COP21 : “Les objectifs sont ambitieux, mais les solutions restent nébuleuses”

Conclue sur un accord “historique”, la COP21 a certes débouché sur le premier engagement universel contre le réchauffement climatique de la planète. Mais ce succès diplomatique ne doit en aucun cas occulter l’absence de contraintes et de sanctions clairement définies, pourtant indispensables à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Si les objectifs communs sont ambitieux, les solutions avancées pour les atteindre apparaissent nébuleuses. “Le climat, c’est l’histoire qui frappe à la porte de l’humanité. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est si elle répondra”, a dit l’écrivain canadienne Naomi Klein, fervente militante altermondialiste. Au lendemain de la COP21, l’accord trouvé par l’ensemble des 195 États participants atteste de la volonté mondiale de réagir face aux dangers du réchauffement climatique.

Pas de solutions concrètes pour parvenir à limiter l’augmentation de la température

Mais si tous partagent maintenant le souhait de limiter l’augmentation de la température de la planète à moins de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle, la réponse délivrée au Bourget n’a pas apporté de solutions concrètes pour y parvenir. Décroché dans les prolongations, l’accord de Paris ne prévoit aucun moyen légal pour contraindre les pays signataires à respecter leur engagement de limiter les émissions de gaz à effet de serre.

De fait, aucun mécanisme de mesure des actions mises en œuvre n’est pour l’instant programmé, hormis ceux mis en place par les États eux-mêmes. De même, aucune sanction n’est prévue par la communauté internationale autre que celles éventuellement votées par chaque gouvernement. Laurent Fabius, président de la COP21, juge d’ailleurs utopique la création d’une Cour de justice climatique internationale, considérant “qu’on a déjà du mal à se mettre d’accord pour arrêter des massacres qui font des dizaines de milliers de morts”. Encourageant…

​L’exemple coûteux de la production d’aluminium

Pourtant, la régulation des pratiques est aussi cruciale qu’urgente dans les pays qui produisent le plus de CO2. Comptant pour 1 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, la production d’aluminium par exemple, si elle coûte moins que par le passé en termes d’intensité énergétique (14 298 kWh pour une tonne en 2014 contre 17 000 kWh en 1980) a largement augmenté ces dernières années, ce qui contrebalance cette évolution.

D’autant que les nouveaux entrants et les leaders émergents du marché pèsent très lourdement sur la moyenne mondiale d’émissions de gaz à effet de serre, en recourant massivement à des énergies fossiles pour produire l’électricité indispensable à la fabrication de ce métal, le deuxième le plus utilisé au monde après le fer. Depuis 15 ans, la Chine a multiplié par dix sa production d’aluminium (moins de trois millions de tonnes produites en 2000 contre plus de 30 millions en 2015).

Le prix du carbone, grand oublié

En 2014, la Chine a ainsi produit 52 % de l’aluminium mondial, étant responsable à elle seule de 68 % des émissions dues à la production de ce métal. En effet, tandis que les pays européens et nord-américains ont recours à 80 % à l’hydroélectricité pour le fabriquer, la dragon chinois utilise essentiellement le charbon (90 %), multipliant par 10 sa consommation de charbon dans la production d’aluminium en 20 ans (environ 30 000 GWh en 1995 contre plus de 300 000 GWh en 2014). 9e et 10e producteurs mondiaux, le Bahreïn et les Émirats arabes unis utilisent, eux, leurs immenses réserves en gaz pour progresser sur ce marché très rentable. 

Comme pour la Chine, la limitation de leurs émissions en CO2 pour produire de l’aluminium doit passer par des contraintes comme la tarification du carbone, l’un des principaux oublis de cette COP21. Alors que le principe d’ajustement des prix en fonction de la quantité de CO2 émise est déjà appliqué par plusieurs centaines de grandes entreprises à travers le monde, le texte final de la COP21 invite simplement les signataires à “fournir des incitations aux activités de réduction de émissions”.

“La Chine émet autant de CO2 que l’Europe et les États-Unis réunis”

Un système de tarification du carbone a pourtant été adopté dès 1997 lors de la 3e édition de la COP organisée à Kyoto (Japon). Entré en vigueur en 2005, il n’a toutefois pas obtenu les résultats escomptés à cause, entre entres raisons, du mauvais calcul des quotas nationaux. L’instauration de la tarification du carbone paraît pourtant indispensable pour augmenter le coût de la production dans les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre, qui ont un impact sur l’ensemble de la planète.

“Depuis 25 ans, la totalité de l’accroissement des gaz à effet de serre vient des pays émergents, dont bien sûr la Chine, constate Christian de Perthuis, président de la Chaire Économie du Climat. Aujourd’hui, la Chine émet autant de C02 que l’Europe et les États-Unis réunis !”

Diplômé en Economie de l’Environnement et de l’Écologie, Matthieu Gauthier s’est spécialisé dans le conseil en énergies renouvelables et solutions alternatives auprès d’acteurs du privé et du public.

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