L’entreprise ne doit plus être vue comme une pyramide mais un réseau social

Parfois réticents au “travail à domicile” de nombreux dirigeants et salariés envisagent désormais la normalisation de cette pratique. Pour assurer sa pérennité dans le temps, il faudra néanmoins changer radicalement les méthodes de management avec moins de logique hiérarchique, plus d’autonomie et de nouveaux espaces d’échanges informels. Le management vertical détruit les bienfaits du télétravail !
 
Le télétravail a été mis en place dans l’urgence dans beaucoup d’entreprises. Malgré une demande croissante, le télétravail reste « contre-culturel » car notre droit du travail a été conçu pour encadrer le travail des usines. Beaucoup de salariés se sentent obligés de prouver qu’ils travaillent à distance et sur-compensent leur absence physique. Pour ne manquer aucun message, certains salariés n’osent plus s’éloigner de leur écran quand d’autres se manifestent en envoyant toujours plus de mails. Quant aux managers ils multiplient parfois le micro management à travers des confcall et autres visioconférences pour s’assurer de l’avancement du travail.
 
Le problème c’est que quand les salariés ne sont pas en visio-conférences, ils doivent préparer la présentation Powerpoint du lendemain et répondre aux mails non lus du jour, ce qui ne contribue finalement pas beaucoup à la productivité. C’est un cycle infernal qui s’auto-alimente. Le risque c’est de créer une surcharge artificielle de travail. Dans cette configuration le télétravail est épuisant, car il n’y a plus de place pour les relations informelles et les salariés sont en permanence sur le qui-vive alors qu’ils devraient au contraire se sentir délivrés de l’espace-temps imposé par le bureau.

Les managers plus que jamais en 1ère ligne

Il faut réfléchir à un profond changement de la façon de travailler et de manager les organisations en développant les capacités managériales à distance. Trop souvent les managers se sentent eux mêmes obligés de ponctuer la journée de travail à distance de leurs collaborateurs par une multitudes de réunions virtuelles, autant pour se rassurer de leur capacité de contrôle que pour justifier leur position hiérarchique.
 
Or l’entreprise ne doit plus être considérée comme une pyramide mais comme un réseau social. Le manager doit être celui quelqu’un qui est capable d’inspirer ses équipes, d’inspirer des solutions et de faciliter les connections entre les personnes. C’est lui qui encourage son équipe à la manière d’un community manager.

Des nouveaux liens sociaux dans l’entreprise

Une meilleure utilisation des réseaux sociaux d’entreprise pourrait permettre de créer du lien entre les membres d’une équipe dispersée. Mais là encore, il faut revoir les fondamentaux de l’entreprise. Dans un réseau social, tout le monde peut échanger avec n’importe qui, quelque soit son entité et son niveau hiérarchique. Tout salarié devrait ainsi pouvoir s’exprimer sur un sujet, créer une communauté professionnelle et commenter en interne les informations qui sont publiées dans l’entreprise.
 
L’esprit d’appartenance à l’entreprise serait ainsi facilité et la prise de décision du dirigeant pourrait être augmentée par le collectif. Comme la machine à café, le réseau social interne deviendrait ainsi un espace d’échange spontanés et informels ce dont l’email n’est pas capable.

Des séminaires plus réguliers et moins gadgets

Dans une organisation en réseau, la distance ne favorise pas l’intégration dans une équipe. Alors que Facebook travaille avec Oculus for Business  sur l’utilisation de la réalité virtuelle pour animer des formations ou des réunions, les séminaires d’entreprises devraient continuer à prospérer. 
 
En effet, en attendant qu’il soit possible de se réunir dans une cafétéria virtuelle, il est important d’organiser la socialité autour du travail. Il est ainsi primordiale de veiller à ce que les nouveaux membres soient bien intégrés et que les salariés qui travaillent le plus souvent ensemble connaissent les modes de fonctionnement des uns et des autres. Pour ce faire, des réunions physiques spécialement dédiées à la collaboration sont indispensables.

Une organisation qui s’adapte aux individus

Le travail à distance repose sur l’autodiscipline personnelle et la gestion des priorités avec pour objectif l’évaluation des finalités et des résultats. Dans ce modèle, il faut prendre en compte les besoins d’organisation des uns et des autres. Il y a des secteurs dans lesquels certains types d’organisations ne peuvent pas marcher.
 
En fonction de certaines paramètres (personnalités des membres de l’équipe, secteur, etc.), il convient de s’adapter et de prendre le meilleur de chaque modèle existant à ce jour. Il n’y a pas donc pas un modèle idéal mais une multitude d’organisations et de règles collectives possibles.
 
Ce qui est certain c’est que les managers de demain doivent apprendre à écouter leurs
équipes, à être moins un centre de contrôle et plus un centre de ressources pour des salariés qui doivent apprendre à gérer un nouvel espace-temps et à se faire confiance.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Yann-Maël Larher est avocat et cofondateur de okaydoc.fr, une communauté de chercheurs et d’experts dédiés à la transformation numérique des organisations.    
Docteur en droit social, il est spécialiste des relations numériques de travail.
Twitter : @yannmael  / LinkedIn : yann-mael-larher/

Recent Posts

  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

13 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

20 heures ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago
  • Respirer

Les oursins violets, sentinelles de la pollution marine en Corse

Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…

4 jours ago