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À Paris, la climatisation risque d’aggraver les canicules

À Paris, la vague de chaleur est d’une longueur exceptionnelle : les températures pourraient dépasser les 35 degrés durant six jours consécutifs, ce qui n’a été observé qu’une seule fois depuis 1873, pendant la canicule d’août 2003. Celle qui avait coûté la vie à près de 5000 personnes en Île-de-France, dont 1067 à Paris.

Lors de ces épisodes caniculaires, il paraît tout naturel de se ruer sur les climatiseurs. Contrairement aux ventilateurs, qui se contentent de brasser l’air ambiant – et chaud – ces appareils rafraîchissent effectivement la pièce.

Mais à quel prix ? Une étude publiée en juillet 2020 dans la revue Environmental Research Letters se penche sur le cas de l’Île-de-France. Et ses conclusions sont inquiétantes : le recours massif à la climatisation accentuerait les phénomènes d’îlots de chaleur urbain et pourrait faire grimper les températures extérieures de 2,4°C environ.

Des canicules de plus en plus fréquentes… Et des foyers de plus en plus climatisés

Un climatiseur fonctionne comme une pompe, rejetant à l’extérieur la chaleur jugée néfaste à l’intérieur. Or, à mesure que le climat se réchauffe, la demande en climatiseurs est en forte croissance et ce à l’échelle mondiale. Selon l’Agence internationale de l’énergie, leur nombre devrait bondir de 1,6 à 5,6 milliards d’ici à 2050.

Une augmentation que l’on remarque également chez les foyers français : si seuls 5 % des ménages étaient équipés d’un climatiseurs en 2005, ils seraient à présent 13 % à en posséder un, selon les auteurs de l’étude. Si aucun chiffre n’est avancé pour la capitale française, les auteurs de l’étude estiment l’augmentation inévitable en raison de la multiplication des canicules dans la région. “À la fin du siècle actuel (2070-2099), une ou deux vagues de chaleur pourront être attendues chaque année”, écrivent-ils.

L’air extérieur gagnerait 2 à 3 degrés supplémentaires

Les chercheurs ont modélisé une Île-de-France frappée par une canicule semblable à celle de 2003 et d’une durée de 9 jours. Selon leur étude, cette projection correspondrait aux températures que pourrait connaître Paris d’ici 2100.

Cartographie de la température des rues parisiennes, à 4 heures du matin, pour une canicule simulée d’une intensité semblable à celle de 2003. (Crédit : Vincent Viguié et al)

L’écart de température entre le centre de Paris et les zones plus arborées de l’Île-de-France serait alors de 6 degrés environ, confirmant le danger que représente les îlots de chaleur urbain. Selon ce scénario, les rues parisiennes seraient concernées 15 heures chaque jour par le risque de stress thermique, situation dans laquelle l’accumulation de chaleur dans l’organisme est telle que ce dernier est incapable de réguler sa température. À l’intérieur des foyers – et toujours en l’absence de climatisation – le même risque serait présent 7,5 heures par jour environ.

On comprend mieux l’intérêt immédiat des climatiseurs. Sur le long terme, en revanche, ils ne font qu’aggraver la situation. Ce serait encore pire si une majorité de foyers parisiens faisait le choix de la climatisation, et maintenait une température de 23°C à l’intérieur des habitations, la température extérieure augmenterait de 2,4°C à l’issue des 9 jours de canicule. Et si la vague de chaleur s’avérait plus insupportable encore que celle de 2003, l’augmentation pourrait être de 3,6°C.

Augmentation des températures extérieures en cas de recours massif à la climatisation, pour deux scénarios de canicule différents. (Crédit : Vincent Viguié et al)

Peut-on se passer de la climatisation ?

Face à ce constat, les chercheurs ont établi la liste des solutions alternatives à la climatisation. La végétalisation des villes est évidemment évoquée, avec, ici, un chiffre : selon l’étude, 10 % de la superficie parisienne devra être transformée en parcs pour des retombées optimales. Les bâtiments, quant à eux, devront être massivement rénovés pour une meilleure isolation.

Mais cela ne suffira pas. Si les mesures évoquées rafraîchiront effectivement l’air extérieur, particulièrement nocturne (4,2°C de moins en moyenne pendant la nuit) la température à l’intérieur des domiciles restera trop élevée pour être supportable sans recourir à la climatisation. “Un peu plus de six heures par jour devront être passées dans des conditions de stress thermique à l’intérieur des bâtiments”, écrivent les auteurs de l’étude.

Les comportements devront alors changer. Les chercheurs préconisent de modérer notre usage des climatiseurs, en maintenant les températures aux alentours de 28°C dans les foyers, et 26°C dans les bureaux.

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