Partager la publication "Construction écologique : le béton n’aura pas la peau du bois"
Elle fait couler beaucoup d’encre… La RE 2020, la fameuse réglementation environnementale, pourrait être rebaptisée RE 2022. Car dix ans après la RT 2012 (Réglementation thermique), les nouvelles règles pour diminuer l’impact carbone des bâtiments en améliorant leur performance énergétique, ne sont toujours pas effectives… Alors qu’elle devait entrer en vigueur en janvier 2021, après des mois de concertations et de discussions entre l’Etat et les acteurs des différentes filières de la construction, la RE2022 ne sera officielle qu’à compter du 1erjanvier 2022. Un retard préjudiciable car l’urgence climatique, elle, ne peut pas attendre.
Construction zéro carbone
Ce calendrier, âprement négocié, est la conséquence directe des voix qui s’élèvent contre une réglementation pour les nouveaux bâtiments qui se veut ambitieuse, et qui accorde, pour ce faire, une large place aux matériaux bio-sourcés tels que le bois, qui stockent le carbone pendant la durée de vie du bâtiment. A-t-on vraiment le choix de révolutionner les modes constructifs des futurs bâtis ? Comme le rappelle Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement, le bâtiment émet le quart des gaz à effet de serre français. Un chiffre beaucoup trop élevé si l’on veut atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050. L’objectif de la RE 2020 est donc clair : baisser de 30 % les émissions de la construction d’ici 2032.
Une révolution dont le préalable est la sortie des énergies fossiles du bâtiment neuf, en particulier à travers les modes de chauffage. Exit le gaz, place à une l’électricité décarbonée via la pompe à chaleur et le recours à de la chaleur renouvelable. Contrairement à la RT 2012, ce sont les émissions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, de la construction à la démolition, qui sont prises en compte. La nouvelle réglementation vise ainsi à faire émerger des modes constructifs et énergétiques qui émettent peu de gaz à effet de serre.
Avantage bois
Cette philosophie va nécessairement booster la filière bois, jusqu’ici quelque peu délaissée (les maisons à ossature bois ne représentent que 10 % du marché de la maison individuelle neuve en France). Que les acteurs des autres secteurs se rassurent, l’objectif n’est pas de tout construire en bois, mais plutôt de miser sur la mixité des matériaux ! Mais qu’on se le dise : le bois, moins énergivore pour sa transformation, qui a l’avantage d’absorber le carbone grâce à la photosynthèse, continue de stocker le carbone une fois coupé et utilisé dans les constructions (1 m3 de bois = 800 kg équivalent CO2 stockés). De plus, l’utilisation du bois dans la construction et la rénovation permet de limiter le recours à des ressources épuisables de la planète, nécessaires à la fabrication de certains matériaux de construction. Concrètement, le bois est un maillon essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique. Sa récolte s’inscrit dans un cycle de gestion durable des forêts : en coupant les arbres matures pour laisser la place aux jeunes pousses qui capteront et stockeront, à leur tour, du carbone…
Cette volonté de développer le recours au bois dans les constructions, impulsée par l’Etat, est d’ailleurs plébiscitée par les Français. Les deux tiers d’entre eux le placent en première position des matériaux les plus écologiques dans la construction de bâtiments neufs (enquête CSA d’avril 2021). Et 74 % d’entre eux jugent le bois insuffisamment utilisé pour réduire l’impact carbone de la construction. De fait, à l’échelle mondiale, le béton est responsable de près de 52% des émissions du secteur de la construction…
Développer les usages du bois dans le bâtiment de demain n’est pas un luxe, c’est une condition pour être au rendez-vous des objectifs de la décarbonation de la France. Cela passe par la nécessaire conciliation d’impératifs souvent présentés à travers un prisme manichéen : il est possible de prélever du bois, tout en garantissant le bon développement de nos forêts. Renoncer à couper du bois reviendrait simplement à renoncer à la transition énergétique du bâtiment.
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À propos de l’auteur
Ancien collaborateur d’Europe 1 et du média Sport Stratégies, Olivier Durin est aujourd’hui directeur de la publication du site Le Monde de l’Énergie.