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Aux Jeux paralympiques, cette athlète vise l’or avec une jambe imprimée en 3D

La cycliste allemande Denise Schindler porte une prothèse de jambe issue d’une imprimante 3D. Paul Sohi, l’ingénieur qui l’a modélisée, explique à “We Demain” en quoi cette prothèse plus rapide et moins chère à produire peut lui permettre de décrocher l’or. Avant, peut-être de rendre accessible ces prothèses à toutes les personnes handicapées.

Le 06/09/2016 par WeDemain
La cycliste allemande Denise Schindler porte une prothèse de jambe issue d'une imprimante 3D. Paul Sohi, l'ingénieur qui l'a modélisée, explique à "We Demain" en quoi cette prothèse plus rapide et moins chère à produire peut lui permettre de décrocher l'or. Avant, peut-être de rendre accessible ces prothèses à toutes les personnes handicapées.
La cycliste allemande Denise Schindler porte une prothèse de jambe issue d'une imprimante 3D. Paul Sohi, l'ingénieur qui l'a modélisée, explique à "We Demain" en quoi cette prothèse plus rapide et moins chère à produire peut lui permettre de décrocher l'or. Avant, peut-être de rendre accessible ces prothèses à toutes les personnes handicapées.

À l’âge de deux ans, l’allemande Denise Schindler glisse sur du verglas et se fait percuter par un tram. Elle est alors amputée de la jambe droite, ce qui ne l’empêchera pas de se mettre au cyclisme de compétition à 18 ans. Combative, elle rafle les titres, dont une médaille d’argent aux derniers Jeux paralympiques de Londres, en 2012. Denise Schindler a alors 26 ans.

À côté de ses compétitions, elle récolte des fonds pour des activités sportives qui intègrent des enfants handicapés et non handicapés. Quatre ans plus tard, à Rio, elle est la première sportive à participer aux Jeux avec une prothèse fabriquée grâce à l’impression 3D. Une innovation qui, elle l’espère, lui permettra de décrocher l’or dans trois épreuves : une poursuite de 3 000 mètres sur piste, une course contre la montre sur route et une course sur route.
 
À l’approche de l’ouverture de cette 15e édition des Jeux Paralympique, We Demain s’est entretenu avec Paul Sohi, le designer de cette prothèse. Il appartient à la société Autodesk, spécialisée dans la conception et la modélisation 3D.

 

We Demain : Pourquoi Denise Schindler a-t-elle fait appel à vos services ?

Paul Sohi : Une prothèse telle que celle que nous lui avons imprimée en 3D lui permet d’aller encore plus vite, et de s’entraîner avec plus de robustesse, mais aussi de confort. Auparavant, Denise s’entraînait avec des prothèses classiques. Mais cela ne lui a plus suffi. C’est une personne persévérante et exigeante, qui est convaincue qu’un être humain peut surpasser son handicap grâce à la pratique d’un sport. Notre collaboration a commencé en 2015.

Qu’apporte cette prothèse imprimée en 3D de plus que les prothèses classiques ?
 
C’est comme une chemise taillée sur mesure, vous êtes mieux dedans que dans un vêtement censé aller à tout le monde. La prothèse est construite à partir de matières qui offrent aérodynamisme et flexibilité : du polycarbonate à l’intérieur, et de la fibre carbone à l’extérieur. Elle s’adapte ainsi à son corps, au volume de ses muscles, à sa façon de les mouvoir et de les utiliser lors de ses entraînements. Elle est aussi plus légère qu’une prothèse classique, comme celle qu’elle avait lors des JP de Londres : 812 grammes au lieu de 1,2 kg. Le tout, en lui permettant de pédaler avec plus d’amplitude. Résultat, elle est plus performante – je pense d’ailleurs qu’elle peut gagner ces Jeux !

En fonction de son activité physique, un athlète voit sa masse musculaire évoluer. Le fait que cette prothèse soit imprimée en 3D lui permet-elle de s’adapter à ces changements, contrairement aux prothèses classiques ?

Oui ! Le fait qu’elle soit imprimée en 3D nous a permis d’en produire trois depuis décembre. La dernière date d’il y a deux semaines, et c’est celle qu’elle va utiliser aux Jeux. Alors qu’un processus de fabrication normale de prothèse peut durer jusqu’à dix semaines de la conception à la finalisation, nous n’avons besoin que de 48 heures pour imprimer sa nouvelle prothèse, dont 23 heures d’impression stricto sensu. Et cela est possible dans n’importe quel atelier d’impression 3D dans le monde, à tout moment, à prix réduit. Comptez 250 dollars, soit environ 222 euros pour sa simple fabrication, 1 000 à 2 500 dollars en tout.

Comment, à travers chacune de ces trois prothèses, êtes-vous parvenu à épouser la morphologie exacte de l’athlète à un niveau de forme donné ?

C’est un travail qui remonte à l’année dernière : à force de simulations en 3D sur ordinateur, nous sommes parvenus fin décembre à imprimer la prothèse qu’allait porter Denise. Nous nous servons depuis d’un logiciel localisé dans un cloud, que notre équipe d’ingénieurs (répartie à San Francisco, Portland, Londres, Munich) peut consulter à tout moment. Cette base de donnée est ainsi actualisée en fonction de l’activité sportive de Denise. Ses retours sur les éventuels dysfonctionnements ou améliorations à effectuer sur la prothèse sont enregistrés dans le même logiciel.

Une prothèse “normale” coûte bien plus cher, minimum 10 000 euros. Ces prothèses à prix réduits pourraient-elles bientôt ne plus être seulement une aubaine pour les sportifs, mais pour tout le monde ?

Nous l’espérons ! Nous comptons, en été 2017, avoir terminé l’élaboration précise de nos plans de fabrication et les partager avec la grande industrie, pourquoi pas en open source, afin que celle-ci démocratise la conception puis l’usage des prothèses en 3D. Imaginez un peu si tout le monde pouvait profiter d’un tel confort, à prix réduit !

Dans un futur plus lointain, si les prothèses finissaient par dépasser les membres “naturels” en termes de performance, pourrait-on imaginer que des athlètes décident de remplacer leur bras ou leur jambe… par une prothèse ?

C’est très difficile à dire. Un coureur avec une prothèse, par exemple, est plus rapide qu’un cycliste avec une prothèse, car les mécanismes utilisés dans les premières sont plus puissants et développés qu’une jambe normale. Mais cela diffère d’une pratique sportive à une autre, et un athlète n’effectuera pas ses mouvements de la même façon avec ou sans prothèse… Reste aussi la réglementation très stricte du Comité international paralympique (IPC), qui veille à ce que les athlètes ne fassent pas n’importe quoi. Mais une chose est sûre : la technologie évolue plus rapidement que le corps humain, et notre travail entraîne une réflexion éthique sur ce qu’est notre corps à l’heure des technologies 3.0.

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