Partager la publication "À la découverte des Pôles avant qu’ils ne disparaissent : Du Groenland au Kamtchatka"
Une envie impérieuse de tout voir, – a-t-elle pris naissance au sein des longues journées de solitude passées devant la fenêtre de ma chambre d’enfant, dans les livres, dans les rêveries sur ce qu’il pouvait y avoir au-delà de mon univers très cadré ? – m’a entraîné dans une centaine de voyages.
Depuis quelques années, suite à la fonte accélérée des glaces et à l’appréhension qu’elles ne disparaissent avant d’avoir pu aller à leur rencontre, les déplacements se sont retrouvés magnétisés vers les pôles.
Premier voyage, le Cap Nord, le Spitzberg et le Nord de l’Islande ; deuxième, le Sud et le Sud Ouest du Groenland ; troisième la Laponie ; quatrième à partir d’Ushuaïa et de la Patagonie, les Malouines, la Géorgie du Sud, l’île de la Déception et la péninsule Antarctique ; et aujourd’hui, c’est le départ pour le quatrième vers le Nord du Groenland, pour effectuer le passage du Nord Ouest entre l’Atlantique et le Pacifique d’habitude impossible à cause des glaces, au cœur de la dentelle des îles de l’Archipel Arctique, royaume de l’ours polaire, du Grand nord canadien et du Nunavut jusqu’à l’Alaska.
Traversée jusqu’au Kamtchatka
Plus l’avion descend, plus je me pose de questions. Ce sont les nuages ou c’est la calotte glaciaire ? Puis, plus de doutes : ces veines, ce sont des rivières sur l’inlandsis, ponctuées de milliers de petits lacs. On dirait la glace poreuse, en décomposition. Une araignée liquide gris-bleutée a tissé sa toile sur le Grand Blanc.
La dernière fois que je suis venu, il y a trois ans, ce n’était pas du tout comme cela. À l’arrivée 11 degrés. L’anorak est superflu sur la chaloupe qui me transfère jusqu’à L’Austral. Le navire va lever l’ancre vers Sisimiut, la deuxième ville la plus peuplée du Groenland : 5498 habitants.
Un paysage urbain, au charme surréaliste
Un paysage urbain, au charme surréaliste. Sur la droite deux immenses os de baleine forment un portique vers la vieille église, le musée, une maison aux murs de plusieurs mètres d’épaisseur de pierres plates et de tourbe à côté de laquelle on peut passer sous un vrai kayak en peau de phoque.
La rue principale qui monte beaucoup m’apparaît tout à coup incroyablement active quand je la compare à celle de Nuuk, la capitale visitée en 2013 : ballet incessant de belles voitures,- et même un grand nombre de taxis – alors qu’il n’y a aucune route en dehors de la ville -, des ados qui dévalent à vélo, des filles en jeans avec leurs grands cheveux qui courent jusqu’au centre d’activité péri-scolaire, des “Butik” de toutes sortes, trois supermarchés, un musée, un centre culturel, un immense complexe omnisport, et un nombre étonnant de mères avec des poussettes…
Le peuple qui habite près des renardières
Dans les ateliers où les artistes sculptent des andouillers de rennes, des fanons de baleines, des ivoires de morse ou de narval, les pièces les plus impressionnantes sont les tupilaks, des figurines difformes et grimaçantes représentations d’anciens fétiches chamaniques qui étaient des assemblages de cadavres d’oiseaux, d’animaux et parfois d’humains fabriqués pour jeter des sorts… Sisimiut, la dernière ville avant des semaines peuplées de fjords, d’icebergs, de glaciers, de phoques et d’ours…
Jean-Paul Curtay.
Pour en savoir plus :
Guides Grand Nord, Groenland – Kalaallit Nunaat, Grand Nord Grand Large
Nathalie Michel et Stéphane Niveau, Cap au Nord, Gallimard
Il est l’auteur de nombreux livres, dont Okinawa, un programme global pour mieux vivre, le rédacteur de www.lanutritherapie.fr, et continue à peindre et à voyager afin de faire l’expérience du monde sous ses aspects les plus divers.