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Un Airbnb des réfugiés pour “préparer la société à les recevoir”

Le réseau CALM a reçu plus de 2 500 propositions d’hébergement en seulement une semaine. Face à un tel engouement de la société civile, We Demain s’est entretenu avec l’un des fondateurs de cette plateforme, Guillaume Capelle.

Le 12/09/2015 par WeDemain
Le réseau CALM a reçu plus de 2 500 propositions d'hébergement en seulement une semaine. Face à un tel engouement de la société civile, We Demain s'est entretenu avec l'un des fondateurs de cette plateforme, Guillaume Capelle.
Le réseau CALM a reçu plus de 2 500 propositions d'hébergement en seulement une semaine. Face à un tel engouement de la société civile, We Demain s'est entretenu avec l'un des fondateurs de cette plateforme, Guillaume Capelle.

Depuis plusieurs jours, les élans de solidarité et d’accueil des réfugiés se multiplient au sein de la société civile. Pour les aider et les organiser, des sites et pétitions en ligne émergent, associés à des initiatives concrètes. Le réseau Comme à la maison (CALM), grâce auquel des membres de la société civile peuvent héberger temporairement des réfugiés ayant obtenu leur titre de séjour, est l’une d’entre elles.

Lancée par l’association Singa, qui propose des cours de français, des activités culturelles et sportives et de l’aide juridique à des centaines d’exilés, la phase pilote de Calm a débuté le 20 juin 2015, lors de la Journée mondiale des réfugiés. Depuis le 7 septembre, date de naissance du projet, cet Airbnb d’un nouveau genre a déjà reçu plus de 2 500 demandes citoyennes.
 
Guillaume Capelle, l’un des fondateurs de ce projet, a répondu aux questions de We Demain.
 
We Demain : Pourquoi avoir créé le réseau Calm ?
 
Guillaume Capelle : Pour plusieurs raisons ! En France, les centres d’hébergement d’urgence sont débordés. Les personnes qui vivent dans ces lieux d’accueil y restent pendant des mois, et lorsqu’ils en sortent, ils passent souvent leurs nuits à appeler le 115 dans l’espoir de trouver un toit. De même, la plupart d’entre eux ne connait en fait que trois Français : leur conseiller pôle emploi, un membre de la CAF et une personne issue du milieu associatif. En leur offrant un logement chaleureux dans des familles ou chez des personnes désireuses de les héberger, on libère les centres d’accueil tout en donnant aux réfugiés la possibilité de se poser, de trouver un boulot, bref, de commencer une nouvelle vie. D’un autre côté, on permet aux citoyens de s’engager. Nous préparons par la même notre société à recevoir ces nouveaux arrivants.

En seulement une semaine, vous avez reçu plus de 500 propositions d’hébergement par jour. Comment expliquez-vous un tel engouement ?
 
Avec les événements tragiques des derniers mois, l’opinion publique a évolué très rapidement. L’immigration est une ressource humaine et intellectuelle qui contribue aux grands défis du monde de demain. Cette idée se répand enfin. En Allemagne, en Islande, les innovations sont nombreuses grâce à l’immigration… “Pourquoi ne le seraient-elles pas en France ?”, se demandent les gens qui frappent à notre porte. Je suis persuadé qu’il ne s’agit pas uniquement d’un élan émotionnel. Nous construisons des alternatives sur le long terme.
 
N’est-ce pas en priorité le rôle de l’État que d’offrir un logement aux arrivants, et plus largement, de veiller à l’intégration des réfugiés ?
 
Si, bien sûr, c’est au gouvernement de travailler sur ces questions. Mais pas seulement. La responsabilité est partagée. Le réseau Comme à la maison est une expérience humaine de rencontres, qui part de la société civile. Car c’est aussi à elle de se questionner, de comprendre que l’asile peut être une source d’innovation. Les arrivants d’autres pays portent un regard différent sur notre société, ils en voient les manques mieux que nous. En travaillant avec eux, en leur demandant quels sont leurs besoins, leurs envies, plutôt que d’où ils viennent et pourquoi, nous les aidons à porter des projets avec des membres de la société d’accueil.

Concrètement, comment faire si je veux héberger un réfugié chez moi ?
 
C’est simple. Si vous êtes prêts à recevoir une personne ou une famille chez vous, il suffit de s’inscrire sur notre site Internet, de remplir un formulaire (allergies, centres d’intérêts personnels…), puis de participer à une formation gratuite d’une durée de trois heures. Ensuite, nous vous mettons en contact avec une personne ou une famille qui partage vos centres d’intérêt. Vous la rencontrez une première fois, et si le courant passe, c’est parti ! Vous avez un ou plusieurs nouveaux colocataires pour une période donnée, de deux semaines à six mois, à votre convenance. L’association Singa reste en lien avec vous pendant toute la durée de la colocation et vous encourage à participer à des activités sportives ou encore musicales au sein de la communauté.
 
Que m’apprend-on pendant cette formation ?
 
Quelques réflexes ! Certains réfugiés souffrent de traumatismes dus à leur histoire. Par exemple, mieux vaut éviter de fermer la porte sans avoir demandé avant, ou de s’asseoir en face d’une personne – cela pourrait lui rappeler des scènes d’interrogatoire. Au-delà de cela, il existe également des différences culturelles qu’on ne peut pas deviner sans l’expertise de nos consultants, qui connaissent le terrain. Certains réfugiés refusent systématiquement trois fois un dessert, avant de l’accepter – il faut alors insister !

Que se passe-t-il si je ne m’entends pas avec mon ou mes nouveaux colocataires ?

C’est l’avantage de la communauté Singa – vous n’êtes pas seuls, et nous sommes là pour vous aider dans vos problèmes et vos questionnements. Théoriquement, cela ne devrait pas arriver – vous pouvez tout à fait refuser d’héberger une personne si, lors de la première prise de contact, le courant n’est pas passé. Par la suite, l’essentiel est d’être aussi transparent que possible. Si votre coloc’ a dégueulassé votre frigo, une conversation suffit théoriquement à arranger les choses. S’il s’agit de complications plus importantes, le mieux est de se tourner vers nous pour profiter de nos ressources.
 
Et si je souhaite héberger une personne, mais que je dispose de peu de moyens ?
 
Tout se fait en négociation avec la personne que vous hébergez. Beaucoup insistent pour payer une part de votre loyer – les réfugiés disposant de leurs droits de séjour, la plupart d’entre eux perçoivent le RSA. Mais il est vrai qu’ils ne sont pas souvent riches… Parfois, ils vous proposeront alors seulement de participer aux frais de nourriture ou de lessive. C’est à voir au cas par cas, selon vos moyens et ceux de la personne hébergée. Comme pour tout le reste, d’ailleurs. Il s’agit d’expériences humaines, qui, par définition, varient d’une personne à l’autre.
 

Que faire si je vis à la campagne ?

Vous pouvez tout à fait héberger quelqu’un ! Les 2 500 demandes de Français viennent de tout le pays, pas uniquement de Paris ou des autres grandes villes. Seulement, comme nous sommes en phase de lancement, nous allons y aller progressivement, en nous concentrant sur la capitale dans un premier temps. Pour autant, nous sommes d’ores et déjà en train de former des personnes à distance, notamment à Nantes, afin que la communauté Singa et le réseau Comme à la maison se développent rapidement, y compris ailleurs. Pour l’heure, nous espérons trouver 500 places simultanément d’ici début 2016 – ça commence cette semaine, avec une vingtaine de familles ! Par ailleurs, nos formations seront bientôt digitalisées, et donc disponibles gratuitement en ligne, pour tout le monde. Ce côté open-source doit permettre l’empowerment, c’est-à-dire la prise de pouvoir et l’autonomisation de la société civile.

Certaines personnes travaillent en journée. Comment aider les réfugiés pendant ce temps ?

Là encore, que vous viviez en ville ou à la campagne, notre réseau est là pour ça. En-dehors de vous, il y a des formateurs, des conseillers, d’autres Français ou réfugiés membres de la communauté qui passeront du temps avec les personnes hébergées. L’hébergement est une porte d’entrée dans la société. Une façon d’aider les réfugiés à porter un projet. On ne leur demande presque jamais ce qu’ils ont envie d’apporter – il est temps d’inverser la balance et de s’en donner les moyens. Nous n’avions pas prévus de recevoir tant de sollicitations aussi rapidement : à nous de démocratiser maintenant et rapidement notre sens de l’hospitalité et de l’accueil.

Justement, comment finance-t-on un tel engouement dans l’urgence ?

Grâce à des financements publics (les Nations unies, la mairie de Paris, les régions…), privés (la Maison des sciences de l’homme, la fondation Ashoka, Free), des cotisations, ou des services aux entreprises pour les faire rentrer dans la communauté. Nous sommes attachés à cette diversité de financement. En outre, nous lançons mi-septembre une campagne de financement participatif sur la plateforme Co-city pour obtenir des moyens supplémentaires.

 

Guillaume Capelle est un entrepreneur social. En 2005, il s’installe à Paris pour étudier les relations internationales. Cinq ans plus tard, il part travailler chez Amnesty International en Australie. De retour en France en 2012, il crée CapEthic, un cabinet de conseil en communication, avec lequel il sillonne les quartiers populaires européens, et cofonde SINGA. Pour lancer le projet CALM, il s’est appuyé sur une étude internationale réalisée dans 15 pays.

Propos recueillis par Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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