Partager la publication "“Changer de modèle, la plus fabuleuse aventure de notre temps”"
Ulysse, en revenant de Troie, pensait-il que son voyage deviendrait un mythe ? Un mystérieux aède aux noms et aux visages multiples a un jour décidé de faire en sorte que ce soit le cas. Mais lui-même n’avait sans doute pas conscience de la puissance symbolique et philosophique de son récit.
C’était un retour au pays. Un retour difficile mais vital vers une vie lointaine, à moitié oubliée mais idéale au possible. Et L’Odyssée n’est pas seulement belle parce que c’est l’un des récits d’aventure les plus fous que nous n’ayons jamais lu, mais parce qu’aujourd’hui encore, on se souvient de la détermination d’Ulysse.
Quelles aventures reste-t-il à notre génération, après que tout, dirait-on, a déjà été pensé, dit, fait et refait ? Qui pourrait vraiment changer le monde aujourd’hui ? Qui ? Et pour quoi faire ?
L’Histoire a changé sans nous
Après 15 années plongés dans le siècle suivant, et en faisant toujours les frais de la gueule de bois, nous sommes témoins chaque jour de la révolution totale qui s’est jouée à ce moment. On imagine encore à peine l’ampleur historique de la fin de cet âge d’or.
Nous ne vivons plus au XXème. Ses modèles économiques et politiques ne fonctionneront plus. Ce n’est pas la formule mathématique qui est mauvaise, mais les chiffres qui ne se comptent plus de la même façon. Les systèmes de développement, de production et de pouvoir que nous appliquons à nos sociétés depuis des décennies sont anachroniques. Nous avons eu 100 ans pour consommer l’oisiveté finale de notre génie, mais désormais l’Histoire a changé. Elle a changé sans nous.
Le système D et l’exploration spatiale
En fait, c’est se donner les moyens de faire plus avec moins. En 18 mois, entre 2012 et 2013, l’état indien (oui, l’état) a mené un projet d’exploration spatiale pour Mars avec un budget de 54 millions de dollars à l’aide de la méthode Jugaad. Rappelons que le projet similaire de la NASA, MAVEN, aura quand à lui coûté un peu plus de 500 millions de dollars de la conception au lancement.
À partir d’une étude menée par un groupe d’étudiants irlandais, les pouvoirs publics ont décidé de procéder à une véritable transformation sociale : monnaie locale, co-construction, alternatives aux énergies fossiles, etc… Il y a sans doute quelques leçons à tirer de cette démarche. À commencer par l’importance d’impliquer la jeunesse le plus tôt possible dans le processus de transition.
Des outils pour recréer notre civilisation
L’Occident n’est plus le géant qu’il a été. Même si ses entreprises ont encore aujourd’hui une forte influence dans le système globalisé, elles sont basées sur des modèles contradictoires et en fin de vie. Les innovations apportées par l’ensemble des nouvelles technologies en termes de communication, d’environnement, de robotique et de tout ce qui va avec ont changé les perspectives que nous pouvions avoir sur notre monde. Elles sont aujourd’hui les outils que nous avons pour recréer notre civilisation, et pas des moyens de profit.
Si nous ne procédons pas à la transition vers le XXIème siècle, nous disparaîtrons avec l’héritage du XXème.
Nous parlons ici de changer d’époque. Il faudra pour cela que les peuples et leurs représentants divers s’unissent et travaillent ensemble, pour la reconstitution de ce que nous sommes fondamentalement et de la façon dont nous voulons mener nos vies, collectivement.
Ce que nous voulons faire de cette transition
Se rassembler et penser ensemble une nouvelle société, de nouveaux moyens de produire, de travailler, de se nourrir, de se déplacer, de se loger… Ça ne se fera pas en un jour. Ce ne sera pas une croisière tranquille, d’un château l’autre, mais la plus fabuleuse aventure de notre temps. Celle qui, dans une centaine d’années, sera devenue légendaire. Voilà notre poids dans l’Histoire. Et nous ne pourrons y échapper d’aucune manière. Cette transition aura lieu quoi qu’il arrive, plus ou moins brutalement. À nous de voir ce que nous voulons en faire.
Après être allés de Charybde en Scylla et de Scylla en Charybde, nous sommes prêts à repenser notre rapport à la planète. Dans cette odyssée chacun a sa place, chacun peut apporter sa contribution, si minime soit-elle. Il ne s’agit même pas de changer le monde, mais de dire au monde que nous sommes prêts à changer avec lui. Nous sommes prêts, nous, les irréductibles optimistes, à rejoindre une Ithaque dont nous ne savons presque rien mais où tout est à reconstruire.
Avis aux aèdes.