Partager la publication "B Corp : tout comprendre au label des entreprises à impact positif"
À la fois label et communauté de quelque 7 600 entreprises réparties dans plus de 80 pays et 155 industries, B Corp vient certifier des entreprises à but lucratif répondant à des normes élevées en matière de performance sociale et environnementale. C’est à Philadelphie (USA) que B Corp voit le jour en 2007. Depuis, le label a acquis la réputation d’être particulièrement exigeant et possède des antennes dans de nombreux pays. Dont la France, où 340 sociétés font partie de l’écosystème.
“Pour résumer, B Corp est un mouvement d’entreprises qui ont envie de créer une économie nouvelle, explique Camila Garcia Quijano, co-présidente de B Corp France. Nous promouvons une économie équitable, inclusive et régénératrice. Qu’on ne s’y méprenne pas : ces entreprises sont là pour faire du business et générer des profits. Mais pas sur le dos des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux.” Voici 10 questions pour tout comprendre audes entreprises à impact positif.
Ce n’est pas facile d’être labellisé B Corp.
Toute entreprise peut aspirer à être certifiée si elle est en activité depuis au moins 12 mois. Le label reconnaît aujourd’hui 23 modèles d’affaires à impact dans le cadre de son référentiel. Cinq piliers sont évalués : la gouvernance, les collaborateurs, la collectivité, l’environnement et les clients. Quelle que soit sa taille ou son domaine d’activité, elle peut remplir le formulaire en ligne appelé “Business Impact Assessment” (BIA).
“Ce questionnaire permet d’évaluer toute la chaîne de valeur, de regarder tout ce qui se passe dans l’entreprise, détaille Thomas Breuzard, co-président de B Corp France. C’est aussi un moyen de s’assurer de l’engagement de tous les aspects de l’entreprise. On vient challenger chaque domaine de l’entreprise, c’est souvent très fédérateur in fine.”
“Chaque entreprise est notée sur un score total de 200 mais même les meilleures entreprises sont loin de cette cible. Dans l’Hexagone, les plus avancées atteignent rarement les 100-120 points. La marque Bjorg [spécialisée dans l’alimentaire bio, NDLR] est notée 110, le service informatique Norsys 111…” Obtenir un score de 80/200 est déjà considéré comme très difficile. “Il faut voir ce système de notation comme un chemin d’amélioration continu et non comme une finalité”, résume Camila Garcia Quijano.
L’accès au formulaire est gratuit mais la soumission du dossier est payante. Comptez entre 250 et 900 euros selon la taille de l’entreprise pour que le dossier soit traité. Ensuite, les frais annuels de la certification peuvent varier de 1 000 à 50 000 euros (voire plus pour les grands groupes) en fonction du chiffre d’affaires. Cela sert en partie à couvrir les frais de l’organisme de certification.
Devenir une B Corp est un processus assez long. Le formulaire compte environ 150 questions nécessitant beaucoup de données à fournir… et donc à compiler en amont. Il faut compter environ un an ou deux avant de pouvoir obtenir l’agrément. Mais certaines entreprises qui ont déjà fait le gros du travail sur l’impact de leur activité peuvent décrocher la labellisation en 6 mois. Pour les plus grands groupes, cela peut être très long. Bonduelle par exemple, qui vise 100 % de l’activité certifiée d’ici 2025, y travaille déjà depuis 5 ans. 37 % du chiffre d’affaires est certifié B Corp en 2023.
“Nous avons des difficultés pour analyser les dossiers remplis et les évaluer car le mouvement grandit vite, reconnaît Thomas Breuzard. Nous faisons appel à des analystes indépendants, spécialistes de ces sujets environnementaux et sociétaux. Ils sont basés à Amsterdam et suivent une formation de 9 mois. Ils sont environ une trentaine en interne. Ce à quoi s’ajoutent une petite vingtaine d’auditeurs d’un cabinet externe qui se chargent de regarder les dossiers les plus simples de petites structures.“
Il existe de grandes entreprises (plus de 1 000 salariés) labellisées. Certaines sont même cotées en bourse. Citons, parmi les groupes certifiés, des marques comme Patagonia, L’Occitane, Danone, Sanofi, Nespresso, Truffaut, Naturalia, Maison Chloé, Blédina, Nature & Découvertes… Mais 75 % des sociétés B Corp comptent environ 50 employés.
Il est plus facile de postuler à la certification B Corp lorsque l’entreprise est petite ou en est à ses débuts. Cela permet de voir dès le départ tous les domaines sur lesquels il est nécessaire de se concentrer pour avoir un réel impact positif.
Il est nécessaire de mettre à jour son dossier tous les trois ans. C’est l’occasion aussi d’obtenir un nouveau score par la même occasion. Mais l’essentiel du travail ayant déjà été fait, le processus est bien moins long et chronophage pour l’entreprise.
Oui, il y une croissance exponentielle du mouvement. Entre 2021 et 2022, B Corp France a enregistré une hausse de 25 %.
Ce n’est absolument pas le but. Néanmoins, afficher la certification permet de rassurer les consommateurs sur les efforts de l’entreprise en matière de RSE. Et donc indirectement de faire progresser l’activité. Mais il est nécessaire de rappeler qu’obtenir le label est long et coûteux. Il est donc crucial de s’interroger sur les réelles motivations pour soumettre un dossier.
Thomas Breuzard complète : “La certification n’est pas faite pour tout le monde et B Corp ne cherche pas à recruter à tout prix. Il y a certaines entreprises qui commencent le processus et s’aperçoivent que ce n’était pas pour elles. Elles mettent le processus en pause et le reprendront peut-être plus tard. Ce n’est pas un problème.”
“C’est hélas impossible même si nous mettons tout en place pour nous efforcer d’écarter les entreprises qui veulent être labellisées pour de mauvaises raisons“, souligne Camila Garcia Quijano. Quoi qu’il en soit, il n’est pas question d’assouplir la certification.
“Elle se durcit même, à mesure que les standards évoluent dans le bon sens pour la planète, l’inclusivité et le respect des droits sociaux, précise Camila Garcia Quijano. Nous essayons actuellement de réécrire notre logiciel pour faire bouger les grilles sans risquer de pénaliser l’ensemble des entreprises déjà labellisées.” Le nouveau système d’évaluation devrait être prêt fin 2024, début 2025.
“Il est certain qu’une entreprise labellisée doit avoir cette réflexion. Ce type de question doit être sur la table. Il faut réfléchir à certains renoncements pour ne pas nuire au vivant. Cependant, nous sommes très heureux que des entreprises labellisées B Corp soient en croissance car cela signifie qu’au niveau du marché global, nous touchons davantage de monde. Nous sommes pour la décroissance globale mais si une B Corp vient révolutionner son marché alors c’est parfait si elle a une croissance très forte”, pointe Thomas Breuzard.
Régulièrement, B Corp organise des rencontres entre les entreprises labellisées. Il existe une grande réunion annuelle des membres mais aussi des AG et de plus petits rendez-vous chaque mois. “L’objectif est de renforcer les liens entre les différents acteurs afin qu’ils puissent partager leurs meilleures pratiques et éventuellement collaborer, même s’il y a encore une marge de progression”, précise Camila Garcia Quijano. B Corp essaye de créer un maillage d’entreprises, un cercle vertueux.
La marque de soins capillaires italienne Davines a par exemple créé la Beauty Coalition en 2021. Elle compte aujourd’hui 80 entreprises qui collaborent pour faire avancer le monde de la beauté avec impact positif. “Dans un monde idéal, nous rêvons de ne plus exister car toutes les entreprises répondraient à nos critères…”, conclut Thomas Breuzard.
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