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Espace privé, espace public… un nouvel équilibre à construire dans le cosmos

Caroline Freyssinet, astrochimiste et chargée de recherche au CNRS, explore la nécessité d’un cadre équilibré entre les États et les acteurs privés dans la conquête et l’exploitation de l’espace.

Le 22/09/2024 par Florence Santrot
Caroline Freyssinet
Caroline Freyssinet présente Dragonfly, un robot qui ira bientôt explorer Titan, la lune de Saturne. Crédit : Isabelle Jacques.
Caroline Freyssinet présente Dragonfly, un robot qui ira bientôt explorer Titan, la lune de Saturne. Crédit : Isabelle Jacques.

Lors de l’événement « 2050 we are_ DEMAIN », Caroline Freyssinet a présenté les enjeux d’un espace en pleine transformation, où États et entreprises privées se disputent désormais la conquête et l’exploitation des ressources spatiales. Astrochimiste et chargée de recherche au CNRS, son travail au Latmos (Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales) consiste à la fois à chercher des traces de vie extraterrestre et à concevoir des instruments pour l’exploration de Mars ou encore de Titan, la lune de Saturne.

Avec une vision pragmatique, Caroline Freyssinet est intervenue sur scène pour parler du futur de l’espace. D’emblée, elle souligne que « l’espace devient le nouvel horizon de la compétition internationale, avec des enjeux scientifiques, économiques et stratégiques majeurs ». Un constat qui appelle à un rééquilibrage des rôles entre les puissances publiques et les entreprises privées dans ce domaine.

L’espace, nouveau terrain de jeu des grandes puissances

Caroline Freyssinet a rappelé que, depuis la Guerre froide, l’espace a été le théâtre d’une compétition acharnée entre grandes puissances, principalement entre les États-Unis et l’Union soviétique. Aujourd’hui, la dynamique a changé, avec des acteurs comme la Chine et l’Inde qui montent en puissance. « L’espace n’est plus l’apanage des grandes puissances historiques, nous assistons à une multiplication des programmes spatiaux, y compris de la part de nations émergentes », a-t-elle expliqué. Les enjeux géopolitiques se diversifient, créant un terrain de confrontation technologique et économique inédit.

En parallèle, l’espace n’est plus seulement sous l’influence des gouvernements. Des entreprises privées comme SpaceX et Blue Origin sont devenues des acteurs centraux de cette nouvelle ère spatiale. « Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est l’irruption du secteur privé dans ce qui fut longtemps le domaine réservé des États. Cette compétition est désormais autant économique que scientifique, avec des opportunités gigantesques en termes d’exploitation des ressources spatiales. »

De la conquête à l’exploitation : le nouvel enjeu économique

Pour Caroline Freyssinet, le véritable enjeu de cette nouvelle ère spatiale n’est plus seulement la conquête, mais l’exploitation des ressources présentes au-delà de la Terre. « Il ne s’agit plus d’envoyer des missions pour explorer, mais d’utiliser les ressources spatiales à des fins économiques. » Que ce soit pour exploiter les métaux rares présents sur les astéroïdes, tirer parti de l’énergie solaire en orbite ou multiplier les satellites de communication, le potentiel économique de l’espace est immense.

Ces ressources pourraient aussi jouer un rôle clé dans la transition énergétique. Elle a souligné que « le contrôle de l’espace et de ses ressources pourrait devenir un facteur de domination économique à l’avenir ». Les capacités technologiques de chaque nation ou entreprise privée à exploiter ces opportunités définiront les rapports de force géopolitiques des décennies à venir.

« Celui qui maîtrisera les ressources de l’espace dominera l’économie du futur. »

Après le traité de l’espace de 1967, un nouveau cadre légal et éthique à inventer

Bien que les opportunités soient immenses, Caroline Freyssinet alerte sur les risques d’un développement anarchique si les cadres juridiques ne s’adaptent pas à la nouvelle réalité spatiale. « Le traité de l’espace de 1967, qui interdit la militarisation et la revendication territoriale de l’espace, est aujourd’hui obsolète. Il n’offre plus de réponses adéquates aux ambitions privées et aux évolutions technologiques. »

Elle appelle à une coopération internationale renforcée pour éviter une nouvelle course aux ressources sans réglementation claire. « Si nous ne voulons pas que l’espace devienne un nouveau champ de bataille pour les ressources, nous devons rapidement établir des règles pour garantir un usage pacifique et partagé de ces nouveaux territoires. »

La coopération : une clé pour l’avenir spatial

Malgré les tensions croissantes entre États et acteurs privés, Caroline Freyssinet reste convaincue que la coopération internationale est essentielle pour relever les défis posés par l’espace. Elle estime que l’exploration spatiale doit être envisagée comme une aventure collective, où la collaboration entre États, entreprises et scientifiques sera cruciale. « Aucun acteur ne pourra réussir seul. La clé du succès repose sur une synergie entre le public et le privé, ainsi qu’une collaboration internationale étroite. »

Caroline Freyssinet conclut en appelant à maintenir l’espace comme un bien commun de l’humanité : « Il ne s’agit pas de freiner les ambitions, mais de s’assurer que l’espace reste un bien commun, où l’innovation peut se développer de manière éthique et durable. » Le futur de l’espace dépendra de la capacité des acteurs à trouver un équilibre entre compétitions et collaborations, tout en préservant l’intégrité de cette nouvelle frontière.

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