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Diversité religieuse et éducation: le pari gagnant du village sénégalais d’Enampore

RÉCIT. Par Ahmed et Karine Benabadji, fondateurs du projet Open-Villages.

Le 02/10/2015 par WeDemain
RÉCIT. Par Ahmed et Karine Benabadji, fondateurs du projet Open-Villages.
RÉCIT. Par Ahmed et Karine Benabadji, fondateurs du projet Open-Villages.

Le 1er septembre, Ahmed, Karine et leur cinq enfants se sont envolés de Paris pour un tour du monde d’un an, à la découverte de villages qui ont fait le choix de l’autonomie et du développement durable. Dans leur troisième billet pour We Demain, ils racontent l’histoire singulière du village d’Enampore, au Sénégal.

Enampore (Sénégal), le 1er octobre 2015,

Nous entrons dans la magnifique région de Casamance par la voie maritime, en remontant le fleuve jusqu’à Ziguinchor, la capitale. Les pirogues colorées sur les berges, les dauphins qui virevoltent dans le sillage du ferry, la végétation luxuriante qui s’arrête net sur des longues bandes de sable blanc, toutes ces images de cartes postales qui soudainement deviennent vraies devant nos yeux, nous font entrer comme dans un charme dans le monde du peuple diola.

Des différences fortes

En langue diola, Enampore veut dire “mettre en commun”. Le nom du village où nous nous sommes installés pour près d’un mois est donc en même temps tout un programme. On met en commun ce qui est différent et se complète. Or, les différences sont fortes dans la société diola qui semble morcelée au premier regard, à l’image des maisons du village très distantes les unes des autres.
 

Le souci de l’équilibre économique entre les hommes et les femmes est un premier exemple de ces différences (ici celle entre les sexes) qui se traduisent par une mise en commun. En effet, les femmes diolas restent propriétaires de leurs terres dans une stricte séparation des biens et il existe un système codifié de partage des tâches au sein d’un couple.

Ainsi, pour la culture du riz, l’homme s’occupe du labour et la femme du repiquage des plants sur l’ensemble des parcelles leur appartenant. De même, des règles fixent comment chacun des parents doit contribuer aux frais des enfants.

Musulmans, animistes et catholiques

La coexistence entre les religions animiste, catholique et musulmane crée aussi une diversité riche dans une communauté où la spiritualité occupe une place importante et qui a su maintenir son unité malgré les différences de rites et de vision du divin : musulmans et animistes cotisent pour la réfection de l‘église, catholiques et animistes participent aux fêtes sacrées de l’islam et musulmans et catholiques sont présents lors des grands rituels initiatiques devant les fétiches. Les mariages interconfessionnels existent. Contrairement à ce que l’on observe généralement, ici, c’est la pluralité des croyances qui renforce chez chacun le sentiment d’adhésion à une seule communauté.
 

“Si tu vas à l’école, tu pourras quitter le village”

Cette phrase terrible vide la communauté de ses jeunes. L’école publique fragilise le village car les jeunes partent étudier à Ziguinchor alors qu’ils sont indispensables aux travaux agricoles. À terme, elle menace même l’existence de la communauté car ceux qui partent (le plus souvent en vain) chercher un travail à la ville ne reviennent que très rarement.

En outre, le fait que l’école se soit vue confier l’éducation de la maternelle jusqu’à l’âge adulte conduit peu à peu à la rupture du lien de transmission qui existait entre les anciens et les plus jeunes et entre les parents et leurs enfants. Par ce lien, d’une génération à l’autre, passaient des croyances et des valeurs, des normes de conduite, des activités culturelles et spirituelles, qui toutes ensembles constituent le patrimoine culturel et la richesse d’une communauté. Comme nous le disait un responsable du village : “Nous n’avons pas grand-chose. Si nous ne préservons pas nos traditions qu’est ce qui va nous rester ?”

Convaincre les autorités locales
 
Comment maintenir la cohésion sociale et culturelle dans la communauté ? Comment leur permettre de continuer d’œuvrer ensemble pour le développement de leur village ? La réponse des villageois d’Enampore est pour le moins originale.

Les villageois participent à la réponse en tentant de convaincre les autorités locales de construire un lycée. Le village dispose déjà d’une école primaire et d’un collège, dont les résultats sont très bons. Leur projet est astucieux : plus longtemps les jeunes poursuivront leurs études à Enampore, plus longtemps ils pourront aider leurs parents aux travaux des champs et continuer à être parties prenantes dans la vie culturelle de la communauté.
 

Mieux encore, sous l’impulsion d’un petit groupe d’habitants, le village a créé un festival, appelé “la fête des canards”. On y consomme des gallinacés élevés toute l’année par les villageois. Cette manifestation, qui en est à sa sixième édition, est l’occasion de montrer sur trois jours la richesse du patrimoine artistique Diola, notamment ses danses et ses musiques. Elle permet aussi de réhabiliter des pratiques anciennes, comme la lutte traditionnelle ou les courses de pirogue dans lesquelles s’affrontent des équipes venant de villages voisins.

Conserver le patrimoine culturel

Peu à peu, les organisateurs ont réussi à fédérer autour d’eux les énergies et les dernières éditions ont été de grands succès, tant par leur convivialité que par le niveau de participation des habitants. Au-delà de son impact touristique, ce festival vise surtout à entretenir le patrimoine culturel et à favoriser l’attachement des habitants pour leur communauté. À en juger par par les nombreuses conversations que nous avons eues à Enampore, l’objectif est en passe d’être atteint.

Ahmed et Karine Benabadji, fondateurs du projet Open-Villages. 

Les personnes intéressées par ce festival qui se tient chaque année le premier week-end du mois de février peuvent contacter ses organisateurs à l’adresse suivante : adriendemanga@yahoo.fr

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Et pour (re)lire les précédents épisodes du tour du monde de la famille Benabadji, c’est par ici ->
 Épisode 1 Épisode 2

 

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