Du choc Trump à la COP22, l’urgence d’un sursaut politique !

La conférence de Marrakech sur le climat (COP22) (7 – 18 novembre) a été marquée par la volonté de célébrer la rapide entrée en vigueur de l’Accord de Paris (4 novembre) et par l’élection d’un président américain (8 novembre) ayant fait de la négation du réchauffement climatique un sujet majeur de sa campagne et de son programme.

De sérieuses menaces pèsent désormais sur l’avenir et le contenu mêmes des négociations climatiques internationales et sur la possibilité de contenir le réchauffement en deçà de 2°C, objectif fixé par l’article deux de l’Accord de Paris. Afin de ne pas entacher la promesse de la COP21 selon laquelle la lutte contre les dérèglements climatiques serait désormais sur de bons rails, les premières réactions politiques – du gouvernement français à John Kerry en passant par les architectes de l’Accord de Paris – ont cherché à dédramatiser les résultats de l’élection américaine.

Étrangement, ils l’ont fait sur la base d’éléments de langage extrêmement proches selon lesquels 1) Trump ne pourrait retirer les États-Unis de l’Accord de Paris avant la fin de se son mandat ; 2) le processus de lutte contre le réchauffement serait enclenché partout et les marchés et le secteur privé allaient poursuivre leurs investissements dans des technologies et infrastructures bas carbone et prendre le relais des États défaillants.

La fragilité de l’accord de Paris

Rapidement démenti – Trump peut obtenir la retrait des États-Unis en un an – le premier argument n’a pourtant cessé d’être martelé pour justifier le caractère prétendument “irréversible” ou “irrémédiable” de l’Accord de Paris, deux mots à la mode pendant la COP22. Comme si le besoin de se rassurer devait l’emporter sur la lucidité de l’analyse.

Quoique décide le nouveau président des États-Unis in fine, ce besoin de se réfugier derrière des arguties juridiques illustre la fragilité de la prophétie, voulue auto-réalisatrice, de l’Accord de Paris.

Le second argument est encore plus discutable. Il revient à transférer la responsabilité de la mise en œuvre de la promesse de Paris aux acteurs non-étatiques, désormais vus comme “l’assurance-vie” de l’Accord de Paris. Au fond, cette nouvelle narration se rapproche d’une sorte de”fin de l’histoire” pour le climat : après l’accord de Paris, universel et universellement célébré, il ne resterait plus qu’à régler les questions techniques, comme si les “solutions” au changement climatique étaient consensuelles et apolitiques.

Ce qu’elles ne sont pas. Par exemple, réinsérer le commerce mondial dans le cadre de régulations internationales qui feraient primer l’impératif climatique sur la poursuite du business as usual ne viendra pas de la main invisible des marchés, qui n’est pas plus verte qu’elle n’est naturellement sociale, égalitaire ou juste.

Accroître l’ambition des politiques climatiques

Bien sûr que les villes, les communautés, les mouvements sociaux qui avaient entamé la transition, vont poursuivre leurs alternatives et leurs résistances. Et les amplifier si possible. Mais nous savons aussi que des garanties politiques doivent être mises en oeuvre pour accroître considérablement l’ambition des politiques climatiques locales, régionales, nationales et internationales et s’assurer qu’elles soient justes et menées au nom de l’intérêt général.

Une feuille de route clairement établie est ainsi nécessaire pour assurer la pérennité et la justesse de la transformation des soubassements énergétiques de cette machine à réchauffer la planète qu’est l’économie mondiale.

La COP22, COP de l’indécision et de l’inquiétude

Venus les mains vides à Marrakech, les États se sont montrés incapables de combler les failles de l’Accord de Paris, remettant à plus tard l’essentiel des décisions qui devaient être prises : la COP22, qui devait être celle de l’action et de la mise en œuvre, restera une COP de l’indécision et de l’inquiétude.

Inaction qu’on essaie de dissimuler en saluant la multiplication d’alliances public-privé hétéroclites autour de promesses, pas toujours sérieuses, qui ne sont ni critérisées, ni contrôlées. D’autre part, des concepts hasardeux et dangereux sont mobilisés, tels que la neutralité carbone et les émissions négatives, qui font comme si le dieu marché et la déesse technique allaient résoudre, seuls, la crise climatique.

Aucun dispositif contraignant

Le PNUE vient d’ailleurs, à nouveau, de tirer la sonnette d’alarme : les émissions doivent être réduites d’au moins un quart d’ici la fin de la prochaine décennie pour revenir en deçà des 42 gigatonnes d’équivalent CO2 relâchés dans l’atmosphère chaque année. Or, si les États tiennent les engagements qu’ils ont mis sur la table lors de la COP21, un record d’émissions pourrait être battu chaque année d’ici à 2030 pour atteindre 56,2 gigatonnes en 2030.

En consommant près des trois-quarts du budget carbone disponible, les États placeraient la planète sur un scénario de réchauffement largement supérieur à 3°C, violant ainsi l’Accord de Paris.

Les États-Unis et la Chine ayant fixé les contours de l’Accord de Paris, nous ne disposons d’aucun dispositif contraignant permettant de soumettre les États (ou les entreprises) récalcitrants, pas plus qu’il n’existe de mécanisme de rétorsion ou de sanction.

Une de nos priorités devrait d’ailleurs consister à faire évoluer le droit international pour que l’urgence climatique prime sur les règles commerciales édictées au siècle dernier et pour que l’abandon et la non-mise en œuvre de politiques climatiques ambitieuses puissent être sanctionnés.  

La transition énergétique n’est pas une option

La feuille de route est en effet connue. Prendre au sérieux l’objectif des 2°C revient à geler une très grande majorité – de 66 % à 80 % selon les calculs – des réserves existantes de pétrole, de gaz et de charbon. Il s’agit donc d’organiser une sortie progressive et planifiée des énergies fossiles, tout en assurant un redéploiement des salariés concernés pour qu’ils n’en paient pas les pots cassés.

Une lutte déterminée contre l’évasion fiscale et l’introduction d’une véritable taxe sur les transactions financières permettraient de le financer. La transition énergétique n’est pas une option. C’est la condition d’un futur viable, vivable et enviable. Et sans doute la meilleure réponse à apporter à l’élection de Donald Trump et à l’onde de choc qu’elle provoque. Elle nécessite un sursaut politique, pas un désengagement des États.

p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; text-align: justify; font: 12.0px ‘Times New Roman’} span.s1 {font-kerning: none} Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.

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