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Prof au XXIè siècle, ça veut dire quoi ?

TRIBUNE. Par Alain Goudey, directeur de la transformation digitale à Neoma Business School.

Le 21/09/2018 par WeDemain
TRIBUNE. Par Alain Goudey, directeur de la transformation digitale à Neoma Business School.
TRIBUNE. Par Alain Goudey, directeur de la transformation digitale à Neoma Business School.

Google fête ses 20 ans cette année ! Chaque jour, la révolution numérique transforme nos échanges, nos comportements, notre environnement. À coup d’innovation et d’évolutions technologiques incessantes, nombreux sont les secteurs directement impactés et qui doivent se réinventer.

L’enseignement supérieur ne fait pas exception ! Face à de nouveaux enjeux – surinformation, guerre de l’attention, émergence de nouveaux métiers – si les Ecoles et Universités veulent éviter l’ubérisation, elles n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. Le système académique tel qu’on le connait a été pensé pour l’ère industrielle.

S’il a fait ses preuves par le passé, il va devoir songer très sérieusement à se réinventer pour répondre aux enjeux d’une ère numérique où les métiers de demain n’existent pas encore. Et cette mutation passera par la prise en main pleine et entière par le professeur de son rôle de mentor auprès de la nouvelle génération, qui elle aussi devra s’engager !
     

Le #ProfDuFutur adaptera sa pédagogie au cerveau des étudiants ou… disparaîtra !

​Le “#ProfduFutur” sera mentor… ou ne sera pas !

Écoles comme Universités, nous ne pouvons plus nous targuer d’être seuls détentrices de l’information. Google Play et autres Apple store regorgent d’applications, l’information est accessible partout et par tous. En somme, à portée de smartphone, les jeunes peuvent aujourd’hui en 2 clics s’informer, se former, échanger et apprendre ! Si nous espérons encore conserver intact notre pré carré de “sachant” et de “transmetteur de l’information” nous risquons de perdre la bataille à une vitesse grand V.

Il est urgent pour le professeur de repenser son rôle, sa mission pour passer de la transmission de la connaissance à la transmission du savoir et de l’expérience ! Car désormais être enseignant signifie être un mentor pertinent, capable de guider ses étudiants dans le traitement, l’analyse, la critique et la mise en perspective de l’information !

​La “guerre de l’attention”, une réalité dans la salle de classe d’aujourd’hui

Un challenge conséquent lorsque l’on mesure les changements de profils de l’apprenant. Les nouvelles générations ne font pas preuve des mêmes comportements que les générations précédentes. Et nous devons adapter nos modes d’apprentissage !

L’attention humaine devient ce qu’on peut désormais considérer une denrée rare, et un nouveau combat se joue dans la salle de classe désormais : celui de l’attention ! Une étude de Microsoft réalisée en 2017 soulignait que l’attention des étudiants était en moyenne de 8 secondes, par minute… une moyenne inférieure à celle du poisson rouge.

Autant dire que le professeur dispose d’une fenêtre de tir plutôt mince pour toucher son public ! Le rapport aux temps chez les jeunes s’avère lui aussi bien différent de celui de leurs ainés.

Près de 80 % des jeunes de moins de 25 ans expriment des difficultés à rester une minute sans rien faire, habitués à des réactions numériques de l’ordre de la seconde, contre 10 % chez les plus de 65 ans. Concrètement nous sommes confrontés à une génération difficile à intéresser et qui, en plus, s’ennuie particulièrement vite !

​Des compétences plus que des connaissances

Une fois ces contraintes posées, comment le professeur doit-il réinventer sa mission, ses outils pour répondre à ces nombreux défis ? Une réponse s’impose tout de suite : repenser profondément nos approches académiques pour proposer à nos étudiants des expériences d’apprentissage à même de stimuler la créativité, développer l’esprit critique et susciter l’intérêt !

Sans cela, nous continuerons d’appartenir à un ancien monde révolu, et à prodiguer des schémas de pensée inadaptés aux monde numérisé d’aujourd’hui ! Le think tank californien “Institute for the Future” en faisait récemment écho : 85 % des métiers que les étudiants exerceront en 2030 n’existent pas encore ! Les enjeux pour le secteur de l’enseignement ne se joueront plus sur le terrain de la connaissance, mais bien sur celui de la compétence !

Edutainment : quand le jeu au service de l’éducation devient la voie royale à une expérience d’apprentissage de qualité !

Et pour cela, trois maîtres mots : être ludique, engageant, et incarné. 

Être ludique

Tout d’abord il convient de mettre du jeu dans la pédagogie, tout simplement pour s’adapter au fonctionnement de notre cerveau qui apprend mieux en jouant. Il n’y a plus d’espace pour l’ennui et l’émotion positive ressentie dans le jeu est un facteur fort d’appropriation.

Une méthodologie qui a déjà fait ses preuves dans l’apprentissage des mathématiques, avec notamment les programmes pédagogiques développés par Matthew Peterson. Naturellement, cela implique de la créativité chez le professeur pour porter ses fruits !

Être engageant

Ensuite, le #ProfDuFutur doit engager cette fois l’apprenant. De nombreuses techniques peuvent être employées pour cela. L’engagement par l’image, à laquelle les étudiants sont sensibles et qui par définition les poussent à s’investir pleinement. Ensuite l’engagement par l’entreprise, qui permet de concrétiser les contenus, de confronter les étudiants au monde professionnel et ainsi de les impliquer rapidement et enfin, l’engagement par la production.

Dans une mécanique de classe inversée, l’étudiant devient alors celui qui développe l’outil pédagogique, le tout avec la dimension de notation à la fin : l’implication est bien souvent au rendez-vous !

Être dans l’incarnation

L’incarnation du discours est essentielle, en plaçant autant que possible l’apprenant dans une situation d’apprentissage expérientiel. Dans ce sens des initiatives émergent un peu partout à travers le monde. Le marketing des technologies disruptives s’enseigne dans certaines classes grâce à ces mêmes outils technologiques : réalité virtuelle, intelligence artificielle.

Car oui, quoi de mieux pour l’étudiant que de toucher du doigt et de se faire sa propre expérience du sujet pour ensuite le maîtriser ? 

Alain Goudey

Directeur de la transformation digitale à Neoma Business School
Conférencier / chercheur
Serial entrepreneur / professeur

Spécialisé en marketing sensoriel, digital et technologies disruptives
 

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