Partager la publication "500 000 ménages prioritaires en France : comment lutter contre l’exclusion énergétique"
Les chiffres de la précarité énergétique font froid dans le dos. Et si on les met en perspective avec l’hiver qui arrive et les tensions qui s’annoncent déjà en termes de consommation énergétique sur fond de guerre en Ukraine, il y a de quoi être inquiet. En France, 5,6 millions de foyers, 12 millions de personnes, sont concernés par la précarité et l’exclusion énergétique. C’ est 20 % de la population française.
“1 ménage sur 5 a eu froid au cours de l’hiver 2020-2021, pointe Geoffrey Rénimel, délégué à la mobilisation chez ATD Quart Monde lors d’une session du Forum mondial 3Zéro. Chez les plus précaires, quand il fait froid, la note énergétique peut représenter 25 %, voire plus, du budget mensuel total. C’est notamment vrai pour les allocataires du RSA.” Habitations qui sont de véritables passoires thermiques, équipements de chauffage vétustes… les raisons sont multiples mais provoquent bien souvent des coûts faramineux pour se chauffer.
Dans l’espoir d’éviter la coupure par le fournisseur pour cause d’impayé, les plus précaires se chauffent moins, ou ne chauffent qu’une ou deux pièces de la maison. D’après une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le fait d’habiter dans un logement difficile à chauffer augmente de 50 % le risque de se déclarer en mauvaise santé. Une autre étude, dévoilée en 2020 par le collectif Rénovons, estime que ce sont près de 700 millions d’euros de frais de santé que l’on peut imputer directement à la précarité énergétique.
Cela a un impact aussi sur la vie sociale. “Quand on ne chauffe pas assez, que la maison se délabre faute de travaux et d’une bonne isolation, on a honte de recevoir ses amis, ses voisins chez soi. C’est vrai aussi pour les enfants qui n’osent plus accueillir leurs camarades pour le goûter ou les inviter à rester dormir”, souligne Gilles Berhault, délégué général de Stop Exclusion Énergétique. Sans parler de faire ses devoirs dans un logement où il fait 11 °C, ni d’avoir un sommeil reposant quand on grelotte de froid.
Afin de faire cesser cette situation dramatique, l’association Stop Exclusion Énergétique se lance dans un grand projet pour aider les plus précaires à rénover et isoler leur logement. Le but est de compléter ainsi l’objectif des pouvoirs publics de rénover 500 000 logements par an (chiffre non atteint à date). “Nous voulons accompagner des personnes de bout en bout pour rénover leur logement“, résume Bernard Saincy, président de l’association.
“Pour cela, nous avons identifié 14 Territoires Zéro Exclusion Énergétique. Cela peut-être un quartier de 10 000 habitants dans une grande ville (Grenoble, Marseille), un territoire de 5 000 habitants dans une ville moyenne ou encore des zones rurales avec un bassin de vie de 2 000 personnes. En moyenne, pour une rénovation énergétique, il faut compter 50 à 70 000 euros, c’est totalement hors budget des personnes que nous visons.“
Le projet se découpe en six étapes. La première consiste à identifier les foyers en situation de précarité énergétique. La deuxième est de définir un projet de rénovation et de tisser des liens de confiance avec le foyer concerné afin qu’il adhère à l’idée. La troisième consiste à trouver les financements.
“En général, 55 % sera pris en charge par l’État. Environ 20-25 % sera financé par les collectivités locales (ville, département, région, etc.) puis une autre partie par des fonds d’aide d’associations (Abbé Pierre, Secours Catholique, etc.). Il va falloir remplir 10, 12, 15 dossiers complexes mais c’est faisable. In fine, il reste environ 10 % à charge du foyer. 5 à 10 000 euros à payer. Mais quand on vit avec moins de 10 euros par jour par personne, ce n’est pas envisageable. Mais on trouve toujours des solutions”, assure Bernard Saincy.
La quatrième étape est la réalisation des travaux. Là encore Stop Exclusion Énergétique intervient, notamment pour former les artisans. Puis l’association organise un suivi. “Le but est d’apprendre les écogestes, de changer les comportements dans les foyers pour optimiser leur consommation énergétique et les aider à sortir de la précarité sur ce plan là”, détaille Gilles Berhault. Enfin, la sixième et dernière étape est l’animation. C’est l’accompagnement des foyers tout au long du parcours de rénovation, qui peut être une étape stressante pour eux. Des bénévoles sont formés afin d’expliquer les démarches et de trouver des consensus.
Comme il n’est pas toujours aisé d’identifier les foyers qui vivent dans de véritables passoires thermiques, Stop Exclusion Énergétique s’appuie sur des fournisseurs d’énergie pour localiser les territoires où la population est la plus susceptible d’avoir besoin d’un coup de pouce. “On a souvent l’idée préconçue que la précarité énergétique est principalement dans des quartiers socialement défavorisés, or cela concerne beaucoup les territoires ruraux, note Nicolas Perrin, directeur RSE d’Enedis. Le compteur Linky nous permet de détecter des soucis, d’identifier des zones de trop forte consommation énergétique. On partage alors ces données anonymisées (sur un bassin de 2000 foyers minimum) avec les associations et nous insistons sur l’importance des écogestes (éteindre ses appareils en veille, etc.) qu’il est important de retrouver.”
D’autres enseignes bien connues des Français s’impliquent aussi auprès de Stop Exclusion Énergétique et ATD Quart Monde. C’est le cas de Leroy Merlin par exemple. “Les personnes en grande précarité sont rarement clients de nos magasins mais nous avons découvert la réalité terrain par le biais des associations. Et nous avions envie d’agir”. Dernièrement, Leroy Merlin a déployé une opération afin de reverser une partie des bénéfices collectés grâce aux travaux d’isolation et de chauffage des clients de l’enseigne en achetant certains produits et services. Pour chaque radiateur, sèche serviettes ou chauffe-eau de l’opération acheté, Leroy Merlin s’est engagé à reverser 25 euros. Objectif total de l’opération : 1 million d’euros ainsi distribués à l’association pour soutenir son projet.
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