Partager la publication "5 différences entre Bitcoin et un compte bancaire"
Bitcoin est une fois de plus sur le devant de la scène, toujours pour les mêmes raisons : son cours a littéralement explosé (le bitcoin a franchi pour la première fois cette semaine la barre des 50 000 dollars). Année après année, il soulève les mêmes interrogations. Monnaie ou pas ? Bulle spéculative ou non ? Le débat semble tourner en rond, sans lever la confusion et éclairer le quidam sur l’intérêt de la crypto-monnaie.
Or, comme pour toute technologie, seuls les usages importent vraiment. Concrètement, que change Bitcoin par rapport à un compte bancaire classique ? Voici 5 points qui les différencient.
Ouvrir un compte
Il n’existe pas vraiment de “compte Bitcoin”, mais on peut s’y mettre de deux façons différentes (sans forcément disposer de 50 000 euros : on peut acheter des fractions de Bitcoin).
La première est via une société tierce, qui gère vos crypto-monnaies pour vous. Il peut s’agir d’un bureau de change (Paymium, Binance, Coinbase…) ou de crypto-banques (Wirex, Crypto.com…). L’ouverture d’un compte est rapide mais il est souvent nécessaire de vérifier son identité. Le service est soit gratuit (l’entreprise perçoit des commissions sur les conversions) soit payant (moins de 30 euros par an).
L’autre solution, considérée comme davantage dans “l’esprit Bitcoin”, est de gérer soi-même ses crypto-monnaies. Le plus courant est de télécharger une application dédiée (mobile ou desktop), qui servira de “porte-monnaie électronique” (wallet) pour stocker, envoyer ou recevoir des bitcoins (et parfois d’autres cryptos). Le processus est gratuit et rapide : lors de son premier lancement, l’application génère une suite de 12 mots qu’il faudra conserver en lieu sûr et le porte-monnaie est alors immédiatement opérationnel. Quiconque possède cette suite de mots est le plein propriétaire (et le seul responsable) des bitcoins qui sont stockés par ce porte-monnaie (on peut également acheter un appareil électronique dédié – Ledger, Trezor, Keepkey… -, mais le processus est le même).
Si l’on compare à l’ouverture d’un compte bancaire classique, pas toujours rapide et impliquant formulaires et pièces justificatives, l’avantage est donc à Bitcoin : soit la procédure est similaire (surtout si l’on utilise une “crypto-banque”), soit elle est beaucoup plus simple et immédiate (si l’on gère soi-même ses bitcoins). À l’usage, Bitcoin s’avère aussi moins coûteux : pas ou peu de frais récurrents de tenue de compte.
À lire aussi : J’ai créé ma crypto-monnaie
Paiements et virements
Plusieurs dizaines de milliers de commerçants dans le monde acceptent les paiements en Bitcoin. Au moment de l’achat, le marchand va présenter une facture affichant un QR code qu’il suffira de scanner avec son porte-monnaie Bitcoin. L’appli va automatiquement renseigner l’adresse de destination et le montant, et il suffira de confirmer le paiement d’un clic.
Payer avec Bitcoin est donc au moins aussi facile qu’avec une carte bancaire, mais n’est toutefois pas aussi efficace. Selon l’encombrement du réseau Bitcoin et le nombre de validations que requiert le marchand (de une à six), une transaction peut prendre un temps très variable, de quelques dizaines de secondes à quelques minutes, voire beaucoup plus. En outre, les frais associés à chaque transaction, payés par l’utilisateur, sont en général faibles (en général 1 ou 2 dollars) mais en pratique imprévisibles (ils sont actuellement deux à trois fois plus élevés qu’en 2020). Sans compter que la volatilité du Bitcoin peut aussi faire évoluer le prix des achats effectués. Au total, pour le consommateur, l’avantage est encore clairement aux cartes bancaires, rapides, fiables et sans surprise.
Les choses pourraient toutefois changer avec Bitcoin Lighting, un protocole complémentaire développé depuis plusieurs années. Bien qu’encore peu répandu, il permet des transactions Bitcoin instantanées, avec des frais négligeables, y compris pour des paiements de montant très faible.
Pour ce qui est des transferts d’argent entre personnes, la situation est différente. Envoyer de l’argent à un proche, surtout à l’étranger, reste coûteux avec les systèmes traditionnels. Soit vous effectuez un virement (induisant des frais de quelques euros et nécessitant de un à trois jours), soit vous utilisez un service tiers comme MoneyGram ou Western Union (plus rapide mais bien plus coûteux : envoyer 300 € en espèces de France au Maroc, par exemple, coûte 15 €). Cette fois, avantage à Bitcoin : envoyer des fonds à quelqu’un est aussi simple qu’envoyer un e-mail et toujours plus rapide et souvent moins cher qu’avec les solutions conventionnelles.
À lire aussi : Le bitcoin pourrait devenir “une valeur refuge”
Crédit et services complémentaires
En plus d’un compte courant, une banque propose des produits et services complémentaires : épargne, crédits, facilité de découvert, etc.
De façon native, il n’existe pas véritablement d’équivalent dans l’univers Bitcoin. Un wallet logiciel “pur souche”, comme Bitcoin Core ou Electrum, sert à conserver, envoyer ou recevoir des bitcoins, et uniquement à cela. D’autres, comme BRD ou Exodus, intègrent quelques options supplémentaires, notamment la possibilité de convertir vos bitcoins en d’autres crypto-monnaies directement depuis votre porte-monnaie.
Pour trouver dans l’univers Bitcoin des services proches de ceux offerts par les banques, en particulier des crédits, il faut se tourner vers des solutions annexes. Plusieurs entreprises, comme Celsius ou Nexo, proposent crédits et comptes rémunérés en crypto-monnaies. Mais les solutions les plus novatrices se trouvent dans la DeFi, ou Finance décentralisée : des dizaines de protocoles automatisés, à base de blockchains, sur lesquels reposent des instruments financiers divers, dont des systèmes de crédit de personne à personne et des comptes rémunérés. Les options les plus abouties se trouvent dans le monde Ethereum, 2e crypto-monnaie mondiale, mais des principes similaires apparaissent pour Bitcoin, comme Sovryn. Il est aussi facile à tout moment de convertir des bitcoins en crypto-monnaies au cours stable (stablecoins) afin d’utiliser des services DeFi.
Ici, bénéfices et inconvénients sont mitigés. D’un côté, les crédits bancaires sont sûrs et sans surprise, mais ils impliquent des procédures lourdes et peuvent vous être refusés. De l’autre, les solutions de type DeFi ne sont pas sans risque et exigent de se familiariser avec un univers nouveau et complexe. Mais la possibilité de crédits entièrement automatisés et sans la moindre démarche administrative est pour le moins prometteuse.
Inclusion et libertés
Bitcoin et crypto-monnaies peuvent-ils faciliter la vie des plus démunis ? Les avis sont partagés. Pour le PDG de Mastercard, “Bitcoin ne peut pas aider les personnes non-bancarisées”, du fait de sa volatilité notamment. Utiliser Bitcoin nécessite aussi une agilité digitale que n’ont pas forcément les plus démunis.
Pour le think tank Blockchain Council, au contraire, “il ne fait aucun doute que les crypto-monnaies peuvent favoriser l’inclusion financière”. Par leur immédiateté et la suppression des intermédiaires, Bitcoin et crypto-monnaies pourraient être une partie de la solution, par exemple dans des pays africains où l’accès bancaire reste compliqué mais où les Smartphones sont démocratisés.
Par ailleurs, en matière de libertés, dans certains endroits du monde, l’argent et les banques sont utilisés comme des moyens de répression, voire d’oppression, à l’encontre de minorités, d’opposants politiques, de journalistes ou d’activistes.
“Bitcoin est une puissante force en faveur des droits de l’homme dans le monde entier“, estime Alex Gladstein, responsable stratégie de la Fondation des droits de l’homme. Dans une vidéo postée sur Twitter en février 2021, il explique : “Peut-être n’avez-vous pas besoin de Bitcoin, peut-être ne le comprenez-vous pas, peut-être que PayPal ou votre compte bancaire vous suffisent très bien. Mais ne considérez pas pour autant Bitcoin comme un simple instrument de spéculation financière. Pour des millions de gens dans le monde, Bitcoin est un moyen d’échapper à la tyrannie. Rien d’autre que l’argent de la liberté.”
Changer de logique – et de regard
Par rapport à l’existant, Bitcoin s’inscrit dans une logique différente. L’adopter revient pour beaucoup à souscrire à des parti-pris forts et engagés.
Bitcoin tente d’abord d’apporter une plus grande clarté aux principes monétaires. Il y a actuellement 18 638 300 bitcoins en circulation, et 6,25 bitcoins sont créés environ toutes les 10 minutes, selon des mécanismes connus et purement mathématiques. Il n’y en aura jamais plus de 21 millions, un cap qui sera atteint aux alentours de 2140. Ces principes sont nouveaux, et même inédits comparés à toutes les formes de monnaie ayant existé auparavant, qu’il s’agisse de devises, d’or ou d’autres valeurs. Et Bitcoin, dans une logique purement décentralisée, n’est régi par aucun organisme, structure de contrôle ou hiérarchie.
Cela change la nature de l’argent, qui cesse d’être uniquement l’apanage de banques et d’États, pour devenir une sorte de bien commun global (comme peut l’être Internet). Ce faisant, l’usager est amené à reprendre le contrôle de son argent. Comme l’expliquent volontiers les partisans de Bitcoin, il s’agit “de devenir sa propre banque“. Ce qui induit des libertés, mais aussi des responsabilités nouvelles, qui ne sont pas forcément adaptées à tout le monde. Si vous perdez les clés de votre porte-monnaie Bitcoin, personne ne pourra vous aider à recouvrer l’argent que vous y avez mis.
Au final, comme tout autre chose, utiliser Bitcoin présente son lot de bénéfices et d’inconvénients. Mais cela relève aussi (et peut-être surtout) d’une posture quasi politique. Pour les aficionados, préférer Bitcoin aux services bancaires habituels, c’est en quelque sorte s’opposer au système, ou au moins chercher à le remettre en cause.