Partager la publication "Terrorisme : Donner la mort parce qu’on n’aime pas la vie"
On ne compte plus en effet le nombre de parents d’islamistes, mais aussi de voisins ou collègues de travail qui, interrogés par les médias, ont exprimé leur stupéfaction face aux crimes odieux commis par des personnes qu’ils jugeaient “sans histoire”, “serviables” ou “sympathiques”.
La sincérité apparente de ces impressions confiées à des caméras de télévision laisse à penser qu’elles contiennent une part de vérité, qui ne peut être seulement due à la capacité des terroristes à donner le change. Le père d’Abdel Malik livre une explication simple et crédible : “Daech lui a monté la tête, retourné le cerveau”.
Pourquoi tant de haine ?
Contrairement à ce qu’affirment quelques bons esprits, ce n’est pas là faire œuvre d’autoflagellation, ni de compassion ou pire encore de complaisance à l’égard des
bourreaux. C’est au contraire chercher comment on pourrait éviter de nouvelles victimes. Et, plus largement, améliorer le sort d’une partie importante et croissante de la population.
Hors l’usage de drogues particulièrement fortes, qui modifient totalement l’état de conscience, on ne peut transformer un individu en monstre par la violence. Mais on peut le faire par la persuasion, le mimétisme, la désignation d’un bouc-émissaire. Les dictatures, le nazisme, le fascisme, le racisme, la xénophobie, la persécution du Christ ou les Croisades en sont des exemples frappants.
L’espoir par le mensonge
Dès lors, la promesse d’une vie “idéale” en remplacement de celle que l’on subit et qui n’a pas ni sens ni avenir, est très alléchante. En particulier pour des esprits peu structurés, qui n’ont pas pu se construire un système de valeurs et une morale suffisamment forts pour faire accepter et apprécier la vie.
D’autant que personne ne peut leur démontrer qu’on leur sert des mensonges. Ils n’en retiennent que l’idée d’une aventure possible, d’une “existence” réelle, forte et visible (même si elle est éphémère) contrairement à celle qu’on leur propose depuis leur naissance. C’est-à-dire un espoir, dont le père Hamel écrivait justement que “le monde [en] a tellement besoin”.
Celle de les punir ne se pose pas non plus, dans la mesure où un islamiste n’a vraiment accompli son acte que s’il se termine par sa mort, condition nécessaire pour accéder au “paradis d’Allah”. Celle de les pardonner est affaire de morale personnelle ou religieuse.
Confort matériel, inconfort moral
La société laïque, malgré sa tolérance affichée à l’égard de toute croyance, ne répond plus au besoin probablement inné de transcendance et de spiritualité. La science, de son côté, est impuissante à dire pourquoi nous sommes ici, et ce que nous devons y faire.
Et la “société de consommation”, qui s’est construite sur les décombres de la guerre, répondant au besoin de reconstruction, de confort et de distraction, ne satisfait plus que très provisoirement des pulsions qui sont toujours renouvelées. L’argent maître y accroît les inégalités, celles des revenus comme celles des dépenses. La société de communication les rend plus visibles et donc moins supportables.
Le progrès dans le développement de la personne
Le véritable progrès est plutôt à trouver dans le développement des capacités de chacun à se forger une vision du monde, une compréhension de son fonctionnement et de son évolution. Dans sa capacité à peser sur sa propre destinée et à participer à celle des autres. Avec la perspective de devenir “meilleur”, de faire de “belles” et “bonnes” choses, d’en retirer une satisfaction durable et une estime de soi.
Sans, surtout, nous prévenir que le but s’éloigne au fur et à mesure que l’on croit se rapprocher de lui. Et que cela engendre une grande frustration, qui peut conduire à des actes irrationnels.
Une formidable occasion pour les politiques
Sans, surtout, nous prévenir que le but s’éloigne au fur et à mesure que l’on croit se rapprocher de lui. Et que cela engendre une grande frustration, qui peut conduire à des actes irrationnels.
Cela implique qu’ils rétablissent le lien de confiance rompu avec eux. Cela suppose aussi un renouvellement des idées, des comportements et des personnes, ce qui ne semble guère en voie de réalisation actuellement. Il faudrait enfin que cette nouvelle façon de faire de la politique et de penser la société soit favorisée par les médias. Mais il se trouve que la plupart d’entre eux vivent de la publicité, c’est-à-dire de la consommation, ce qui rend évidemment leur mission difficile.
Aimer la vie plus que la mort
Une récente étude montre ainsi que le “score moyen de bonheur” que les Français s’attribuent est de 5,9 sur 10. Cela ne traduit pas une grande réussite de la société et de ceux qui en sont les principaux animateurs. Si 56 % se disent heureux (note de 6 à 10), 18 % s’estiment malheureux (note de 0 à 3). 3 % de la population adulte, soit 1,6 million, se donnent même une note de 0 à 1, ce qui représente beaucoup de candidats au suicide ou au djihad, sans parler des dépressions.
Les enseignements qu’ils proposent, les discours qu’ils tiennent, les valeurs qu’ils prônent, les revendications qu’ils formulent, les postures qu’ils adoptent et les modèles qu’ils mettent en avant sont souvent dépassés et nuisibles au changement nécessaire. Cela prendra du temps, nécessitera du courage et de la pédagogie. Mais l’alternative est la poursuite du processus de détérioration amorcé. Avec en ligne de mire des aventures qu’il vaudrait mieux ne pas tenter.