Partager la publication "Travailleurs indépendants : “Monsieur le Président, bonne chance pour ce chantier d’avenir”"
Il faut l’avouer, le bilan rendu par son prédécesseur n’est pas brillant : baisse massive des inscriptions au régime auto-entrepreneur, complexification des démarches administratives, perte de confiance des Français dans les dispositifs de création d’activité, persistance d’un galimatias indescriptible de régimes, statuts, dérogations, exceptions, exclusions, clauses et autres inepties juridiques, évolutions lentes mais visiblement pas salutaires du RSI…
Ce n’est donc rien de dire qu’il faut remettre la France en marche, mais il faut le faire rapidement ! Par exemple, les discussions pour faire émerger la Loi Pinel ont pris deux ans et demi ; les aménagements de la Loi Sapin 2 ne sont toujours pas publiés intégralement dans les décrets ; l’article 60 de la Loi Travail qui améliore la protection des indépendants affiliés à une plateforme n’a pas encore de décret finalisé.
Il y a urgence à élargir et éclaircir l’exercice du travail indépendant
Le chantier technique n’est pas à minimiser, tant il est ample : simplification administrative, réflexions sur les qualifications professionnelles, refonte de la protection sociale, création d’un droit au chômage, clarification de la fiscalité et en particulier de la CFE, remise à plat juridique des conditions de requalification, responsabilité sociale des plateformes, mise en œuvre des tiers de confiance… Ce chantier est d’autant plus complexe qu’il implique de nombreux acteurs divers, relevant chacun de ministères ou de directions centrales différentes, et par définition ne partageant pas le même calendrier, les mêmes priorités, les mêmes contraintes.
Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette révolution des modes de travail est tout sauf technique. Elle est un formidable levier politique dans un quinquennat qui sera scruté à l’aune de ses résultats sur le chômage ! Qui dit travail indépendant dit levier d’insertion, dit rebondissement professionnel, dit lutte contre le travail au noir, préférence pour l’activité plutôt que pour l’assistanat, levier de croissance bien évidemment… Qui dit assouplissement du code du Travail dit nécessairement, par effet de bord, développement des modes de travail alternatifs (freelance, portage salarial, contrats d’usage, assimilés salariés). On mesure l’esprit de synthèse et d’apaisement qu’il faudra déployer pour éviter l’affrontement stérile des tenants du salariat exclusif contre les défenseurs d’une indépendance excessive.
Un monde disparate qu’il faut réunir autour d’intérêts communs
Un monde disparate, où l’hétérogénéité des métiers, des qualifications, des histoires, des organisations syndicales, des tailles d’entreprises et des régimes n’aident pas à une vision globale du sujet.
Pour y arriver, je ne vois pas de solution miracle. Mais je sais qu’il faut :
- Une conviction forte et constante : nous nous noyons dans la complexification, et nous devons en sortir ;
- Un objectif précis : mieux protéger les entrepreneurs des accidents de la vie et s’adapter aux carrières morcelées que nous vivons tous ;
- Du courage pour tenir face aux multiples groupes de pression qui ne tarderont pas à hérisser tous les obstacles possibles.
Des mesures rapides et efficaces dès la première année : hausse des plafonds du régime de l’auto-entreprise, bénéfice élargi à tous les indépendants du dispositif Madelin, auto-liquidation des cotisations au RSI. Ces trois mesures donneront un signal fort et rassembleur.
Monsieur le Président, bonne chance pour ce chantier d’avenir. Il est passionnant et engageant, il impacte aujourd’hui six à huit millions de Français, quinze millions demain. Ils comptent sur vous !
Grégoire Leclercq.