Partager la publication "Lettre à la jeunesse européenne : “La COP21, notre meilleure chance de créer la Génération Europe XXI”"
D’après une étude récente, en France, 71 % des 15-30 ans n’ont jamais entendu parler de la COP21. Parmi ceux qui ont eu vent de l’évènement, seulement 22 % envisagent des conclusions positives. Des chiffres inquiétants, quand on sait que cet événement sera l’occasion de poser une question cruciale : de quel avenir voulons-nous ?
Selon Laurence Tubiana, la représentante officielle de la France dans les négociations pour la COP21, “la COP21 s’inscrit dans une tendance de fond : celle d’une transition mondiale vers des sociétés résilientes et sobres en gaz à effet de serre, qu’elle devrait contribuer à accélérer mais qui continuera de toute façon après elle. Je ne pense donc pas que Paris soit, comme on l’entend parfois, la dernière chance pour le climat. Je dirais plutôt que c’est la meilleure chance que nous ayons eue jusqu’ici”.
Comment tisser du lien plutôt que de créer des biens ?
Dans un monde de crises et en crise, s’inspirant des idées de la décroissance, il s’agirait d’étudier les perspectives possibles et le rôle de la jeunesse dans une “décolonisation des imaginaires” qui nous pousserait hors de notre zone de confort historique, culturelle, religieuse. Comment tisser du lien plutôt que de créer des biens dans un monde entré dans l’ère digitale, dévoré par le consumérisme et l’individualisme ?
Éducation numérique, planification urbaine et réduction du temps de travail
Il en va de même pour la réflexion autour de la réduction du temps de travail. Plutôt que de subir une austérité économique imposée et un modèle de productivité toujours plus soucieux d’économies et qui exclue par le non- travail, pourquoi ne pas envisager le chômage comme le signe révélateur d’un système en mutation ?
Les temps longs de formation et l’arrivée toujours plus tardive des jeunes sur un “marché” du travail toujours plus compétitif, des départements universitaires jugés non productifs menacés de fermeture… Quelle place et quel rôle pour l’école et l’université au XXIe siècle ? Réinventer l’université, c’est revendiquer l’accès au savoir et à la formation perpétuelle.
Le numérique, le dénominateur commun de la génération Y
Réinventer l’Université, c’est permettre à la jeunesse de se réapproprier l’espace artistique, culturel et politique à l’échelle européenne. Dans cette dynamique, il s’agit d’intégrer le paramètre du numérique. On peut considérer le numérique comme dénominateur commun d’une “génération Y”, voire d’une “génération Z” ayant grandi avec le poids croissant de Google, Apple, Microsoft (et bien d’autres) en bourse.
Beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur la part de responsabilité du numérique dans le délitement des liens sociaux. Nombre d’études révèlent le sentiment croissant de solitude et d’isolement des individus. L’instantané et l’éphémère semblent s’imposer comme nouvelles normes des rapports sociaux et sociétaux. Les ordinateurs, les téléphones, les tablettes, les réseaux sociaux… murs ou fenêtres sur le monde ?
Le numérique pour répondre aux crises environnementales et migratoires
De manière générale, on peut y entrevoir une formidable opportunité de forger une identité européenne aux valeurs humanistes. Connaître l’autre pour dépasser ses peurs et les tentations protectionnistes, briser le carcan des religions et des traditions et ancrer l’humain dans une nouvelle phase de modernité. De manière plus concrète, s’approprier et maîtriser une technologie pour aborder avec plus de sagesse des crises environnementales et migratoires, dont les causes et les conséquences dépassent aujourd’hui les frontières.
Accès équitable aux ressources, usage soutenable et contrôle démocratique
Un certain nombre d’initiatives ont vu le jour et se propagent, en lien avec ces problématiques : agriculture verticale, AMAPs, jardins partagés, éco-quartiers… Autant d’aspects d’une seule et même idée, celle des “communs”. Cette idée repose sur trois paramètres qui sont celui d’un accès équitable aux ressources, d’un usage soutenable et d’un contrôle démocratique.
Une gestion différente de la ville de demain
Mannheim considère qu’il n’est pas possible de penser la génération sur des bases uniquement arithmétiques, une génération ne se définirait donc pas par sa simple tranche d’âge. Ce qui fabrique les générations seraient des communs historiques, des évènements comme la Première Guerre mondiale, la crise de 1929 ou encore la guerre d’Algérie qui ont contribué à forger la fameuse “Génération 68” française. En 1968, dans l’ouvrage La brèche , coécrit avec Castoriadis, Edgard Morin qualifie Mai 68 de “1789 socio-juvénile”. La jeunesse étudiante d’aujourd’hui est appelée à devenir à son tour l’intelligentsia qui alimentait les mouvements sociaux.
Une jeunesse actrice du changement dans un monde en transition
De quoi fournir matière à se constituer en génération et devenir à son tour facteur de changement. Cette jeunesse européenne pourrait mériter son titre de “génération” si, en s’inspirant des idées de la décroissance, elle devenait actrice de changement dans un monde d’ores et déjà en transition. La COP21 se profilant ainsi comme un élément structurant, en tout cas la meilleure chance que nous ayons eue jusque ici d’ouvrir les yeux.