Partager la publication "Alan Turing a-t-il inventé l’ordinateur et l’IA ? Son neveu nous raconte"
Dermot Turing, neveu du scientifique Alan Turing, était de passage à Paris, lundi 25 juin 2018, à l’occasion de la Conférence USI (“Unexpected Sources of Inspiration”), qui rassemble depuis 10 ans des penseurs, innovateurs et créateurs parmi les plus éminents du moment. Juriste de profession, mais aussi auteur d’une biographie de référence de son aïeul, inventeur de l’informatique moderne, il a accordé un entretien exclusif à WE DEMAIN.
Dermot Turing : C’est ce que dit l’histoire officielle anglaise, mais il faut savoir qu’Alan Turing n’était pas seul. On doit ce travail à tout le complexe de Bletchley Park. Un château rempli d’experts en mathématiques qui ont réussi à briser le code secret des machines Enigma utilisées par les Allemands pour encoder leurs messages. Turing a eu un rôle décisif mais il ne travaillait pas seul. Est-ce que cela a évité des millions de morts ? Oui, probablement.
Ce travail lui a par contre permis d’avancer sur les “machines de Turing “. Un concept théorique qu’il avait imaginé dès 1936. Et qui s’est concrétisé dans les “bombes”, ces machines briseuses de code mises au point durant la seconde guerre mondiale. Puis dans les ordinateurs tels qu’on les connaît désormais et qui doivent beaucoup aux travaux de Turing dans l’après-guerre. Mais il est difficile de savoir qui est le véritable père de l’ordinateur. S’il s’agit de l’Anglais Alan Turing, de l’Américain John Von Neumann, voire de l’Allemand Konrad Zuse
Quand à l’intelligence artificielle, on lui doit en effet le célèbre “Test de Turing “, imaginé en 1950, qui est toujours utilisé aujourd’hui pour déterminer si une IA est capable de mystifier un interlocuteur humain afin qu’il la prenne pour un de ses pairs.
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Quand j’étais enfant, il n’était pas connu. Alan était le petit frère de mon père. Il y avait quelques histoires drôles autour de ses excentricités mais aucune sur ses activités durant la guerre. Il a fallu attendre 1996 pour qu’elles soient totalement déclassifiées par l’armée.
Mon intérêt personnel s’est accru avec celui de tout le monde, à l’approche du centenaire de sa naissance en 2012. J’ai voulu vérifier ce que je lisais dans les livres, aller plus loin et utiliser des documents de première main qui étaient dans ma famille. C’est ce qui a mené à l’écriture de mon livre.
Nous avons des similarités. Nous sommes allés dans les mêmes écoles. Sherborne car c’était pour les matheux, à la différence de Marlborough où a été mon père, avec son club de foot. Puis King’s College car c’est une sorte de tradition familiale. Mais je n’ai pas du tout les capacités d’Alan en cryptographie, mathématiques de haut niveau… Je ne suis qu’un juriste dans le secteur financier. Désormais je travaille à mi-temps et j’écris des livres d’histoire.
C’est un très bon film, très divertissant et qui a permis de faire découvrir Alan Turing au grand public. Mais il y a un point qui me dérange. Dans The Imitation Game, Turing est dépeint comme un personnage mal à l’aise socialement. Une sorte de geek très arrogant et dérangé psychologiquement à la fin de sa vie. De tous les récits de personnes l’ayant connu que j’ai pu collecter, rien n’est plus faux. Alan avait un sens de l’humour et de l’autodérision très développé, et ce même à la fin de son existence en 1954. Je pense qu’il s’est suicidé pour revendiquer une forme de contrôle sur sa vie. C’était tout sauf une marque de faiblesse.
C’est une légende tenace. Bletchley Park a été fermé après-guerre mais pour être remplacé par le GHCQ, qui sont les services secrets britanniques tels que nous les connaissons aujourd’hui. Ils n’ont pas abandonné Turing mais ont au contraire intercédé afin de lui faire bénéficier d’une peine alternative à la prison, ce qui aurait détruit sa carrière. Mais ils ne pouvaient pas non plus aller contre la loi. Alan Turing avait admis être homosexuel et la castration chimique était une peine alternative à la prison. Une voie de secours si l’on peut dire.
Selon mes sources, Steve Jobs aurait dit “J’aurais aimé que ce soit la véritable raison”. A priori, le logo d’Apple ressemblait à une cerise lorsqu’il était imprimé trop petit. La morsure a été rajoutée pour donner une échelle et rendre le logo plus raccord avec le nom de la marque. Leur slogan à une époque a même été “Apple : take a byte”. Un jeu de mots intraduisible en français, entre “mordez-dedans” et les octets de la mémoire informatique.
C’est en partie la faute du secret d’état mais aussi de son homosexualité. Il y a eu le pardon officiel en effet, mais celui-ci a entrainé une véritable polémique. Que faire des 50 000 autres gays qui avaient été jugés coupables dans les années 1950 ? Récemment, le Royaume-Uni a voté une nouvelle loi qui pardonne tous les homosexuels victimes de répression… sauf ceux qui sont encore vivants ! S’ils désirent un pardon, c’est à eux d’en faire la demande. Le Royaume-Uni marche décidément encore sur la tête…
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