Depuis plusieurs semaines, une colère sourde rend la fiscalité écologique responsable de tous les maux. Gilets jaunes et bonnets rouges ressortent pour l’occasion du placard. Parce qu’elle n’apprécie rien d’autre que le comique de répétition, Ségolène Royal revit son heure de gloire en soutenant ces automobilistes “injustement” taxés. Après avoir eu la peau de l’écotaxe (tuant au passage le fret ferroviaire qui souffre depuis d’un sous-investissement chronique), l’ancienne ministre de l’écologie repart en guerre contre l’écologie “punitive”.
Tous les ingrédients d’une mauvaise farce sont ainsi réunis ! Chacun dans un mauvais rôle dont le climat est la victime collatérale. Alors que plus de 40 000 personnes meurent, chaque année en France des effets de la pollution atmosphérique pour un coût dépassant les 100 milliards d’euros, qu’un consensus semblait se faire jour sur l’urgence d’agir sur les causes du dérèglement climatique (dont les transports représentent plus du tiers des émissions hexagonales en constante augmentation depuis 1990), une classe politique irresponsable semble faire sienne la revendication d’une baisse du prix des carburants.
Le prix de l’essence, supposé être à l’origine de cette jacquerie, est très loin d’atteindre un sommet historique. En une décennie, entre 2008 et 2018, le prix de l’essence sans plomb a augmenté de 17 centimes. Alors que l’essence atteignait les 1,7 euros le litre en 2012, il faut débourser 1,54 euros en 2018, soit une baisse de 10 % en seulement 6 ans ! En tenant compte de l’inflation, l’essence coûte moins cher aujourd’hui qu’il y a 10 ans !
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Entre 2008 et 2018, la consommation des véhicules a tendanciellement baissé pour passer 6,98 à 6,39 l/100 km. Cette efficacité énergétique a permis d’économiser mensuellement, pour un conducteur parcourant 15000 km/an, 11,35 euros. Mais les chiffres ne sont que peu de choses face à la colère. Or, quand 58 % des déplacements de moins d’un kilomètre se réalisent en voiture, il n’est pas illégitime de réfléchir aux alternatives à proposer pour se libérer de l’emprise de l’automobile.
Qu’une partie de l’opinion puisse exprimer de légitimes revendications sur la façon dont le gouvernement favorise le 1 % des plus riches au détriment de ceux qui souffrent est une chose. Que la colère se cristallise aujourd’hui sur la fiscalité écologique est une grave erreur car elle obère nos chances d’opérer enfin une transition écologique qui n’a que trop tardé à être mise en œuvre. Pour plagier l’abbé Pierre, le gilet jaune, comme en son temps le bonnet rouge est un homme qui se trompe de colère.
Que ceux qui instrumentalisent la souffrance des gens aient honte. Ils ne sont tout simplement pas dignes de nous représenter. Ils ne sont pas à la hauteur de l’Histoire, pas à la hauteur de la crise climatique qui réclamera de nous un effort bien plus conséquent que ces quelques centimes d’augmentation.
Préférant vivre dans le déni en exigeant que le prix du pétrole baisse à mesure que les stocks disponibles s’amenuisent, notre société occidentale prend le risque d’un réveil brutal. Faute d’anticiper et préparer l’avenir, nous nous condamnons, à moyen terme, à subir tout à la fois les effets du dérèglement climatique et une hausse immaîtrisable du prix des ressources pétrolières. Ce jour-là, il est vraisemblable que nous n’entendrons plus ces irresponsables politiques justifier, pour quelques points de popularité, l’injustifiable.
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