Peu à peu mon corps se détend dans ce lieu, où méditer est pour le moins inhabituel. Lorsque j’ouvre les yeux, j’aperçois mes collègues assis autour de la grande table de bois de nos locaux. Je suis au bureau et je participe à un cours de yoga sur chaise, formule qui tient presque de l’oxymore, donné par Anne-Charlotte Vuccino, ancienne directrice d’un cabinet de conseil en stratégie.
Une passion née dans l’adversité
Victime de multiples infections nosocomiales, elle frôle l’amputation. “On ne m’a pas coupé la jambe mais on m’a laissée handicapée, amochée”. Un jour, en 2008, une collègue de bureau lui fait découvrir le yoga. C’est une révélation. “J’étais plus active que pendant mes séances de rééducation, tout en respectant le seuil de ma douleur”.
Pendant huit ans, elle se rééduque grâce au yoga. Dans son métier de consultante, elle commence à transmettre ses connaissances à ses clients, à qui elle propose des exercices de respiration.
“Ils avaient un rythme de travail intense et avaient besoins d’outils immédiatement mobilisables pour relâcher la pression, se concentrer avant une prise de parole, soulager une douleur au dos… Évidemment, quand je leur donnais ces conseils, ils étaient en costume cravate dans leur bureau. Ils n’étaient pas sur un tapis, en jogging”.
À son retour, elle crée Yogist — Bien au Bureau, une méthode de yoga qui se pratique en tenue de ville, ne nécessite pas de matériel et “a été validée par des ostéopathes et des psycho-ergonomes”.
Plusieurs offres sont proposées : yoga sur tapis, yoga sur chaise, atelier découverte ou encore e-learning. Les prix, qui sont fixés au cas par cas, ne nous ont pas été communiqués.
Et pour ne pas faire peur aux esprits cartésiens, elle supprime de sa pratique les aspects ésotériques présents dans le yoga. “C’est au yoga de s’adapter aux gens, pas l’inverse”, soutient Anne-Charlotte Vuccino.
Les exercices de respiration : des outils pour lutter contre le stress
“Vous avez sans doute déjà constaté ce lien entre la respiration et le stress : quand vous êtes angoissé, votre respiration s’accélère et votre rythme cardiaque augmente. Quand vous êtes détendu, le pouls est calme et le souffle régulier”. Première chose à faire : identifier quelle est notre respiration naturelle.
Pour cela, il faut poser sa main droite sur son ventre et sa main gauche au niveau des poumons, fermer les yeux et respirer normalement. Puis sentir quelle main bouge à l’inspiration et à l’expiration.
Si la main placée sur la cage thoracique bouge, cela signifie que l’on respire par le haut du buste. Si c’est la main droite qui bouge, on respire par le ventre. “Il s’agit d’une respiration plus profonde, qui aide à se concentrer”, précise Anne-Charlotte Vuccino. Si les deux mains bougent, c’est la respiration complète qui est utilisée. Une respiration, qui “calme le stress et les angoisses”, précise Anne-Charlotte Vuccino.
Le haut du corps, tel une bouteille d’Orangina
“Imaginez que le haut de votre corps est une bouteille d’Orangina : le ventre est le fond de la bouteille, très large. Les poumons sont le milieu de la bouteille : un peu moins large, mais avec beaucoup de place pour se remplir. La gorge et la zone des clavicules sont le goulot de la bouteille.
En inspirant, imaginez que vous remplissez la bouteille. L’air remplit d’abord le ventre, puis la cage thoracique et les poumons, et enfin la gorge. À l’expiration, renversez votre bouteille.”
Pendant tout l’exercice, il convient de respirer par le nez le plus lentement possible, et de garder la bouche fermée. Cela permet notamment de filtrer l’air et d’allonger le souffle.
“Lorsque vous inspirez par le nez, vous inhalez un gaz produit par les sinus, l’oxyde nitrique. C’est un vasodilatateur qui permet de mieux oxygéner le sang et qui a un impact sur le fonctionnement de notre système nerveux”, précise Anne-Charlotte Vuccino
S’asseoir, tout aussi néfaste que fumer
Aussi, il est essentiel d’adopter une bonne posture, que l’on soit assis ou debout. Un exercice moins facile qu’il n’y paraît.
“Contrairement à ce que l’on pense, il ne suffit pas de redresser son dos pour se tenir droit. Tout le corps est sollicité : pieds, dos, épaules, nuque et bras”, remarque Sofia Colla, journaliste à We Demain
Être à l’écoute de son corps
“Autant d’exercices à mettre quotidiennement en pratique. Et pour les stressés, placer sa tête plus bas que son cœur régule automatiquement la respiration”, confie Claire Gollot, secrétaire de rédaction.
L’idée étant de soulager mais aussi de prévenir ces maux. Pour bénéficier des bienfaits thérapeutiques de sa méthode, la yogi recommande d’effectuer d’abord un exercice de renforcement, puis un étirement de la zone travaillée.
Et de préciser qu’il est essentiel de respecter les limites de son corps : “apprenez à faire la différence entre une douleur d’étirement désagréable mais bénéfique, et une douleur vive, signe qu’il faut interrompre l’exercice”.
D’une manière générale, lors de ses cours qui durent une heure, la Yogi introduit “des idées de non compétition, de bienveillance, de douceur envers soi et les autres”, dans un lieu qui privilégie bien souvent la notion de compétition.
Son concept a séduit une trentaine de grandes entreprises. Ces dernières l’ont bien compris : le bien-être de leurs employés a un effet positif sur leur productivité. Mais si le yoga du travail soulage le stress, il ne résout pas tous les problèmes et ne peut, concède Anne-Charlotte Vuccino, remplacer “un management rationnel et juste”.