S’inspirer de la nature pour innover : le biomimétisme, pour le meilleur ou pour le pire

S’inspirer des formes, des matières et des propriétés du vivant pour innover. C’est le principe du biomimétisme, qui intéresse de plus en plus d’entreprises, de collectivités, et a fait l’objet d’un grand salon, fin juin à Senlis (Hauts-de-France). Un concept que cet élu, Vice-Président de la Région Aquitaine, juge très prometteur… à condition de ne pas le dévoyer, en exploitant un peu plus nature.

Le biomimétisme consiste à s’inspirer du vivant pour en extraire des solutions  particulièrement innovantes et ingénieuses. Des exemples comme un petit scarabée capable de produire de l’eau au cœur du désert de la Namibie ou une araignée produisant des fils de soie dix fois plus résistant que notre kevlar sont de parfaites illustrations de cette nouvelle approche.
 
Cette dernière bénéficie, depuis quelques mois, d’un réel intérêt du grand public grâce à des vulgarisateurs de talent comme Idriss Aberkane, certainement l’un des plus médiatiques. Indéniablement, cet engouement naissant est une excellente nouvelle pour la biodiversité, parent pauvre des débats relatifs aux problématiques environnementales.

Considérer chaque organisme vivant comme un génie

La biodiversité nous rend pourtant des services vitaux, tels que l’accès à l’alimentation ou encore la fourniture de précieuses molécules bénéfiques à la santé humaine. Le biomimétisme nous invite donc à considérer chaque organisme vivant, même celui-qui peut nous sembler le plus insignifiant, comme un génie.
 
Rappelons que si l’on ramène les 4,5 milliards d’années de vie de notre planète à une seule journée, nous nous sommes mis debout à une minute avant minuit et mené une révolution industrielle à minuit moins cinq millièmes de secondes.

Est-ce si difficile d’imaginer qu’il se soit passé deux ou trois choses instructives durant le reste de cette journée ? Le biomimétisme est en réalité un appel à l’humilité, une invitation pour Homo-Sapiens à rompre avec une certaine arrogance et ainsi changer son rapport à la Nature.
 
Nous touchons là l’enjeu majeur du XXIè siècle : réconcilier l’aventure humaine avec l’ensemble du vivant. Aucune autre question n’est plus importante que celle-ci car le rapport que nous déciderons d’entretenir avec la Nature dans les années à venir conditionnera la pérennité des sociétés humaines.

La réconciliation avec la nature

Le biomimétisme est donc potentiellement porteur de ce nouveau récit, celui de la réconciliation. Mais, si nous ne prenons pas garde, cette approche, prometteuse et porteuse d’espérance, peut aussi renforcer notre rapport utilitariste à la Nature, source de tant d’excès et de désastre.

Prenons un exemple. Des micro-robots pollinisateurs, que des experts annoncent déjà comme opérationnels d’ici quelques années, pourraient se substituer aux abeilles ainsi qu’aux milliers d’autres insectes pollinisateurs. Une perspective qui pourrait rassurer des humains qui ont vu disparaître en 40 ans la moitié des populations animales.
 
Pour autant, qui voudrait vivre dans un tel monde et laisser cela en héritage à ses enfants ? Cet exemple illustre la nécessité de nous interroger sur le sens du progrès. Si nous faisons l’économie de cette réflexion collective et politique, le biomimétisme sera une fuite en avant de plus.
 

Nicolas Hulot dit souvent que “notre monde est caractérisé par une profusion de sciences et un déficit de conscience”.

 
Cette phrase doit sonner comme un avertissement si nous souhaitons ne pas réduire notre projet de société à un monde qui érige la technologie comme seule finalité. Le biomimétisme est une voie pour éviter ce scénario noir à la condition que nous ne passions pas à côté du message principal : la diversité et la coopération sont les clefs de l’avenir humain.
 
Nous ne ferions que redécouvrir la leçon principale de Charles Darwin, qui n’a jamais parlé de la loi du plus fort, mais fondé sa théorie sur la loi du mieux adapté. Précisément ce à quoi nous devons réfléchir pour tenter de surmonter les grands bouleversements à l’œuvre.
 

Nicolas Thierry

Vice-Président de la Région Nouvelle-Aquitaine et membre du bureau exécutif d’Europe Écologie-les Verts.
 

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