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“Dépendance au poisson” : pourquoi la France importe les 2/3 de ce qu’elle consomme

Ce n’est pas un poisson d’avril puisqu’on est en mai. A compter de ce lundi 2 mai 2022, la France a, en théorie, consommé tous les poissons et produits de la mer issus de ses eaux pour le reste de l’année. Ainsi, si les Français de l’Hexagone n’avaient consommé que du poisson pêché localement depuis le 1er janvier, il ne serait plus possible d’en acheter à partir du 2 mai. Alors que nous possédons le deuxième espace maritime mondial avec 10,7 millions de km², le quota de la pêche hexagonale reste limité et plusieurs espèces très populaires en France ne sont pas produites localement. Conséquence : au total, nous importons les deux tiers de notre consommation de poissons.

Tel est le constat dressé par le label Aquaculture Stewardship Council (ASC), qui milite en faveur d’une aquaculture plus responsable, aussi bien environnementalement que socialement. C’est elle qui est à l’origine de ce calcul théorique de cette journée de la “dépendance au poisson”, indique Libération. “Transposé à une année, cela signifie qu’au-delà du 2 mai, tous les poissons consommés en France, sont issus de l’importation. Ainsi, si les consommateurs n’achetaient que du poisson produit localement, les rayons seraient vides en mai“, résume l’ASC. Chaque année, cette journée théorique arrive plus tôt…

Pourquoi la France importe 66 % de sa consommation de poissons

Pourquoi nous importons autant de poissons ? C’est en grande partie en raison de nos habitudes de consommation. Les Français apprécient tout particulièrement le saumon, le thon et les crevettes, des espèces peu ou pas produites localement. “Nous consommons, aujourd’hui, 34 kilos de produits de la mer par tête. Or, la France est un petit pays producteur. On ne produit que le quart de ça. Donc la demande s’accroît sur un marché qui est déjà en déséquilibre”, a expliqué Stéphan Beaucher, consultant en politiques publiques de gestion des pêches, à Europe1.fr. Il précise que le saumon fumé, notamment, est devenu un produit particulièrement populaire sur ces 40 dernières années.

Et d’ajouter : “Il y a un engouement au niveau des besoins en protéines non grasses et d’oméga 3, plébiscités par la presse féminine et les régimes minceurs”, poursuit Stéphan Beaucher. Selon la FAO, La France représente 4 % des importations mondiales de poissons et autres produits aquatiques, selon les données 2018. Elle est le cinquième pays importateur – au même niveau que l’Italie, l’Allemagne et la Corée du Sud. Des importés donc, et principalement issus de l’aquaculture qui plus est.

Les importations de de poissons et autres produits aquatiques selon la FAO (chiffres de 2018).

A lire aussi : Éoliennes en mer : au bonheur des poissons

Privilégier le poisson local… et rester mesuré

Il convient donc de réduire la consommation de poissons, notamment ceux importés. En 2000, en moyenne chaque Français consommait 30 kilos de produits aquatiques par an (20,1 kilos de poissons et 9,9 kilos de coquillages et crustacés). En 2017, selon FranceAgriMer, les chiffres ont grimpé à 33,7 kilos de produits aquatiques par an dont 24 kilos de poissons et 9,7 kilos de coquillages, crutacés et autres céphalopodes. Une hausse de 12,3 % en moins de 20 ans. A titre de comparaison, la moyenne européenne est bien plus basse, à 21,6 kilos.

Réduire sa consommation serait donc une première étape. Consommer du poisson local est aussi une bonne idée, à condition de respecter les quotas et de laisser les écosystèmes se régénérer naturellement. En termes de poissons frais, le saumon et le cabillaud, sont les deux poissons les plus consommés par les Français, et de loin. Devant le lieu noir, la truite et la Daurade, indique le baromètre Kantar Worldpanel pour FranceAgriMer. Une des solutions serait de diversifier de manière beaucoup plus large les espèces consommées afin de ne pas systématiquement ponctionner les mêmes types de poissons. Et de diminuer sa consommation de produits de la mer au profit de davantage de produits végétaux, comme les légumineuses par exemple.

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