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Avec ses champignons pesticides, cet homme affole Monsanto

Le biologiste américain Paul Stamets, spécialiste en mycologie, a découvert un champignon tueur d’insectes. Ce biopesticide pourrait permettre de lutter naturellement contre les parasites agricoles.

Le 13/11/2015 par WeDemain
Le biologiste américain Paul Stamets, spécialiste en mycologie, a découvert un champignon tueur d’insectes. Ce biopesticide pourrait permettre de lutter naturellement contre les parasites agricoles.
Le biologiste américain Paul Stamets, spécialiste en mycologie, a découvert un champignon tueur d’insectes. Ce biopesticide pourrait permettre de lutter naturellement contre les parasites agricoles.

Sauver la Terre avec des champignons, c’est le défi de Paul Stamets. Convaincu que les solutions de la préservation de la vie sont dans ces organismes, ce mycologue américain de 60 ans a découvert quatre nouvelles espèces et six solutions assorties de brevets dont la plupart font trembler Monsanto, DuPont et les autres géants de l’agrochimie.

Il a découvert des champignons entomo-pathogènes, c’est-à-dire tueurs d’insectes, grâce à des fourmis charpentières qui rongeaient consciencieusement sa maison. Pour les chasser, cet amateur d’arts martiaux a utilisé des champignons Metarhizium, qui ont la propriété de les repousser. Il a pris soin d’en analyser les spores, afin de pouvoir produire un champignon qui, au lieu de faire fuir les fourmis, les attire et les tue. Plus besoins de pesticides ! Le brevet, déposé en 2006, couvre plus de 200 000 espèces…

Ensuite, Paul s’est intéressé aux propriétés de Fomitopsis officinalis, un champignon connu depuis l’Antiquité pour lutter contre le virus de la variole, en vue de mettre au point une espèce active contre les virus de la grippe. On imagine la joie dans les laboratoires pharmaceutiques. Enfin, il a trouvé que le mycélium est un bon intermédiaire pour produire de l’éthanol à partir de la cellulose – mais s’empresse de souligner que c’est “écologiquement stupide”, histoire d’agrandir le cercle de ses amis industriels producteurs de carburant.

La naissance d’une pluralité d’autres organismes

Paul Stamets est le genre d’individu qui marche en regardant par terre pour traquer le moindre signe de la présence de champignons, autre que leurs parties visibles. Car à ses yeux, le plus important n’est pas à l’air libre, mais dans la mince couche d’humus, où se cache le mycélium. Ce réseau tentaculaire de fibres relie les champignons entre eux et s’étend sous la forme d’une nappe souterraine, d’où émergent de nouveaux pieds.

Notre homme n’hésite pas à le comparer à Internet. Le plus grand organisme au monde est un mycélium âgé de 2 000 ans qui, sur l’épaisseur d’une seule cellule, couvre 9 km2 dans l’est de – l’Oregon. Avec son microscope à balayage électronique, Paul Stamets a découvert que le mycélium est composé de membranes de microfiltration dont le fonctionnement n’est pas sans rappeler le nôtre : “Nous expirons du dioxyde de carbone, le mycélium aussi. Il inhale de l’oxygène, tout comme nous.” 

Des poumons externalisés ? En fait, “ce sont comme des membranes neurologiques étendues : il s’y forme des microcavités qui fusionnent avec les sols et en absorbent l’eau. Ces cavités fonctionnent comme des petits puits où se forment des communautés microbiennes. C’est ainsi que le sol spongieux résiste à l’érosion et met en place un univers microbien qui donne naissance à une pluralité d’autres organismes”.

Des antibiotiques capables de nous soigner

​L’homme a passé sa vie à étudier le fonctionnement du mycélium. C’est ce web souterrain qui produit des acides oxaliques et des enzymes qui capturent les minéraux et dégradent les rochers. On doit à ce grand désassembleur moléculaire la fabrication de l’humus et la complexification du vivant. Le mycélium retient efficacement les sols – jusqu’à 30 000 fois sa masse. Nous savons aussi qu’il est le moteur des échanges de nutriments entre les différentes plantes qu’il coordonne.

Comme nous partageons les mêmes agents pathogènes que les champignons – qui n’aiment guère pourrir à cause des bactéries –, ceux-ci sécrètent les antibiotiques capables de nous soigner. Par ailleurs, le mycélium produit des enzymes – des peroxydases – qui brisent les liaisons carbone-hydrogène pour les recombiner en hydrates de carbone, ce qui lui permet de décomposer les hydrocarbures. Cette capacité de “bioremédiation”, comme la nomme Stamets, s’attaque aussi à la bactérie E. coli et à quelques autres joyeusetés. C’est pourquoi le mycélium pourrait révolutionner notre manière de nous soigner, de cultiver, de dépolluer et même de produire de l’énergie.

Aujourd’hui, Paul Stamets travaille toujours sur les propriétés médicinales des champignons, notamment dans le cadre de deux projets de recherches sur les traitements contre le cancer et le VIH associant les champignons aux thérapies classiques. En revanche, il garde le secret sur ses goûts gastronomiques : poêlée de cèpes ou coulemelles farcies ? Personne ne le sait.

Gilles Luneau
Journaliste à We Demain, grand reporter et rédacteur en chef de Global Magazine 
@GillesLuneau
 

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