou la Serbie (dans l’ex-Yougoslavie) ont cherché chacune à leur manière à se séparer des régions les plus pauvres de leur pays par exemple.
Une relocalisation sociale (de gauche) supposera notamment, de la solidarité économique et de la redistribution. Au niveau régional, la redistribution permet une solidarité entre territoires, c’est-à-dire entre les communes, les régions ou les nations les plus riches vis-à-vis des plus pauvres.
Quels sont les modèles existants ?
- La globalisation centralisée solidaire (de gauche)
- La globalisation centralisée libérale (de droite) ou autoritaire (d’extrême droite)
- La souveraineté solidaire (de gauche)
- La souveraineté de droite ou d’extrême droite
Un développement basé sur l’autonomie renforce l’identité culturelle en centrant les efforts de développement sur les ressources (au travers la participation des populations notamment) et les connaissances propres du pays. Ce choix d’un développement autonome centré sur des besoins essentiels et l’identité culturelle a été la politique défendue et menée par de nombreux pays en développement, menant une politique socialiste, en même temps, qu’ils luttaient contre la colonisation des pays capitalistes, à partir de la conférence de Bandung dans les années 1950 et les suivantes.
Thierry Brugvin est enseignant-chercheur en sociologie, spécialisé dans l’étude du commerce éthique, équitable, l’écologie sociale, l’action des mouvements sociaux transnationaux dans la régulation démocratique du travail, et l’influence cachée des pouvoirs économiques internationaux sur le pouvoir politique. Il est notamment l’auteur de “Le commerce équitable et éthique: opportunités et limites” (2013), “Le pouvoir illégal des élites” (2014), ainsi que “6 chemins vers une décroissance solidaire” paru en 2018.